Le site Vie Publique propose un dossier complet sur l'Enseignement supérieur. Il est réparti en quatre partie:
L’université: vers quelle autonomie?
Chronologie,
Quelle gouvernance pour les universités?
Nouvelles compétences, nouvelles ressources.
L’université : vers quelle autonomie ? Depuis la fin des années 1960, l’Université a su faire face à de nombreux défis et a connu des évolutions structurelles majeures : démocratisation de l’accès à l’enseignement supérieur, création de formations professionnalisantes (Institut Universitaire de Technologie- IUT, licence professionnelle…), développement des relations contractuelles avec l’Etat, participation à la construction de l’Espace européen de l’Enseignement supérieur et de la recherche (processus de Bologne).
Dans le même temps cependant, l’Université se caractérise par un manque continu de moyens, elle est peu attractive pour les enseignants-chercheurs, au regard des conditions d’accueil, des salaires proposés, comme pour les meilleurs élèves des lycées qui lui préfèrent les classes préparatoires et les grandes écoles. De plus, le taux d’échec des étudiants en première année est alarmant (plus de 80 000 jeunes quittent chaque année l’enseignement supérieur sans être diplômés, un tiers des étudiants redoublent leur première année, selon le rapport Hetzel de 2006). Le rayonnement de l’université française est finalement assez faible, à la veille de la réforme entreprise en 2007. Ce constat est partagé par la communauté universitaire, enseignants, chercheurs, étudiants. Les choix gouvernementaux ne font pourtant pas consensus.
Présentée comme une réponse aux maux de l’université, la loi sur les libertés et les responsabilités des université (LRU) de 2007 s’inscrit dans le prolongement des évolutions initiées par Edgar Faure en 1968, Alain Savary en 1984. Prônée depuis 1968, l’autonomie a ses apologues et ses détracteurs : est-elle la seule voie susceptible de redresser l’état de la recherche et du système de l’enseignement supérieur ou au contraire est-elle une remise en cause du service public de l’enseignement supérieur ?
Dès 2008, les universités ont modifié leurs statuts et procédé aux élections rendues nécessaires par la nouvelle gouvernance. D’ici 2012, elles devraient toutes être autonomes et disposer de nouvelles compétences et de responsabilités élargies à la gestion d’un budget global, ainsi que des ressources humaines en contrepartie de l’évaluation de leurs résultats.
Chronologie
12 novembre 1968 Loi d’orientation de l’enseignement supérieur, dite « loi Edgar Faure ». Née à la suite des événements de mai 1968, la loi a pour ambition de faire des universités de véritables établissements autonomes, ayant statut d’établissement public à caractère scientifique et culturel (EPSC). Les grands principes mis en oeuvre par cette loi sont l’autonomie financière (avec l’octroi d’une subvention globale de fonctionnement) et pédagogique (sous réserve de l’existence des diplômes nationaux), la participation (création de conseils chargés d’administrer les établissements et composés de chercheurs, étudiants, personnel administratif et personnalités extérieures) et la pluridisciplinarité (les facultés, très cloisonnées, cèdent la place aux unités d’enseignement et de recherche – UER).
1976 Le projet de loi Saunier-Séité prévoit la sélection à l’université après les deux premières années universités. L’obtention d’un diplôme d’études universitaires générales (DEUG) n’aurait plus permis de s’inscrire automatiquement en licence. Le texte est abandonné au bout de trois mois de mobilisation.
26 janvier 1984 Loi sur l’enseignement supérieur, dite Loi Savary. Elle fixe 4 missions à l’enseignement supérieur : la formation initiale et continue, la recherche scientifique et technologique ainsi que la valorisation de ses résultats, la diffusion de la culture et l’information scientifique et technique et la coopération internationale. Sont institués un conseil d’administration, un conseil des études et de la vie universitaire et un conseil scientifique. Le président d’université est élu par les trois conseils réunis en assemblée à la majorité absolue des membres en exercice.
Juin – décembre 1986 Le projet de loi Devaquet sur les universités, du nom du secrétaire d’Etat aux universités, prône l’autonomie des universités, ouvre la porte aux diplômes locaux, à la variabilité des droits d’inscription selon les universités, modifie la composition des conseils universités et instaure une sélection à l’entrée de l’université. Le projet de loi est retiré après la mort d’un étudiant, Malik Oussékine, lors de manifestations contre le texte.
Septembre 1988 Rencontre entre la Conférence des présidents d’université et Lionel Jospin, ministre de l’Education nationale, de la Jeunesse et des sports, qui présente sa politique universitaire, visant à développer des relations contractuelles entre les universités, les collectivités territoriales et l’Etat, dans un cadre quadriennal.
1er juillet 1989 Publication par la Documentation française du rapport du premier Comité national d’évaluation des universités (créé par la loi Savary de 1984) qui expose les "priorités pour l’université" pour l’amélioration de l’enseignement supérieur.
6 juillet 1990 Claude Allègre, conseiller spécial chargé des universités auprès de Lionel Jospin, rend public le rapport sur les universités, rédigé par le professeur Michel Crozier. Le rapport préconise un nouveau système d’évaluation des universités, notamment selon leurs "performances".
Juillet 1993 Le 6, adoption définitive par le Sénat en première lecture de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale le 25 juin, relative aux établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel. Le 29, le Conseil constitutionnel, à la suite de la saisine des sénateurs socialistes, juge non conforme à la Constitution la loi autorisant les universités à déroger à la loi Savary de 1984, dans la mesure où elle confère ainsi aux autorités universitaires des pouvoirs relevant de la compétence du législateur. François Fillon, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, annonce que le gouvernement proposera une réforme globale après 1995.
21 octobre 1994 Adoption par la Conférence des présidents d’université d’un texte demandant une "remise à plat" de la question du financement des universités et une participation plus importante des collectivités territoriales, des entreprises et des familles, le système actuel de financement exclusif par l’Etat ne permettant plus de couvrir les besoins.
20 janvier 1995 Présentation par Daniel Laurent du rapport du groupe de travail dont il assure la présidence, consacré à "l’évolution de l’enseignement supérieur" et commandé par François Fillon. Le rapport préconise une "véritable révolution culturelle" à propos de l’université notamment par la mise en place d’instituts universitaires régionaux en collaboration avec les conseils régionaux, la refonte du système d’aide sociale aux étudiants et la hausse des droits d’inscription.
Avril 1996 Devant la Commission des affaires culturelles et sociales de l’Assemblée nationale, François Bayrou, ministre de l’Education nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, annonce la tenue d’un débat parlementaire, fin mai, sur la réforme de l’université.
1998 Remise du rapport « Pour un modèle européen d’enseignement supérieur » au ministre de l’Education nationale, de la Recherche et de la technologie, par Jacques Attali. Il propose notamment une convergence progressive des diplômes universitaires au niveau européen : Licence en 3 ans, nouvelle Maîtrise en 5 ans et Doctorat en 8 ans (LMD). Il prévoit aussi que les relations entre l’Université, les grandes écoles et l’Etat soient établies dans le cadre de projets d’établissement et de contrats quadriennaux.
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Juin 1999 La Déclaration de Bologne, signée à l’origine par 29 Etats européens (en 2010, par plus de 40 pays), vise, entre autres, à faire converger les systèmes d’enseignement supérieur divergents d’ici à 2010 vers un système plus transparent basé sur trois cycles : Licence/Bachelor - Master - Doctorat.
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12 juillet 1999 Promulgation de la loi sur la recherche qui permet la mobilité des personnels de la recherche vers l’entreprise, les coopérations entre recherche publique et entreprise.
2003-2004 Le 30 mai 2003, l’examen en Conseil des ministres du projet de loi dit de " modernisation universitaire ", sur l’autonomie des universités, déjà repoussé du 4 au 18 juin, est reporté à l’automne. Le 22 octobre 2003, dans une communication en Conseil des ministres, suivie d’une conférence de presse, Luc Ferry, ministre de la Jeunesse, de l’Éducation nationale et de la Recherche annonce la mise en oeuvre progressive de la réforme de l’organisation des études tendant à harmoniser les diplômes selon le système européen LMD (licence, mastère, doctorat) et la reprise du projet de réforme sur l’autonomie des universités qui "reste soumis à concertation" jusqu’en janvier 2004 : autonomie, coopérations interuniversitaires (mutualisation de moyens et de compétences) et investissement (investissement des universités dans la vie économique et culturelle régionale) sont les maîtres mots du projet de loi. Le 24 avril 2004, lors de la Conférence des présidents d’université (CPU), François Fillon, ministre de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, annonce le maintien de la réforme LMD (licence - mastère - doctorat) mais ajourne le projet d’autonomie des universités, "faute d’un consensus suffisamment large"
13 octobre 2005 Rapport de la Cour des comptes sur « La gestion de la recherche dans les universités », dans lequel la Cour des comptes critique l’organisation des universités en matière de recherche et "l’éparpillement des structures " et propose une autonomie de gestion accrue, une autorité unique d’évaluation et une concentration des universités afin de constituer des établissements mieux classés au niveau international.
18 avril 2006 Promulgation de la loi de programmation sur la recherche. Le texte reprend l’essentiel des dispositions du projet de loi d’orientation et de programmation pour la recherche et l’innovation de 2003 (gouvernement Raffarin, Claudie Haigneré étant ministre de la Recherche) : le texte avait alors provoqué manifestations et la création du collectif Sauvons la recherche ! (SLR), ce dernier organisant ses propres "États généraux de la recherche" et ses contre-propositions de réforme. La loi prévoit notamment la séparation de la recherche de l’enseignement supérieur, le recours à du personnel précaire, l’entrée massive des entreprises dans la définition des orientations universitaires.
Avril - octobre 2006 Installation en octobre, par Dominique de Villepin, Premier ministre, de la Commission du débat national « Université - Emploi », chargée d’organiser, coordonner et rendre compte, des débats décentralisés par académies sur les thèmes concernant l’orientation, l’information et l’insertion professionnelle des étudiants, la professionnalisation des études dans le cadre du cursus « Licence - Mastère - Doctorat » (LMD), les filières universitaires professionnelles via l’apprentissage et l’alternance, la « modernisation du système universitaire » (modes de gouvernance, autonomie, financement) et la « redéfinition de la mission de l’université », l’augmentation du nombre des boursiers (bourses « au mérite », « bourses de mobilité »), le logement étudiant et la rénovation de l’immobilier et des équipements universitaires (bibliothèques et équipements informatiques) dans le cadre des contrats de projet État-régions 2007-2012. Le rapport final de la Commission définit six grandes orientations de nature à mieux relier l’université à l’emploi: lutter contre l’échec à l’université; repenser l’information et l’orientation; améliorer la professionnalisation; rapprocher durablement l’université du monde du travail; créer un partenariat universités/employeurs pour la croissance ; faire évoluer l’ensemble du système universitaire.
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10 août 2007 Promulgation de la loi sur les libertés et les responsabilités des universités- LRU (JO du 11). Les missions des établissements d’enseignement supérieur incluent désormais l’orientation et l’insertion professionnelle des étudiants. Elle modifie l’organisation et l’administration de l’université et renforce les missions et prérogatives du Président de l’université. Elle prévoit, dans un délai de cinq ans, des compétences élargies en matière budgétaire et de gestion des ressources humaines. Elle encourage le recours aux financements privés pour l’enseignement supérieur.
Juin 2008 11 juin - 3ème réunion du Conseil de modernisation des politiques publiques. Il prévoit notamment la réforme du système de financement des universités.
27 juin - Publication du décret du 27 juin 2008 (JO du 28) relatif au budget et au régime financier des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel bénéficiant des responsabilités et compétences élargies.
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Juillet 2008 Remise du rapport de Jules Hoffmann, président de l’Académie des Sciences, sur le recrutement et la carrière des chercheurs, ainsi que celui de Rémy Schwartz, conseiller d’État, relatif à la mise en oeuvre du volet « personnel » de la loi sur l’autonomie des universités à Valérie Pécresse, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche.
Février - avril 2009 Début d’un mouvement de grève des enseignants du supérieur pour le retrait du décret réformant le statut des enseignants-chercheurs et le rétablissement des postes supprimés dans l’enseignement supérieur. Après avoir reçu des syndicats d’enseignants-chercheurs, la ministre de l’Enseignement supérieur, désigne une médiatrice pour « retravailler » le projet de décret. Le Premier ministre annonce le gel des suppressions de postes pour 2010-2011. Le nouveau décret sur le statut des enseignants chercheurs est publié au Journal officiel du 25 avril.
Consulter le décret.
Novembre 2009 Remise au président de la République du rapport de la Commission Rocard-Juppé fixant les priorités de dépenses du grand emprunt, prônant un effort public de 35 milliards d’euros susceptible de générer 60 milliards d’investissement et privilégiant les secteurs de l’université et de la recherche, de l’innovation et de la croissance verte.
Février 2010 Remise à la ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche du rapport de Pierre Larrouturou - Pour rénover l’enseignement supérieur parisien - Faire de Paris la plus belle métropole universitaire du monde, c’est possible !
Consulter le rapport.
Mars 2010 Promulgation de la 2ème loi de finances rectificative pour 2010 (JO du 10). Elle a notamment pour objet la prise en compte des 35 milliards d’euros de dépenses destinées à financer des investissements d’avenir. Ces investissements seront financés par le grand emprunt national qui doit être levé sur les marchés et dont 19 milliards devraient revenir à l’enseignement supérieur, la formation et la recherche.
Consulter le panorama des lois.
Août 2010 Validation par le Conseil constitutionnel de la loi Libertés et responsabilités des universités du 10 août 2007 (LRU) après saisine de deux questions prioritaires de constitutionnalité sur la procédure de recrutement des enseignants-chercheurs et sur leur statut notamment la « modulation de service », c’est-à-dire la répartition des heures, variant selon l’université, entre enseignement, recherche et diverses tâches. Le Conseil estime qu’il n’y a pas atteinte au principe d’égalité et d’indépendance des enseignants-chercheurs mais émet toutefois une réserve sur les conditions d’exercice du droit de veto du président d’université sur les recrutements.
Consulter la décision du Conseil constitutionnel.
Quelle gouvernance pour les universités ? D’abord appliqué au monde de l’entreprise pour définir un mode de gestion et de pilotage, le terme de gouvernance touche désormais tous les domaines de l’action des pouvoirs publics. Réformer la gouvernance des universités fait partie des missions fixées par le président de la République à la ministre de l’Enseignement supérieur en 2007. Il s’agit de redéfinir les rapports des universités avec l’Etat et l’administration centrale, les rapports des universités entre elles. Renforcer la direction et la gestion des universités est nécessaire « pour plus d’efficience et d’efficacité », selon les termes du rapport de la Cour des comptes de 2005 et permettre ainsi à l’université de faire face aux défis posés par la concurrence internationale accrue entre universités.
La réforme de la gouvernance est partie prenante de la réalisation de l’autonomie universitaire, inscrite dans les textes depuis 1968, mais restée limitée du fait de l’absence d’une réelle autonomie financière des établissements dont la direction est jugée souvent complexe et inadaptée. Elle n’est devenue prioritaire que très récemment.
Le cadre de la gouvernance Du principe de participation ….
Depuis la loi Faure (1968), les universités, au nouveau statut d’établissement public à caractère scientifique et culturel, se sont substituées aux facultés et ont vocation à devenir autonomes : elles déterminent leurs statuts et structures internes, leurs méthodes pédagogiques, les procédés de contrôle et de vérification des connaissances. Le principe de participation, alors mis en œuvre, passe par l’élection de conseils chargés d’administrer les établissements. Le conseil d’administration et le conseil scientifique sont composés d’enseignants, de chercheurs, de membres du personnel, non étudiants, d’étudiants et de personnes extérieures. La loi Savary (1984) procède à une refonte complète de la législation sur l’enseignement supérieur mais confirme le principe de participation : elle fait d’ailleurs passer le nombre de conseils centraux de l’université de deux à trois en créant un conseil des études et de la vie universitaire (CEVU), garant des libertés politiques et syndicales étudiantes. La loi confère au président des pouvoirs potentiellement importants : le président de l’université dirige l’université et, à ce titre, conclut accords et conventions, ordonnance les recettes et les dépenses. Il est élu par les trois conseils réunis en assemblée à la majorité absolue des membres en exercice, préside les conseils dont il prépare et exécute les délibérations ; il a autorité sur l’ensemble des personnels de l’établissement. Et si la non-rééligibilité du président de l’établissement supérieur est garante de son indépendance pendant son mandat, pour les uns, pour d’autres, elle prive l’université de ses compétences acquises dans la gestion de l’établissement. Le débat sur la gouvernance des universités (et la question connexe de l’autonomie) est venu récemment sur le devant de la scène.
… à la notion d’efficience de la gouvernance
En 1999, 29 Etats européens signent à Bologne un appel à la construction d’un Espace européen de l’Enseignement supérieur dont la réalisation suppose notamment « une gouvernance plus hiérarchique » de l’université. Au début des années 2000, plusieurs rapports du Comité national de l’évaluation (CNE) et de la Cour des comptes soulignent la complexité du système de gouvernance des universités. Celui-ci est confronté à de multiples légitimités internes, celle du président et des conseils de l’établissement d’une part, celle des directeurs de ses composantes (laboratoires, unités de formation et de recherche – UFR – instituts…) d’autre part, qui seraient un obstacle à la conduite de projets d’établissements « suffisamment forts et visibles ». L’avant-projet de loi Ferry en 2003, plusieurs fois reporté en Conseil des ministres et finalement abandonné, prévoyait de modifier le fonctionnement du conseil d’administration des établissements et de renforcer les compétences du président. Avec la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), votée en 2001 et entrée en vigueur en 2006, l’introduction de nouvelles règles de gestion (mesure de la performance, transparence) oblige les établissements à réaliser un vrai calcul des coûts, à mettre en place une comptabilité analytique. Pour mieux répondre à ces nouveaux défis, il faut « renforcer la capacité de pilotage de l’université, et en premier lieu les pouvoirs de son président et de son conseil d’administration » (rapport Bouvard et Claeys, en 2006, sur la gouvernance des universités dans le contexte de la LOLF). Promesse électorale du président de la République, présentée comme une des lois majeures du quinquennat par le Premier ministre, la nouvelle loi relative aux libertés et responsabilités des universités (LRU) a été promulguée le 10 août 2007 : une loi où gouvernance et pilotage deviennent les nouveaux « arts de gouverner » selon l’association « Sauvons la Recherche ».
Des acteurs aux responsabilités accrues La loi renforce les missions et les prérogatives du président d’université qui devient le véritable maître d’œuvre du projet d’établissement. Il n’est élu que par le conseil d’administration à la majorité absolue, son mandat est ramené à 4 ans (5 ans auparavant) et renouvelable une fois. Le président dispose d’un droit de veto sur l’affectation des enseignants-chercheurs et peut décider de recruter sur des contrats à durée déterminée ou indéterminée. Certains syndicats ont d’ailleurs mis en évidence le risque de voir augmenter la précarité en fonction des besoins du moment de la recherche.
Le conseil d’administration passe de 60 à 30 membres et s’ouvre davantage à des personnalités extérieures (7 ou 8) : au moins un chef d’entreprise ou cadre dirigeant d’entreprise, au moins un autre acteur du monde économique et social, ainsi que deux ou trois représentants des collectivités territoriales (ou de leurs regroupements) dont un du conseil régional. Son autorité est renforcée, notamment en matière de recrutements. Il doit approuver le rapport d’activité que lui présente le président. Il a compétence pour créer, après délibération, des unités de formation et de recherche (précédemment du ressort d’un arrêté du ministre de la recherche après avis du conseil scientifique).
Cette concentration des pouvoirs qui se substitue à une direction jusque-là collégiale favorise-t-elle une dérive autocratique : c’est la position des opposants à la réforme. Pourtant la loi conforte le rôle consultatif du conseil scientifique (davantage ouvert aux étudiants du 3ème cycle) et du conseil des études et de la vie universitaire, chargé d’une nouvelle mission d’évaluation des enseignements. Leur pouvoir de propositions est cependant ramené à la seule possibilité d’émettre des vœux. Le conseil scientifique est consulté sur les orientations des politiques de recherche, de documentation scientifique et technique, ainsi que sur la répartition des crédits de recherche. La loi crée aussi un comité technique paritaire, destiné à devenir le lieu de dialogue social dans l’université et consulté sur la gestion des ressources humaines de l’établissement.
Le premier rapport de suivi de la loi LRU établi par le comité de suivi de la loi, présidé par Claire Bazie-Malaurie et daté de décembre 2008, porte sur la mise en place des nouvelles instances dans les universités. Il constate que toutes les universités ont modifié leurs statuts et procédé aux élections des nouveaux conseils dans les délais avant le 11 août 2008 ; plus de 100 entreprises et grands groupes sont présents dans les conseils d’administration, les profils, les motivations et le rôle de ces nouveaux acteurs devraient faire l’objet d’une étude plus approfondie. Dans le cadre d’une audition par ce même comité de suivi, le syndicat SNESU-FSU, opposé aux termes de la réforme depuis le début, remet en cause les conclusions du rapport d’évaluation et insiste sur la “mise en péril de la vie démocratique et des fondements collégiaux de l’Université ” en raison du mode de scrutin et des modalités de constitution des listes, pouvant exclure ou réduire les voix contestataires au sein de l’université.
Quel rôle pour les pouvoirs publics dans ce nouveau contexte ? La loi LRU prend place dans un processus de plus long terme dit de Bologne (1999) dont l’objectif est de créer un espace européen d’enseignement supérieur harmonisé (création du LMD) et compétitif (création de pôles d’excellence). La modification de la carte universitaire en France s’efforce depuis lors de relever le défi de la concurrence internationale entre établissements. Une politique de regroupements inter ou intra universitaires a été amorcée par le plan Université du troisième millénaire (U3M) présenté en 1999 par Claude Allègre, ministre de l’Education nationale, poursuivie par la création des pôles de recherche et d’enseignement supérieur (PRES) avec la loi de 2006 de programmation de la recherche, puis par l’opération campus lancée en 2008 par le ministre de l’enseignement supérieur.
La loi LRU constitue elle-même un axe de la révision générale des politiques publiques (RGPP) au ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche « pour mieux positionner la France dans l’économie de la connaissance en optimisant ses ressources » (Conseil de modernisation des politiques publiques, 3ème rapport d’étape, février 2010). Elle s’accompagne d’un effort financier du budget de l’Etat de 5 milliards d’euros sur cinq ans (jusqu’en 2012), date de l’autonomie de toutes les universités, avec des compétences élargies aux ressources humaines (compétences obligatoires) et à leur patrimoine immobilier (compétences facultatives). Elle rend obligatoire la signature d’un contrat quadriennal entre les universités et le ministère, ce contrat devenant de fait un outil de pilotage partagé. C’est dans le cadre de ce contrat qu’est fixé le montant global de la dotation de l’Etat à l’université.
Le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche continue à définir les grandes orientations de la politique nationale de l’enseignement supérieur et de la recherche, à nommer les recteurs qui exercent un contrôle de légalité sur les actes notamment budgétaires des universités, à fixer les frais d’inscription dans l’enseignement supérieur. Les diplômes conservent leur caractère national. L’Etat accompagne la réforme par la mise en place d’un comité de suivi qui doit identifier les universités rencontrant des difficultés et prendre les dispositions nécessaires. La création de l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (AERES) par la loi de programme sur la recherche de 2006 s’inscrit dans un contexte marqué par la réflexion sur l’évaluation des politiques publiques et sur l’évolution de l’enseignement supérieur et de la recherche en France. Ainsi en dépit des nouveaux pouvoirs dévolus aux universités, l’Etat continue à exercer ses prérogatives et reste même pour certains plus intrusif que jamais.
Nouvelles compétences, nouvelles ressources En 2012, toutes les universités seront autonomes, en application de la loi sur les libertés et responsabilités de l’université de 2007 (LRU). En 2010, 60% d’entre elles ont déjà opté pour les responsabilités et compétences élargies (RCE) conférées par la loi : gestion de la masse salariale, du budget et de la stratégie de l’établissement avec, en contrepartie, une évaluation en matière de recherche, d’enseignement et d’insertion professionnelle des étudiants. La dévolution du patrimoine immobilier aux universités semble plus difficile à se concrétiser.
Cependant, les questions sur l’avenir du service public de l’enseignement supérieur et sur la finalité même de l’université restent posées, notamment pour une partie de la communauté universitaire.
Une gestion à l’activité et à la performance Votée six ans après la loi organique relative à la loi de finances (LOLF), la loi LRU en poursuit certains objectifs comme l’obligation de transparence de l’information financière ou la certification des comptes de l’université par un commissaire aux comptes. Elle inscrit aussi l’obligation de prévoir le montant global de la dotation de l’État (réparti entre dépense de personnel, de fonctionnement et d’investissement) dans le cadre du contrat pluriannuel d’établissement conclu par l’université avec l’État, pour chacune des années du contrat et sous réserve des crédits inscrits en loi de finances. Un décret d’application de la loi (juin 2008) arrête le principe d’un “débat en conseil d’administration sur les orientations générales du budget de l’exercice ainsi que sur les engagements pluriannuels en cours et envisagés”. Le passage à l’autonomie avec ces nouvelles compétences s’opère en plusieurs étapes. L’Inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche (IGAENR) procède à un audit de l’université. Puis, pour aider l’université à faire face à ses nouvelles attributions, l’Agence de mutualisation des universités et établissements (AMUE), dont la mission a été renouvelée en 2007 pour une période de 8 ans, l’aide à consolider ses instruments de pilotage interne et à assurer ses obligations en matière de gestion financière et comptable, de gestion des ressources humaines, de la scolarité et des étudiants.
De plus, le mode d’allocation des moyens a été revu. Introduit en 1994, le système analytique de répartition des moyens (SAN REMO) était initialement basé sur une logique d’analyse des coûts et des taux d’encadrement moyens constatés par filière de formation. Depuis 2009, le système de répartition des moyens à la performance (SYMPA) répartit les moyens fixés par la loi de finances en fonction de l’activité (nombre d’étudiants présents aux examens de licences et de masters, nombre d’enseignants-chercheurs publiant) et de la performance des établissements se fondant notamment sur l’évaluation des formations effectuée par l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (AERES), la réussite en licence et le nombre de diplômés de master). Le projet de loi de finances 2010 prévoyait l’attribution de 20% des crédits sur critères de performance et 80% sur critères relatifs à l’activité. Cette nouvelle répartition des dotations introduit un forme de concurrence entre les établissements.
Augmenter les fonds propres des universités Si le financement des universités est divers – apport des collectivités territoriales (dont la part s’est accrue depuis les lois de décentralisation), des ménages via les frais d’inscription et des entreprises par le biais du financement de la
formation continue et de la taxe d’apprentissage, il repose, pour l’essentiel, sur l’Etat à travers la dotation globale de fonctionnement. Cette ressource résulte, par définition, des choix budgétaires gouvernementaux et les établissements d’enseignement supérieur ne sont pas maîtres de son montant.
Or, selon une formule du rapport Apparu de 2007, et comme le soulignait déjà un rapport de la Cour des comptes en 2003,“ l’université fait figure de parent pauvre dans la dépense nationale”. Bien que le coût moyen d’un étudiant pour la collectivité nationale ait augmenté entre 1996 et 2000, l’effort financier national en faveur de l’enseignement supérieur place la France au 15ème rang des pays de l’OCDE. De plus ce coût varie considérablement selon que l’étudiant fréquente une université (6 460 €), un IUT (8 630 €) ou une école d’ingénieur (11 550 €).
Pour corriger cette tendance, depuis plusieurs années, les gouvernements affichent leur priorité donnée à l’enseignement supérieur et à la recherche : la loi de programme de 2006 sur la recherche s’est accompagnée d’un effort financier entre 2005 et 2010, “ la mission recherche et enseignement supérieur” (MIRES) reste la première priorité du gouvernement et les moyens de fonctionnement des universités continuent d’augmenter entre 2010-2013. La MIRES est aussi la première mission bénéficiaire des investissements d’avenir prévus par la loi de finances rectificative pour 2010 dans le cadre du grand emprunt. Le ministère ne devrait faire l’objet d’aucune suppression d’emplois sur l’ensemble de la période. Selon la ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, le projet de budget 2011 conforterait l’augmentation inédite des moyens de son département depuis 2007, mais certains syndicats estiment que les milliards annoncés concernent pour l’essentiel des opérations de partenariat public privé autour des investissements dans l’immobilier et les nouveaux campus, alors qu’il n’y aurait aucune création de postes de chercheurs et d’ingénieurs dans les laboratoires ou pour les universités et que seuls les emplois précaires seraient en hausse. De son côté, l’association « Sauvons l’université » estime qu’avec les réductions d’impôts et le crédit impôt recherche (CIR), l’Etat laisse “des intérêts privés répartir, sans aucun contrôle, une partie significative du budget de la nation consacré à l’enseignement supérieur et la recherche”.
Mais la loi de 2007 a aussi prévu de donner aux universités les moyens de renforcer leurs fonds propres en prospectant pour des financements auprès de partenaires publics ou privés. Elle permet le versement de dons par des particuliers ou des entreprises (moyennant déduction d’une partie de ces versements de l’impôt sur le revenu ou sur les sociétés) sans procédure d’agrément préalable des ministères du budget et de l’enseignement supérieur. Deux types de fondations sont créés : les fondations universitaires (non dotées de la personnalité morale mais disposant de l’autonomie financière) et les fondations partenariales (dotées de la personnalité morale et pouvant avoir recours aux legs, donations et au mécénat). A la rentrée universitaire 2009, 20 universités ont déjà créé une fondation (le décret instituant les fondations est paru en avril 2008). Près d’une trentaine d’autres fondations sont en cours de constitution. Au total, elles ont déjà levé près de 60 millions d’euros pour des projets variés (financement de chaires de recherche, de bourses étudiantes de mobilité comme à Bordeaux, de projets d’égalité des chances à Paris-Saint-Denis...). Selon le président d’une association de leveurs de fonds, le système de fondations ne peut fonctionner que si l’Etat ne se désengage pas du financement de l’Université.
Gestion des ressources humaines La loi LRU transfère aux universités la gestion d’un budget global intégrant la masse salariale. Si les montants affectés à la masse salariale au sein de la dotation annuelle de l’Etat sont limitatifs, l’université peut, en revanche, décider de consacrer une partie de ses ressources propres au recrutement d’agents contractuels sur des contrats à durée déterminée ou indéterminée pour occuper des fonctions techniques ou administratives, des fonctions d’enseignement, de recherche. L’université peut aussi décider de l’instauration d’un système d’intéressement pour améliorer la rémunération des personnels. C’est elle qui gère désormais l’attribution des primes et des indemnités. Pour certains, cette nouvelle souplesse dans la gestion des ressources humaines constitue un risque de précarisation des personnels et de démantèlement du statut des enseignants chercheurs. D’autres craignent que les universités cherchent à compenser, par les recrutements de non fonctionnaires, les sommes dépensées pour attirer les “meilleurs” ou à externaliser certains services de manière à diminuer la masse salariale au profit du budget de fonctionnement.
La question du statut des enseignants chercheurs - géré jusqu’alors par un décret de 1984 - a d’ailleurs été à l’origine de la fronde des universitaires au premier semestre 2009. Le Conseil constitutionnel, par une décision de juillet 2010, a validé le nouveau texte encadrant le statut des enseignants chercheurs (décret de 2009) et leur mode de recrutement, après saisine de deux questions prioritaires de constitutionnalité. Il légitime la création des comités de sélection (se substituant aux commissions permanentes de spécialistes, autrefois cooptés par leurs pairs appartenant à la même discipline et au même rang), dont les membres, pour moitié au moins extérieurs à l’université, sont choisis par le président d’université « en raison de leurs compétences », sans être nécessairement spécialistes de la discipline concernée. Il légitime également la question de la répartition des tâches des professeurs entre enseignement, recherche et autres missions qui pourraient leur être confiées. Il estime que ces dispositions ne portent pas atteinte au principe d’égalité et au principe d’indépendance des enseignants chercheurs, mais il a émis une réserve sur les motivations du droit de veto du président. Pour le SNES-SUP, la décision du Conseil ne modifie en rien sa critique de la LRU, “qui a amené une gestion individualiste des carrières, une explosion de la précarité dans les universités et la mise en place d’un management essentiellement économique en rupture avec les fondements scientifiques de l’université”.
Le patrimoine immobilier : une très lente dévolution aux universités
La LRU autorise les universités qui en font la demande à devenir propriétaires de leurs biens mobiliers et immobiliers. Ce transfert se faisant à titre gratuit et pouvant s’accompagner d’une convention entre les parties visant à la mise en sécurité de ce patrimoine, après expertise contradictoire. Le passage d’un « Etat propriétaire » à des « universités propriétaires » constitue à la fois « une nécessité et une opportunité a priori à saisir pour conforter l’autonomie des établissements dans un domaine stratégique pour la bonne conduite de leurs projets », selon un rapport sénatorial de 2010 (“Autonomie immobilière des universités : gageure ou défi surmontable”). Déjà en 2003, un autre rapport avait émis plusieurs propositions : dévolution aux universités, maintien du pilotage de l’Etat ou mutualisation de la gestion avec l’introduction des régions dans le financement. Ces dernières consacrent déjà, avec les départements depuis le début des années 90, près de 20 milliards de francs à l’immobilier scolaire et universitaire, c’est-à-dire à la construction, à l’entretien et à la maintenance des locaux. Mais le patrimoine immobilier universitaire est considérable, éparpillé, très diversifié et dégradé. C’est en fait toute la chaîne de la dévolution du patrimoine qui pose aujourd’hui question, de l’évaluation de ce patrimoine par France Domaine à la dotation financière permettant son entretien, en passant par la définition de la notion de mise en sécurité et des financements induits. En 2010, seules 10 % des universités sont candidates pour devenir propriétaires de leurs biens.
Est-il encore possible d’augmenter l’effort de l’État en faveur de l’immobilier universitaire, qui n’est pas la seule priorité de la MIRES ? Quelles marges de manœuvre financières reste-t-il aux collectivités, du fait de l’augmentation de certains postes de dépenses et des perspectives d’évolution des dotations de l’État à leur endroit ? En Ile-de-France, la création (décret d’août 2010) d’un établissement public d’aménagement des universités en Ile-de-France (EPAURIF), suite à une proposition du rapport de Pierre Larrouturou, pour accompagner les établissements d’enseignement supérieur d’Ile-de France dans la gestion et la valorisation de leur patrimoine immobilier et la préparation de la dévolution de ce patrimoine, ne résonne-t-elle pas comme un ajournement du processus ?
Avec des nouvelles compétences obligatoires ou facultatives, le paysage universitaire change mais la réforme est loin d’être une révolution. Les vrais problèmes de management de l’université, de recrutement des bacheliers, ou d’écart non comblé entre grandes écoles et universités ne sont pas posés.