L'insertion des diplômés de licence: du parcours d'études au premier emploi. P. Lemistre, Net.Doc, n° 91, 2012. Télécharger la publication.
SYNTHÈSE Cet article propose un état des lieux de l’insertion des diplômés de licence, et de ses déterminants, à partir des chiffres de l’enquête 2007 du Céreq auprès de la génération 2004.
La question de l’insertion des L3 n’est en effet pas anecdotique. Un jeune diplômé sur dix quitte le système éducatif après une licence générale, et les titulaires de licence professionnelle ont pour leur part vocation à entrer sur le marché du travail. Au regard du poids respectif de chacun des types de licence, le nombre de jeunes qui entrent sur le marché du travail immédiatement après l’obtention d’une licence se répartit équitablement entre les deux filières.
Parmi les déterminants des caractéristiques du premier emploi, le parcours d’études joue un rôle primordial sur les salaires, la durée d’accès à l’emploi, et la qualification. Ainsi le fait de détenir un DUT ou d’un BTS procure un net avantage. Les domaines et spécialités de formation influent fortement sur les salaires et l’accès à la qualification. Les diplômés issus de filières scientifiques, par exemple, ont la probabilité la plus forte d’obtenir un emploi qualifié. Le mode d’accès à l’emploi est également déterminant.
L’insertion demeure en outre en grande partie déterminée par les caractéristiques de l’emploi. Ce constat est conforme à la théorie de l’allocation. Dans ce cadre d’analyse, les jeunes se positionnent dans des files d’attente pour des emplois distincts en fonction de l’ensemble de leurs caractéristiques individuelles et de leurs ressources en termes d’intermédiation (réseau, université notamment).
Enfin, deux caractéristiques de la formation apportent un avantage significatif: la première est la filière apprentissage, et la seconde le fait de détenir une licence professionnelle. Par exemple, pour les salaires, l’écart brut (ou moyen) entre licence professionnelle et générale est de plus de 30% mais toutes choses égales par ailleurs (c'est-à-dire à caractéristiques individuelles et d’emploi équivalentes), cet écart est divisé par plus de dix. L’explication tient principalement à la sélectivité de la filière professionnelle et au fait qu’elle se déploie dans les domaines et spécialités universitaires les mieux rémunérés sur le marché du travail, filière professionnelle ou pas.
Des études qualitatives des filières à un niveau plus détaillé doivent donc nécessairement compléter les investigations statistiques pour clarifier la notion de professionnalisation afin de mettre en exergue sa réelle « efficacité » dans toutes les filières.
2. UNE LICENCE, DES LICENCES : LES VALEURS DE LA LICENCE
2.1. Données et méthode
L’échantillon mobilisé est extrait de l’enquête Génération 2004 du Céreq effectuée en 2007 et plus particulièrement de son extension pour l’enseignement supérieur. Les sortants au niveau L3 diplômés sont 6 320 dans l’échantillon représentatif de 21 894 jeunes. Par sortants de L3 ont entend les jeunes dont l’année terminale en 2004 était le L3. Notre étude porte donc sur les seuls diplômés de L3 sortants de L3, soit ceux qui n’ont pas effectué une ou deux années supplémentaires sans obtention de certification. Ce choix est guidé par l’objectif d’effectuer une analyse de l’insertion et une comparaison entre licences générales et professionnelles indépendamment des abandons en cours d’études postérieurs au L3 et des échecs pour l’obtention du diplôme, d’autant que ces derniers sont le fait des seules filières générales (22% des sortants), une Licence professionnelle menée à son terme en L3 s’accompagnant dans près de 100% des cas de l’obtention du diplôme.
Les diplômés sortants de L3 qui ont eu un premier emploi au cours de leurs trois premières années de vie active, soit de 2004 à 2007, sont 5 785 représentatifs de 19 048 jeunes. Parmi ces derniers, 9 686 sont sortants de filières générales (LG désormais) et 9 362 de licences professionnelles (LP désormais). Le premier emploi considéré n’a pas été déclaré comme job d’été.
On remarquera au passage l’équilibre des effectifs entre les deux types de licence.
Le tableau 1 présente des statistiques descriptives et trois estimations. La première concerne les déterminants du salaire au premier emploi occupé entre 2004 et 2007 des sortants diplômés de licence de 2004 (fonction de gains: régression simple du logarithme du salaire sur l’ensemble des explicative). La seconde est relative au temps d’accès au premier emploi (modèle tobit), et la dernière à la probabilité d’accès à un premier emploi de qualification « cadre » ou « profession intermédiaire » (modèle probit).
Les modèles présentés sont les modèles complets comprenant l’ensemble des variables explicatives mobilisables dans l’enquête réparties en cinq blocs : le bloc « parcours d’études » avant le L3, le bloc « formation » qui détaille les spécificités de la licence (discipline, spécialité), le genre, le bloc « social » (profession et situation du père en 2004 et rôle des réseaux), le bloc « emploi » (caractéristiques du premier emploi) et enfin le bloc « territoire » (caractéristiques du lieu où s’exerce le premier emploi).
Dans la perspective des théories de l’offre (capital humain, signal) il peut sembler intéressant d’examiner le seul rôle des caractéristiques à l’entrée sur le marché du travail. Les résultats correspondants ne sont pas reproduits, pour une raison évidente d’espace et aussi car ils diffèrent peu de l’estimation complète pour la plupart des variables. Des commentaires seront néanmoins apportés pour les variables individuelles dont les coefficients sont affectés par l’ajout des variables de demande et plus particulièrement pour une d’entre elle, « licence professionnelle ». Par ailleurs, les éléments descriptifs sont peu commentés car ils font l’objet d’une attention particulière dans un autre support (Borras et alii, 2011).
Le tableau 1 présente les résultats de l’estimation « complète » ainsi que les statistiques descriptives. Les variables dont les coefficients sont attendus, par exemple le genre, ne seront pas commentées; certains de ces coefficients ne sont pas reproduits (voir note de bas de tableau 1).
2.2. S’insérer avec une licence : des individus et des emplois
2.2.1. L’influence des variables individuelles : prime au DUT BTS, hiérarchie des spécialités et réseaux
Concernant les parcours d’études, la probabilité d’accès aux emplois de cadre ou de profession intermédiaire est diminuée significativement par le retard en sixième et le fait de disposer d’un baccalauréat autres que S et plus particulièrement technologique (tertiaire ou industriel) ou professionnel. En revanche, l’empreinte du parcours antérieur au supérieur sur le salaire et la durée d’accès à l’emploi est peu marquée. C’est davantage le parcours au début du supérieur qui va affecter le salaire et la qualification avec une prime au DUT et BTS et aux étudiants qui ont effectué une préparation aux écoles.
Une fois l’effet parcours confirmé, on vérifie bien l’existence des hiérarchies au sein du L3. Sans entrer dans le détail, on peut noter quelques points saillants (résistants au modèle complet): « histoire – géographie », « psychologie et sciences cognitives » sont les filières générales aux plus bas salaires et à la plus faible probabilité d’accès à la qualification (-10% dans les deux registres); les filières scientifiques ont la probabilité la plus forte de conduire à l’emploi qualifié. Quant aux spécialités, détenir un L3 de spécialité « services à la personnes » diminue significativement cette probabilité.
Deux caractéristiques de la formation apportent un avantage significatif dans les trois domaines : la première est la filière apprentissage, et la seconde le fait de détenir une licence professionnelle, aspect que nous examinerons dans la sous-section suivante. A noter que 100% des apprentis sont issus de licence professionnelles dont ils ne représentent néanmoins que 6% des effectifs (sortants 2004 avec premier emploi).
A diplôme identique subsistent des inégalités liées aux ressources personnelles des individus. Concernant l’origine sociale, à niveau d’éducation donné, celle-ci a rarement un effet direct sur le salaire; en revanche il subsiste souvent une influence sur l’accès à la qualification (Boumahdi et Lemistre, 2007). Les L3 ne font pas exception, avoir un père « profession intermédiaire ou cadre » influence positivement la probabilité d’accéder à ces mêmes qualifications. Un des arguments souvent mobilisé quant à l’influence de la profession du père est celui des réseaux personnels du père. Toutefois, ces réseaux jouent un rôle à tout niveau de qualification ou d’études du père ou/et de la mère (Marchal, 2009). De fait, l’influence du mode d’accès à l’emploi sur les trois variables expliquées est remarquable. Les modes d’accès à l’emploi sont relativement diversifiés avec une modalité dominante: les relations, qui représentent près de 30% des intermédiations. L’établissement de formation (dont stages) est à l’origine de l’insertion au premier emploi pour un peu plus d’un jeune sur dix. Un tel résultat est relativement modeste et semble légitimer un rôle des universités à renforcer dans ce domaine. En tout état de cause, l’établissement de formation est un vecteur positif important pour l’insertion, alors que les relations qui dominent ont pour corollaire des salaires relatifs bas et un moindre accès à la qualification.
2.2.2. Caractéristiques de l’emploi et territoires, les principaux déterminants de l’insertion? Dans l’hypothèse d’un marché du travail assimilé à un ensemble de « files d’attentes » distinctes selon l’emploi, les caractéristiques de la demande, au-delà de celle de l’offre, sont déterminantes de l’insertion. Les variables de demande apparaissent effectivement plus fréquemment significatives. La variance expliquée est aussi nettement plus élevée pour les trois modèles dès lors que l’on ajoute les variables de demande. Par exemple, pour l’équation de salaires le pourcentage de variance expliquée passe de 22% (caractéristiques individuelles) à 67% (modèle complet), pour la probabilité d’accès à la qualification ces pourcentages sont respectivement de 9% et 25% (pseudo R2 Nagelkerke). Ces constats nécessiteraient des investigations économétriques complémentaires qui ne sont pas primordiales ici pour valider une éventuelle supériorité des variables d’emploi comme explicatives.
L’essentiel est la mise en évidence du rôle de la structure de la demande d’emplois offerts qui diversifie l’insertion à parcours d’études et caractéristiques individuelles saisies par ailleurs. Rappelons que ce caractère « exogène » de la demande dissocie en partie la hiérarchie des diplômes sur le marché du travail selon le salaire, par exemple, d’une éventuelle hiérarchie en termes de contenu des formations. On peut citer comme exemple les emplois de l’Education nationale occupés par les sortants de L3 au premier emploi. Ils sont majoritairement qualifiés, comme en rend compte l’impact positif sur la probabilité d’occuper un emploi de « profession intermédiaire ou cadre » (+23,7% par rapport à la référence, le secteur privé). Or, les rémunérations sont parmi les plus faible (pas d’écart à la référence et cumul de caractéristiques qui diminuent le salaire: temps partiel, CDD ou emploi aidé, femme). Ces sortants de L3 sont très majoritairement issus de filières générales et occupent des emplois qualifiés précaires très présents au sein de la fonction publique (Maître auxiliaires, aides éducateurs et surveillants, notamment).
Les autres variables d’emploi et territoriales toutes très significatives en regard du salaire et de l’accès à la qualification révèlent les caractéristiques des emplois des différentes « files d’attentes ». Nous ne les commenterons pas davantage, les écarts étant attendus.
2.3. Licence professionnelle versus licence générale? Les trois estimations précédentes mettent en évidence un avantage relatif de la licence professionnelle « toutes choses égales par ailleurs ». Toutefois, cet avantage demeure modeste, à la fois pour le salaire avec un différentiel de moins de 3% (coefficient 0,026) et pour la durée d’accès à l’emploi (moins d’un mois coefficient -0,788). Seule, la probabilité d’accès à des emplois cadre ou professions intermédiaires est augmentée de près de 9% (coefficient 0,087). Les écarts salarial et de durée contrastent avec les valeurs brutes qui seules légitiment souvent le souhait des pouvoirs publics de développer la professionnalisation. Ainsi les écarts moyens entre licences professionnelles et générales au premier emploi sont respectivement pour le salaire et la durée d’accès à l’emploi de 33% et de plus de deux mois.
Cette diminution est évidemment liée aux autres variables présentes dans la régression. Nous proposons donc de les introduire par bloc pour saisir les effets du parcours, du genre du type de L3, de l’origine sociale et du mode d’accès à l’emploi et enfin de l’emploi et du territoire. Nous nous focaliserons sur les salaires car la variation est la plus significative, et c’est aussi le modèle le plus performant. Des estimations par sous groupe ont aussi été effectuées: par genre; à parcours post bac identique (L1, BTS ou DUT) et enfin en séparant secteur public et privé. Cela représente 81 régressions, seul le coefficient d’écart entre licence professionnelle et générale est reproduit dans le tableau 2.
2.3.1. Parcours d’étude, domaine et spécialité universitaire: l’essentiel de l’avantage des LP Notre argument principal sur la diminution de l’écart brut via l’analyse ceteris paribus était un éventuel effet du parcours antérieur. De fait, lorsque l’on intègre le seul parcours à l’estimation, l’écart brut diminue de plus de 10% (coefficient 0,332 à 0,227). Si l’on se focalise sur l’orientation post bac, l’effet parcours est manifeste. Pour les étudiants qui sont passés par le L1, l’écart moyen demeure à plus de 30%; en revanche il est de moins de 20% pour les sortants de DUT-BTS.
Le parcours d’études est donc la première explication aux différences entre licences générales et professionnelles. Le deuxième facteur influençant l’écart brut est le type de formation. L’apprentissage est un premier facteur à la faveur des licences professionnelles, mais il influence très marginalement l’écart de salaires, comme le souligne une estimation réalisée avec ce seul facteur du bloc formation (variation du coefficient de seulement 0,01). Les spécialités et domaines de formation vont donc expliquer la diminution, souvent de moitié, du coefficient selon les spécifications, une fois le parcours et le genre pris en compte. Cela souligne bien que c’est la spécialité qui va délivrer les capacités d’adaptation des individus, ceci recouvrant une professionnalisation des filières, au sens de l’adaptabilité au marché du travail, qui se superpose voire supplante la distinction « institutionnelle » LP/LG.
2.3.2. Licences professionnelles et générales: les mêmes files d’attente? Par hypothèse, conforme à la théorie de l’Assignment, les caractéristiques des emplois vont façonner les files d’attentes. Les diplômés de LP et ceux de LG se retrouvent manifestement souvent dans les mêmes files d’attente mais avec des dominantes pour chaque filière. Par exemple, les LP sont plus nombreux dans l’industrie et les services aux entreprises alors que les LG dominent dans l’éducation, la santé l’action sociale (cf. tableau 1). Une autre différence notable, liée à la précédente, entre les deux filières est la quotité de travail : 94% des sortants de LP ont un premier emploi à temps plein contre 62% des sortants de LG (cf. tableau 1). Cette différence est en partie liée aux particularités des emplois et populations des deux licences avec 73% de femmes pour les filières générales et 39% pour les LP, et une surreprésentation des emplois de la fonction publique. Ainsi, les seules variables d’emplois (hors quotité de travail) diminuent le coefficient d’environ 4% (0,098 à 0,060) et 4% supplémentaire avec l’ajout des variables relatives au temps de travail (0,06 à 0,019).
En tout état de cause, une fois prises en compte les caractéristiques des emplois, les différences salariales entre les deux types de licences ne sont plus significatives. Comme cela a été évoqué plus haut, c’est l’ajout des variables territoriales qui permet le retour à la significativité dans le seul modèle complet. Il n’en est pas de même pour les durées d’accès au premier emploi et à la qualification, les constats confirment néanmoins particulièrement les distinctions quant aux emplois occupés par les sortants de chaque filière.
Dans cette perspective, l’écart de durée d’accès à l’emploi entre LG et LP est conséquent selon le genre (1 mois coefficient hommes 2,793 contre 1,577 femmes). L’explication tient aux spécificités des emplois des femmes. Par exemple, le temps d’accès à l’emploi n’est pas significativement éloigné entre les deux licences pour le secteur public où les femmes sont nettement majoritaires (un quart de licenciés de LP dans ce secteur). Les constats sont les mêmes pour l’accès à la qualification: une différence brute nettement moindre pour les femmes (nulle ici coeff. 0,009) qui s’établit à près de dix pour cent dans le modèle complet du fait de l’ajout des variables d’emplois, notamment relatives à la fonction publique. L’estimation pour la fonction publique est la seule pour laquelle la licence professionnelle a un effet négatif pour l’accès à la qualification. On retrouve ici un résultat évoqué plus haut: certains sortants de licences générales accèdent à des emplois qualifiés dans l’Education nationale, avec néanmoins des salaires relativement faibles puisque l’effet de la licence professionnelle reste positif sur le salaire dans ce secteur (cf. tableau 2). Enfin, la plus value de la licence professionnelle pour l’accès la qualification varie fortement selon le parcours. Avec un parcours L1 l’écart moyen est relativement faible (4%) et surtout il est non significatif dés lors que l’on intègre d’autres variables à la spécification. A l’inverse, pour les parcours IUT (36,4% des LP) l’écart moyen est conséquent (17%, coef. 0,174).
CONCLUSION Valoriser une licence dans un premier emploi après l’obtention du diplôme dépend de nombreux facteurs, comme le suggère l’étude empirique menée pour les sortants diplômés de licences en 2004. Les déterminants des salaires, de la durée d’accès à l’emploi et de la qualification ont été analysés en les regroupant par bloc: parcours d’études (retards, type de bac, mention, L1et 2 versus IUT BTS, etc.), genre, caractéristiques de la formation (spécialités, filière), origine sociale et mode d’accès à l’emploi (réseaux, universités, etc.), caractéristiques de l’emploi, territoire.
Le parcours d’études joue un rôle primordial, particulièrement la détention d’un DUT ou d’un BTS. Ensuite, les formations apparaissent clairement hiérarchisées en termes de salaires ou d’accès à la qualification en fonction des domaines et spécialités. Au-delà des caractéristiques individuelles, le mode d’accès à l’emploi s’avère particulièrement déterminant. Dans ce domaine, un jeune sur dix seulement déclare avoir trouvé son emploi grâce à son établissement de formation. Un tel constat est à la faveur des politiques publiques actuelles (nouvelle licence) et initiées dans le cadre de la loi sur l’autonomie des universités mise en oeuvre par les BAIP (bureaux d’aide à l’insertion professionnelle).
Une fois prises en compte les caractéristiques individuelles (parcours, type de formation, réseaux), l’insertion va demeurer en grande partie déterminée par les caractéristiques de l’emploi. Le fait que les caractéristiques de l’emploi joue un rôle important, à caractéristiques individuelles données, suggère une allocation des individus aux emplois échappant en grande partie à une régulation marchande de type adéquationiste postulée par les théories de l’offre (théorie du capital humain, notamment).
En revanche, les constats précédents ne sont pas en contradiction avec la théorie de l’Allocation (Assignment theory - Sattinger, 1993). Dans ce cadre d’analyse, les jeunes se positionnent dans des files d’attentes pour des emplois distincts en fonction de l’ensemble de leurs caractéristiques individuelles et de leurs ressources en termes d’intermédiation (réseau, université, notamment) pour des emplois valorisés (salaire) très différemment, sans que ceci puisse être directement lié au contenu de la formation certifiée de niveau L3.
Reste un déterminant supposé essentiel, à nouveau dans une perspective adéquationiste: la filière au sens de la professionnalisation. La licence est en effet appelée à devenir le premier niveau de certification avec une filière générale, afin de préparer les étudiants à la poursuite d’études, et l’autre professionnelle destinée au marché du travail. Sans nier les vocations de chaque filière, dans les faits et dans les textes le distinguo entre les deux voies n’est pas aussi clair. Ainsi, l’arrêté du premier août 2011 pour la nouvelle licence réaffirme l’ouverture de l’ensemble des licences au le monde professionnel, en précisant que la nouvelle licence « prépare à la fois à l’insertion professionnelle et à la poursuite d’études de son titulaire », que toutes les licences doivent prévoir « l’intégration d’éléments de professionnalisation au sein de la licence… ». De plus, la poursuite d’études des détenteurs des détenteurs de licences professionnelles ne cesse de croître (plus de 20%).
Sur les premiers emplois de la génération 2004, sortants de licences professionnelles et ceux de filière générale coexistent souvent. De telle sorte que, toutes choses égales par ailleurs, l’avantage des licences professionnelles s’estompe. Par exemple, pour les salaires, l’écart brut (ou moyen) entre licence professionnelle et générale est de plus de 30% mais « toutes choses égales par ailleurs » (ensemble des caractéristiques individuelles et de l’emploi), cet écart est divisé par plus de dix. L’explication tient principalement à la sélectivité de la filière professionnelle et au fait qu’elle se déploie dans les domaines et spécialités universitaires les mieux rémunérés sur le marché du travail, filière professionnelle ou pas. L’avantage relatif des étudiants sortants de licence professionnelle est donc lié en grande partie à leur parcours d’études – par exemple DUT plus filière gestion - qui leur confère de meilleures capacités d’adaptation aux emplois, et pas seulement à ceux de leur spécialité.
La filière professionnelle pourrait bien être alors un sas supplémentaire de sélection pour certains masters, et une voie privilégiée pour les étudiants issus des filières sélectives IUT-STS, même pour une poursuite d’études au delà du L3. En effet, parmi les 80% de poursuite d’études des détenteurs de DUT, 50% poursuivent 3 ans après leur sortie de l’IUT. Une telle logique n’est évidemment pas à même d’offrir des « secondes chances » via la filière professionnelles universitaires, constat déjà effectué pour l’apprentissage dans le supérieur (Kergoat, 2010).
Toutefois, les sortants de licences professionnelles et générales coexistent souvent au sein de mêmes emplois, les sortants de licences générales sont même parfois dans des emplois plus qualifiés (fonction publique). En d’autres termes, la hiérarchie des licences sur le marché du travail supplante la distinction « institutionnelle » entre les deux filières selon le parcours, les spécialités et la file d’attente choisie par le jeune. De plus, la multiplication des licences professionnelles, l’augmentation des poursuites d’étude à leur issue et l’objectif d’insertion pour les sortants de licences générales poussés à la réussite risquent de brouiller encore les frontières entre les deux filières au sens institutionnel. Des études qualitatives des filières à un niveau plus détaillé doivent donc nécessairement compléter les investigations statistiques pour clarifier la notion de professionnalisation afin de mettre en exergue sa réelle « efficacité » dans toutes les filières.
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The graduate employment license: the course of study at the first job. P. Lemistre, Net.Doc, No. 91, 2012. Download the publication.
SUMMARY
This article provides an overview of graduate employment license, and its determinants, using data from the 2007 survey of Céreq from the 2004 generation.
The issue of inclusion of L3 is in fact not anecdotal. A graduate of ten leaves the education system after a general license, and licensees for their part, professional vocation to enter the labor market. Under the respective weight of each type of license, the number of young people entering the labor market immediately after obtaining a license is equally distributed between the two sectors. More...