« Formation professionnelle, pour en finir avec les réformes inabouties » - Débat avec Marc Ferracci, un des auteurs du rapport. La France dispose d’un système spécifique de financement de la formation continue. La loi du 16 juillet 1971 introduit pour les employeurs une obligation financière visant à développer la formation professionnelle continue de leur personnel et contribue ainsi à légitimer l’entreprise comme lieu de réalisation du droit à une formation continue pour les salariés. Dans leur rapport « Formation professionnelle, pour en finir les réformes inabouties, les auteurs Pierre Cahuc, Marc Ferracci et André Zylberberg dénoncent un «système inégalitaire et d’une efficacité quasi-nulle pour ceux qui en ont le plus besoin ».
Le Centre d’études et de recherches sur les qualifications (Céreq) vous invite vendredi 6 janvier 2012 à 14h, à une rencontre avec l’un des auteurs de « Formation professionnelle, pour en finir avec les réformes inabouties ». Marc Ferracci présentera ce rapport dont les propositions seront discutées au regard des travaux récents du Céreq.
Compte-rendu du débat avec Marc Ferracci.
Dans le cadre des rencontres du Céreq, Marc Ferracci présentait le 6 janvier 2012 à Marseille le rapport « La formation professionnelle des adultes : pour en finir avec les réformes inabouties » co rédigé avec Pierre Cahuc et André Zylberberg. La discussion a été ensuite introduite à partir des travaux du Céreq exposés par Isabelle Marion et Josiane Vero. Jean-Frédéric Vergnies, rédacteur en chef de Formation Emploi retrace ici les principaux éléments du débat.
Le rapport pose trois principaux constats, largement partagés, sur les défauts du système actuel de formation continue est à la fois inégalitaire, trop complexe et surtout inefficace. Lors de ces rencontres, le débat a porté sur le levier d’action à privilégier: incitation financière avec suppression de l’obligation légale de financer comme le suggère le rapport présenté ou refondation de la relation à la formation des entreprises et des personnes comme l’argumentent les travaux du Céreq?
Le diagnostic du rapport :
Le rapport formule un diagnostic des limites actuelles du système imputées largement à une obligation légale de financement de la issue de la loi de 1971:
- Inégalités d’accès à la formation entre qualifiés et non qualifiés, entre salariés et demandeurs d’emploi, entre demandeurs d’emploi éligibles à l’assurance-chômage et non éligibles. Ces inégalités sont non seulement inéquitables mais aussi inefficaces. L’accès des moins qualifiés à la formation est bénéfique à l’ensemble de la collectivité (externalité positive) et à ce titre peut être subventionné.
- Complexité du système: l’appareil de formation compte pléthore de prestataires, sans information fiable sur la qualité des formations. Il est alors difficile pour les salariés, les demandeurs d’emploi ou les entreprises de construire des parcours de formation qui soient garants d’une véritable sécurisation des parcours et d’une meilleure compétitivité. En outre, les dispositifs et leur mécanisme d’accès au financement des formations (Droit individuel à la formation DIF, congé individuel de formation CIF), ou de collecte par les Organismes paritaires collecteurs agréés - OPCA sont complexes. Le système est en grande partie opaque et arbitraire, ce qui constitue un frein à la construction d’une culture de la formation. À cet égard, le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels, nouvellement créé, majore cette complexité.
- Relative inefficacité de la formation des adultes par rapport à la formation initiale: la formation continue a peu d’impact en France sur la mobilité professionnelle, même si elle favorise la stabilité professionnelle. Les bénéfices de la formation sont captés par les entreprises. Au final, les rendements individuels de la formation sur les salaires sont faibles. Les réformes récentes sont inabouties de ce point de vue.
L’obligation légale entretient les inégalités d’accès car elle est indifférenciée, c’est-à-dire non ciblée sur les individus les moins employables. On sait que les inégalités d’accès se sont creusées depuis 1970. Pour les entreprises en dessous du seuil, l’obligation légale revient à une taxe qui pèse au final sur les salaires et donc se fait au détriment des salariés. Pour les entreprises au-dessus du seuil, l’obligation légale n’incite pas à tenir compte des externalités positives de la formation (effet positif sur le collectif de travail, le bassin d’emploi…) et donc limite les efforts de formation. En outre, les besoins de formations sont hétérogènes et ne sont pas pris en compte par une obligation uniforme. L’obligation légale contraint parfois à des dépenses de formation en l’absence de véritable besoin.
De manière générale, la réforme de 2009 ne semble pas remédier à ces trois défauts car elle ne revient pas sur l’obligation légale et accroît la complexité du système.
Les trois axes de réforme du rapport
Les auteurs proposent trois axes de réformes à partir de l’analyse économique libérale et des bonnes pratiques dans d’autres pays. Il s’agit pour résoudre les questions d’inégalités d’accès, d’inefficacité et de complexité du système:
- Supprimer progressivement l’obligation légale de financement. En effet, les partenaires sociaux auront besoin de temps pour trouver d’autres sources de financement. Cette obligation serait remplacée par une cotisation sociale prélevé par les URSSAF.
- Inciter financièrement les entreprises à former et les individus à se former en instaurant un système de subvention via des crédit d’impôt (aussi bien pour les entreprises que pour les individus) ou des chèques formation pour les chômeurs. Il serait modulé en fonction de la contribution à la réduction des inégalités d’accès, par exemple en fonction du niveau de diplôme initial. Cela serait une façon d’ouvrir un droit différé à la formation. Droit d’autant plus applicable que le service public de l’emploi disposerait de plus de moyens pour accompagner les chômeurs dans leur projet formation.
- Développer en parallèle un système de certification des prestataires de formations avec la participation des OPCA. Cela permettrait aux entreprises et aux individus de choisir à partir d’une bonne information. Les formations seraient certifiées sur la base de leur rendement. Certaines formations pourraient continuer à être mutualisées via les OPCA, mais sur une base volontaire, par exemple pour organiser des formations pour plusieurs entreprises. Le rapport souligne aussi la nécessité de modifier les conditions du dialogue social et de la représentativité syndicale.
Les discussions, introduites par deux exposés de travaux du Céreq par I. Marion et J. Vero, ont ensuite souligné les limites des dimensions financières pour privilégier l’importance du système de relations la formation mettant en jeu entreprises , individus et partenaires sociaux.
- La question des inégalités d’accès renvoie principalement aux caractéristiques des entreprises plutôt qu’à celles des individus
Les entreprises financement à plus de 80% les formations. Aussi, afin d’améliorer l’accès des catégories les moins favorisées, il convient d’abord d’identifier quelles sont les entreprises qui forment peu et leurs motifs, pour au final identifier les leviers qui permettraient d’augmenter la formation. Parmi les entreprises de 10 salariés et plus, si plus de la moitié forme au-dessus du seuil légal, au final ¾ des salariés bénéficient d’une formation. Au final, les petites entreprises forment peu tandis qu’au-delà de 50 salariés la quasi-totalité des entreprises sont formatrices.
- L’absence de formation n’est pas due principalement à des questions financières
Quand les entreprises ne forment pas, elles invoquent presque toutes une absence de besoins. Seules 16% évoquent des raisons financières comme le coût trop élevé de la formation. C'est plutôt le temps, ainsi qu’une charge de travail trop lourde. Les déclarations des entreprises révèlent le besoin d’être mieux informées sur les formations ou les dispositifs. Cet accompagnement dans la construction de leur politique de formation relève d’une mission clef des OPCA.
- Il ne suffit pas d’ouvrir un droit formel pour bouleverser les usages de la formation: l’exemple du DIF
Dans le cadre du droit individuel à la formation, (DIF), 6 % des salariés accèdent à des formations d’une durée de moins de vingt cinq heures et stables d’une année sur l’autre alors que ce droit augmente de 20 heures chaque année et devrait avoisiner 120 heures, plus de six ans la création de ce dispositif. Le droit individuel à la formation est donc finalement peu utilisé.
- Comment mettre les individus en capacité de se former? Les conditions collectives sont déterminantes
On sait que les réformes récentes sur la formation (Accord national interprofessionnel de septembre 2003 et la loi de 2009 relative à l'orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie) organisent un cadre de délibération entre employeurs et salariés. Il apparaît que l’entreprise est un maillon essentiel pour permettre aux salariés d’être les acteurs de leur formation. Cela passe par l’ouverture d’opportunité de formation mais aussi d’espace de délibération individuelle et collective (entretien individuel , relais d’informations…) Aujourd’hui près de 10% des entreprises s’inscrivent dans l’esprit et la lettre des dernières réformes.
Le facteur qui influence le plus les besoins de formation des individus est la politique de formation de leur entreprise. Vouloir se former ou pas dépend d’abord de l’entreprise et de sa politique de formation, de la citoyenneté dans l’entreprise et des conditions mises en place plus que d’une plus ou grande moins inclinaison personnelle ou des possibilités financières des individus. Les débats entre l’auteur et la salle ont ensuite abordé différents points: On constate que les formations sont de plus en plus courtes, même si elles sont de plus en plus nombreuses. Dans ce contexte, il semble difficile d’attendre un quelconque impact sur l’évolution professionnelle ou le salaire.
Un autre défi est l’évolution de la relation des individus à la formation alors que l’on sait que cette relation est en grande partie construite dans la formation initiale. Comment faire évoluer cette relation chez ceux qui ont le moins bien réussi à l’école?
La question du crédit d’impôt fait émerger celle de l’avance du montant de la formation (à rembourser ensuite) et donc la mise en place d’une ingénierie financière particulière. Comment certifier des organismes sur la base de taux de placement fournis par les organismes eux-mêmes? Ils auraient alors intérêt à sélectionner les meilleurs candidats pour avoir les meilleurs résultats.
En outre, les organismes de formation sont très hétérogènes; notamment, beaucoup d’entre eux n’ont pas la formation comme activité principale. Souvent, ce sont des consultants issus de milieu professionnel. Les formations mises en place participent alors d’un système de co-construction pour résoudre un problème dans l’entreprise, dont la formation est un volet à coté du conseil. On est donc loin de la certification d’un titre, comme c’est le cas en formation initiale ou de la formation de chômeur, ou même d’un programme de formation existant a priori. On pourrait plutôt utiliser la logique des normes ISO plutôt que de certifications basées sur des programmes.
Le plan de formation reste de la prérogative de l’employeur, et l’on n’est pas dans un système de cogestion comme en Allemagne, ce qui rend difficile les transferts de bonnes pratiques étrangères à la France. Un des grands enjeux de l’efficacité du système de formation est que les salariés les moins employables bénéficient de formations longues. Les PME et TPE sont alors confrontées à de multiples obstacles que ni le salarié, ni a fortiori l’employeur ne sont enclins à dépasser, même en présence d’un chèque formation ou de déduction fiscale. Certains travaux du Céreq montrent combien la relation à la formation des dirigeants des très petites entreprises est souvent distant.
Contact Presse/Marie-Christine Antonucci. E-mail: servicepresse@cereq.fr, Tél. 04 91 13 28 94. Coordination: Jean-Frédéric Vergnies – vergnies@cereq.fr.
"Školenia, do konca reformy inabouties." - Diskusia s Marcom Ferracci a autor tejto správy Francúzsko má osobitný systém financovania vzdelávania. Zákon 16. júla 1971 sa zaviedla požiadavka zamestnávateľa na rozvoj schopností finančné vzdelávanie vlastných zamestnancov a pomáha legitimizovať spoločnosť ako miesto realizácie práva na ďalšie vzdelávanie zamestnancov. Vo svojej správe "odborného vzdelávania, dokončiť reformy inabouties, autori Pierre Cahuc a André Zylberberg Marc Ferracci vypovedať o "nerovné účinnosť systému a takmer nulové pre tých, ktorí ju potrebujú najviac." Viac...