Pascal Brindeau, député du Loir-et-Cher, a remis au ministre de la fonction publique, le rapport relatif à la gestion des âges de la vie dans la fonction publique. Télécharger le rapport La gestion des âges dans la fonction publique: pour une administration moderne et efficace (rapport au Premier ministre, janvier 2012).
Extraits
Introduction L’accroissement de l’espérance de vie et le vieillissement démographique qui en découle constituent une problématique centrale de nos sociétés occidentales, aujourd’hui comme dans les trente prochaines années. La France n’y fait pas exception. Cette évolution des âges et des structures sociales est forte de conséquences en matière de santé, de logement, de services, mais aussi d’emploi et d’organisation de la vie professionnelle. C’est un bouleversement de notre civilisation qui est amorcé. La carrière d’un salarié ou d’un agent public doit désormais être envisagée d’une manière différente par les pouvoirs publics puisque les étapes qui la composent se sont considérablement transformées. Les acteurs de la gestion des ressources humaines doivent prendre en compte à la fois l’allongement des fins de carrière mais aussi les accélérations induites par les transformations du marché du travail, les impératifs croissants de mobilité et d’adaptabilité des personnels. La France n’a pas anticipé ces transformations aussi rapidement que certains de ses voisins européens puisqu’elle connaît un taux d’emploi des salariés âgés de 55 à 64 ans de 38,4 %, contre 45 % dans l’ensemble de l’Union européenne, 53 % aux Pays Bas, 58 % au Royaume uni et jusqu'à 70 % en Suède. Force est de constater que, quelle que soit la vitesse à laquelle ces transformations ont été réellement mesurées, la question d’une meilleure prise en compte des âges au sein des politiques de l’emploi devient une volonté commune à l’ensemble de ces pays, tant dans le secteur privé que dans la Fonction publique.
Le maintien des seniors en activité représente une véritable nécessité : il permet au marché de l’emploi d’amortir le choc démographique actuel tout en gardant une maîtrise des dépenses de retraite dans un contexte de contraintes budgétaires fortes. La Fonction publique se doit d’être exemplaire en la matière. Sa responsabilité est d’autant plus importante qu’elle emploie aujourd’hui plus de cinq millions d’agents. La loi du 9 novembre 2010 portant réforme au système des retraites comporte une série de mesures concernant les régimes de pension de la Fonction publique, mesures destinées à réduire leur besoin de financement à l’horizon 2018. La loi opère un relèvement de deux années de l’ensemble des âges d’ouverture du droit à pension, des limites d’âge et des durées minimales de service applicables aux fonctionnaires et aux militaires. Cette réforme, associée aux transformations des âges de la vie de nos sociétés contemporaines, rend d’autant plus urgente l’instauration d’une véritable politique de gestion des ressources humaines (GRH) qui favorise la poursuite des carrières des agents publics dans les meilleures conditions possibles. Cette nouvelle politique de GRH doit permettre aux agents plus âgés, dits « seniors », de continuer à servir l’administration et de s’y sentir utiles et valorisés.
Par ailleurs, sachant que près d’un titulaire sur trois est âgé de 50 ans et plus sur l’ensemble des administrations, l’allongement des carrières conduit aujourd’hui à réinterroger la gestion des ressources humaines dans son ensemble. Le fait que plusieurs générations, aux comportements et attentes parfois hétérogènes, se côtoient est une donnée nouvelle à intégrer à différents niveaux, en termes d’organisation du travail, de parcours professionnels, de renouvellement des effectifs et des équilibres à rechercher, de gestion des compétences et de management des équipes. Enfin, il appartient aux gestionnaires de ressources humaines d’anticiper le vieillissement des agents en amont de la fin de carrière et d’y apporter des réponses bien avant que l’agent ne devienne un senior.
C'est pourquoi le Premier ministre, soucieux de donner une nouvelle impulsion à la gestion des âges dans la Fonction publique, m’a confié la mission de réaliser une étude devant permettre de mieux prendre en compte les âges de la vie dans la gestion des ressources humaines du secteur public.
Le présent rapport répond à sa demande en fournissant un état des lieux de la gestion des âges tout au long de la vie professionnelle en France, précisant les bonnes pratiques recensées à cet égard (dans la Fonction publique française, dans certaines fonctions publiques étrangères et dans le secteur privé) et en formulant des suggestions concrètes pour parvenir à une gestion proprement active des âges de la vie.
La mission a procédé à de nombreuses auditions, en prenant soin de recevoir tous les acteurs liés à la gestion des âges de la vie:
- les organisations syndicales, qui ont présenté les principales demandes adressées par les agents et formulé des propositions pour répondre aux besoins exprimés;
- les employeurs du secteur public, qui ont mis en évidence les enjeux soulevés par les spécificités de chacun des trois versants de la Fonction publique;
- les entreprises, qui ont partagé leur engagement en faveur des seniors à travers des bonnes pratiques et qui ont pu présenter leur vision du sujet dans la Fonction publique;
- les cadres dirigeants de la Fonction publique, qui ont partagé leur expérience du terrain.
Je tiens à exprimer toute ma gratitude à M. François SAUVADET, dont les équipes aussi bien au sein du cabinet que dans les services ont fait preuve d’une efficacité et d’une disponibilité de tous les instants.
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1.2 Des enjeux partagés mais des cadres d'action différents entre le secteur public et le secteur privé
1.2.2 Dans la Fonction publique Pour la Fonction publique, qui recrute aujourd’hui pour plusieurs décennies dans un contexte de profonde transformation, le défi est de gérer les étapes de la vie professionnelle des agents au regard de leur expérience et de leurs compétences, tout en assurant leur employabilité et en répondant aux besoins évolutifs des services. La part des 50 ans et plus représente, fin 2009, 32,3% des effectifs des titulaires civils dans la fonction publique de l'État, 32,6 % dans la fonction publique territoriale et 27,5% dans la fonction publique hospitalière.
Les carrières administratives dans un même corps ou cadre d’emploi ont en moyenne aujourd’hui une durée de l’ordre de vingt-cinq ans selon les grilles indiciaires; cependant la rénovation des grilles engagée porte cette durée à parfois trente ans voire plus, comme en témoigne la récente refonte de la grille des administrateurs civils. Il semble donc logique d’engager une réflexion nouvelle sur cette durée si les agents doivent travailler quarante ans et plus.
Ce défi pour les Directeurs des ressources humaines publics s'inscrit dans une véritable politique de gestion des âges, (« un junior étant un futur senior ») qui suppose la mise en place d'actions répondant à des constats formulés au cours des auditions...
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III. Propositions en faveur d’une véritable gestion des âges tout au long de la vie professionnelle Sans une action volontariste de la part de tous les acteurs de la gestion des ressources humaines et de l’encadrement dirigeant, il est à craindre que tout plan d’action reste sans effet. Une mobilisation des acteurs sur la base des propositions ci-dessous, dans le cadre d’un plan, devrait permettre de donner réalité à la gestion des âges de la vie...
3.1. Etayer les constats par des données statistiques précises et pertinentes et en tirer parti dans le plan de GPRH Il est indispensable d’affiner les données statistiques en retenant désormais systématiquement le prisme de l’âge et de les consolider dans une synthèse nationale commune aux trois versants de la Fonction publique...
3.1.1. Lancer des programmes d’étude et de recherche dans le cadre de la gestion des âges Plusieurs thématiques n’ont aujourd’hui fait l’objet d’aucune analyse approfondie...
3.2 Améliorer l’accès à la formation et assurer la transition professionnelle vers un nouveau métier
3.2.1. Individualiser l’accès à la formation et capitaliser les acquis de la formation et du parcours professionnel: mise en place d’un «passeport individuel de compétences» et valorisation du bilan de compétences Chaque agent, en priorité celui qui occupe un emploi exposé à la pénibilité, doit pouvoir connaître les dispositifs de formation auxquels il a accès et qui sont susceptibles de faciliter, à terme, sa reconversion.
a- Cet effort de fléchage de différents dispositifs existants peut se faire à travers l’élaboration d’un document personnalisé, de préférence numérique, comprenant, d’une part des informations identifiant la personne dans sa position administrative et professionnelle (emplois successifs, perspectives d’évolution, formation interne suivie, rémunération), d’autre part une rubrique proprement individuelle...
b- Le bilan de compétences (loi du 2 juillet 2007, décrets des 26 décembre 2007 et 21 août 2008 et arrêté du 31 juillet 2009) doit être plus largement utilisé pour identifier les savoir-faire de l’agent et concevoir le projet de formation adapté à leur mobilisation sur d’autres emplois...
3.2.2. Relancer la communication sur les dispositifs de formation, notamment le droit individuel à la formation (DIF) et le congé de formation professionnelle (CFP)
3.2.2.1 Le droit individuel à la formation (DIF) demeure peu mobilisé aujourd’hui. L’objectif de sa création par la loi du 2 février 2007 était pourtant de rendre possible pour chaque agent l’utilisation d’un crédit de 20 heures de formation par an...
3.2.2.2. Le congé de formation professionnelle (CFP) qui existe depuis 1972, doit être valorisé...
3.2.3. Faciliter la transition professionnelle sur des emplois à moindre pénibilité en valorisant les compétences acquises et gérer les fins de carrière Certains métiers sont particulièrement usants et reconnus comme tels dans la pratique (infirmier, élagueur, agent pénitentiaire, etc.)...
3.3. Accompagner l'agent dans l'élaboration et l'évolution de son projet professionnel
3.3.1. Désigner un référent « mobilité-carrière » dans chaque administration Dans un contexte de mobilité, qu’elle soit « subie » ou « choisie », l’administration se doit d’accompagner les agents tout au long de leur carrière et d’offrir à chacun une prestation personnalisée d’écoute, de conseil et d’orientation...
3.3.2 Instaurer un droit à l’entretien de carrière à mi-parcours, à 45 ans, conduit par le référent mobilité-carrière Aujourd’hui, l’agent bénéficie, tous les ans, d’un entretien avec son supérieur hiérarchique au cours duquel son éventuel projet professionnel est examiné.
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3.3.3. Mettre en place un « Espace conseil et orientation professionnelle » dédié à l’écoute et à l’accompagnement des cadres supérieurs souhaitant se reconvertir Il s’agit de mettre en place une entité interministérielle d’écoute et d’accompagnement des cadres supérieurs envisageant une seconde ou troisième partie de carrière dans le secteur public ou privé...
3.3.4. Agir sur l’organisation du travail et aménager le temps de travail Le télétravail permet une organisation personnelle plus souple...
3.4. S’engager à diversifier les parcours professionnels
3.4.1. Se donner les moyens de faciliter la mobilité fonctionnelle (diversité des emplois) et structurelle (diversité des employeurs)
3.4.1.1. Elaborer une charte de la mobilité dans chaque service La loi relative à la mobilité et aux parcours professionnels du 3 août 2009 met en place de nombreux outils juridiques susceptibles de développer les passerelles entre les emplois...
3.4.1.2. Mettre en place une DRH groupe Fonction publique ainsi qu’un outil d’information commun aux 3 fonctions publiques pour accéder aux offres d’emplois publics Actuellement, la gestion des ressources humaines de chacun des versants de la Fonction publique est encore trop éclatée...
3.4.1.3. Favoriser la mobilité des cadres supérieurs et des hauts fonctionnaires Si l’instauration d’une mobilité obligatoire ne peut se faire dans l’ensemble des métiers, certains emplois en revanche peuvent s’y prêter et gagneraient à diversifier leur vivier de recrutement...
3.4.2. Ouvrir la possibilité d’un temps partiel de droit grâce à un dispositif spécifique de « temps partiel fin de carrière » Un dispositif « à la carte », réservé aux agents en fin de carrière, accessible à l’arrivée à l’âge légal de départ, 62 ans en 2017, pourrait être mis en place, en permettant aux bénéficiaires de continuer à cotiser pour la retraite à taux plein...
3.5. Prévenir les risques d'inaptitude et agir sur les conditions de travail
3.5.1. Agir en amont pour prévenir les inaptitudes liées à la vie professionnelle Afin de protéger la santé des agents tout au long de leur vie professionnelle, les différents documents obligatoires de prévention des risques doivent intégrer la dimension de gestion des âges...
3.5.3. Préconiser, dans le cadre de la surveillance médicale, une visite médicale de prévention tous les trois ans à partir de 55 ans et la systématiser pour les métiers pénibles Le principe d’une visite médicale recommandée en fin de carrière existe d’ores et déjà dans quelques entreprises et administrations...
3.6. Organiser la transmission des savoirs et des compétences
3.6.1 Désigner un senior responsable du tutorat dans sa structure pour les métiers à forte technicité (ingénierie, équipement, construction, etc.) Dans certaines filières, le savoir-faire acquis par l’expérience est central...
3.7. Développer une culture et des pratiques de management inter-générations
3.7.1. Lancer une campagne de communication interministérielle autour de la solidarité intergénérationnelle Les passerelles entre les âges de la vie peuvent se faire dans un sens comme dans l’autre: constituer des équipes mixées, mettre en place des binômes où chacun partage ses compétences propres...
3.7.2 Compléter la formation initiale dans les écoles d’encadrement des trois versants de la fonction publique par des formations en matière de management intergénérationnel Il ressort des expériences et pratiques recensées que les jeunes diplômés de la Fonction publique n’ont pas été suffisamment sensibilisés aux problématiques actuelles du management et aux difficultés liées à la gestion d’une équipe... Par ailleurs,
dans le cadre de la formation continue, les actions proposées aux cadres portant sur la gestion des ressources humaines et le management doivent intégrer la dimension gestion des âges.
Télécharger le rapport La gestion des âges dans la fonction publique: pour une administration moderne et efficace (rapport au Premier ministre, janvier 2012). Conclusion D’apparence techniques, les enjeux liés à la gestion des âges et à l’employabilité des seniors sont éminemment politiques: la définition d’une politique cohérente parce que globale de gestion prévisionnelle des ressources et des compétences conditionne en réalité la réussite à terme de la réforme de l’Etat. C’est bien l’émergence d’une administration moderne, réactive tournée vers l’efficacité qui est en jeu. Rien de moins.
La linéarité des carrières est désormais un modèle du passé. L’indispensable remise en question à chaque moment clé de la carrière, la mobilité encouragée, la formation tout au long de la vie, la souplesse des modes d’organisation du travail au sein des administrations sont autant de réalités qui s’imposent et qui doivent être des opportunités et non des contraintes pour les agents.
Favoriser le maintien des seniors dans l’emploi avec le double objectif de transmission des savoirs, des savoir-faire et de pérennisation du financement des pensions, n’est envisageable que si les conditions de travail, la prévention des risques psycho-sociaux, le développement de la médecine préventive, l’adaptation des postes et des services prennent une réalité dans l’organisation du travail tout au long de la carrière de l’agent.
Les bonnes pratiques recensées à l’occasion de la présente mission sont autant de signes d’une prise de conscience collective que le secteur public est une organisation humaine, vivante, où existent la volonté de mieux servir et un grand sens des responsabilités. Servir l’Etat et nos concitoyens est une valeur partagée par toutes les générations d’agents publics: elle demeure une réalité et contrairement à quelques idées reçues, elle est parfaitement compatible avec la modernité et le mouvement.
C’est donc avec une confiance absolue dans notre capacité collective d’adaptation que le présent rapport porte une ambition: contribuer de manière concrète à construire l’administration du XXIe siècle.
Télécharger le rapport La gestion des âges dans la fonction publique: pour une administration moderne et efficace (rapport au Premier ministre, janvier 2012).
Pascal Brindeau, deputy of Loir-et-Cher, presented the Minister of Public Service, the report on the management of ages in the public service. Download the report Age management in the public service: for a modern and efficient administration (report to the Prime Minister, January 2012).
Extracts
Introduction
Increasing life expectancy and population aging resulting constitute a central problem of Western society, now and in the next thirty years. France, there is no exception. This change in age and social structures is strong consequences on health, housing, services, and employment creation and organization of working life. It is an upheaval of our civilization that has begun. The career of an employee or public official must now be seen differently by the government since its component steps have significantly transformed. More...