Au niveau européen, le terme "modèle de laïcité" a été employé, à propos du modèle français, par la Cour européenne des droits de l’homme(nouvelle fenêtre) (CEDH). Il existe en effet plusieurs modèles. La distinction traditionnellement faite entre l’Europe protestante du Nord et l’Europe catholique du Sud-Est est, à l’évidence, trop schématique. D’autres clivages existent : dans l’imprégnation religieuse d’abord, car le catholicisme s’est imposé dans certains États dès la fin de l’Empire romain alors que certains espaces de l’Est européen n’ont été conquis qu’au XVIIe siècle ; dans le traitement juridique du fait religieux aussi, car certains États ont privilégié une religion d’État alors que d’autres s’efforçaient d’organiser un statut des cultes en garantissant les droits des religions minoritaires.
Si l’on réduit le champ de l’étude aux seuls États qui revendiquent une séparation entre les Églises et l’État, de solides divergences subsistent aussi. On peut néanmoins identifier un clivage essentiel portant sur la finalité de cette séparation. Le "modèle français de laïcité", au sens où l’entend la Cour européenne des droits de l’homme, a pour objet de protéger l’État contre les religions. Le modèle américain, qui tend à se répandre en Europe, se propose quant à lui de protéger les religions contre l’État.
Les deux modèles de laïcité reposent sur :
- des principes différents : la laïcité d’un côté, le sécularisme de l’autre ;
- des modes de garantie distincts : l’égalité devant la loi d’un côté, la non-discrimination de l’autre ;
- et, enfin, sur un rapport différent au fait religieux : l’intégration dans la notion d’ordre public pour l’un, le multiculturalisme et les "accommodements raisonnables" pour l’autre.
Entre ces deux manières d’appréhender les rapports entre l’État et les religions, la Cour européenne des droits de l’homme est à la fois un espace d’arbitrage et de confrontation. Plus...