Une réforme de la formation des enseignants pour redonner à ce métier toute son attractivité
C'est avec grand plaisir que je suis aux côtés de Vincent Peillon ce matin pour lancer avec vous cette journée de recrutement des futurs enseignants du primaire et du secondaire, formés dans l'université. En tant que ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, je vais surtout vous parler de nos propositions pour améliorer la formation de nos futurs enseignants. Le Président de la République a fixé la priorité pour la jeunesse au cœur de son projet et la réussite éducative fait, de ce fait, l'objet de la plus grande attention de la part du gouvernement.
Quelques mots tout d'abord pour évoquer l'état des lieux de la situation que nous avons trouvée à notre arrivée, car il faut toujours savoir de quelle situation l'on part pour parvenir à atteindre ses objectifs. D'autant que cette situation est tout à fait préoccupante: 140 000 jeunes quittant chaque année le système scolaire sans diplôme ni formation professionnalisante, des résultats aux tests nationaux et internationaux de moins en moins satisfaisants, la suppression de près de 70 000 postes d'enseignants lors du dernier quinquennat, 30% seulement d'une classe d'âge parvenant au niveau bac +3, contre 45% par exemple au Danemark et un ascenseur social en régression, le nombre de jeunes diplômés issus de milieu modeste diminuant au fur et à mesure de l'avancement dans les études. Ils représentent 23% de la population active, mais ne sont plus que 9% en master et 5% en doctorat!
Or, la réussite d'un parcours éducatif conditionne fortement le futur parcours professionnel et un jeune diplômé a trois fois plus de facilités à s'insérer professionnellement qu'un non diplômé. Et, toutes les études le montrent, la réussite éducative se construit dès le plus jeune âge et c'est bien au début du parcours éducatif que l'essentiel se joue. C'est pourquoi le gouvernement a décidé de créer 54 000 postes dans le primaire et le secondaire, 1 000 dans l'enseignement agricole et 5 000 dans l'enseignement supérieur, pendant la durée du quinquennat.
On le voit bien: il était urgent d'agir et de redonner à ce beau métier d'enseignant toute son attractivité pour attirer les talents qui contribueront à l'élévation du niveau de formation des jeunes, encore une fois dès le plus jeune âge.
La réforme de la formation des enseignants que nous proposons doit donc améliorer la capacité des futurs enseignants à préparer les jeunes à s'insérer dans une société de plus en plus complexe. L'acte éducatif –nous le savons tous– exige des savoirs et des compétences solides. La transmission des savoirs, la gestion d'un groupe, la didactique des disciplines, les techniques pédagogiques, la psychologie de l'enfant, de l'adolescent, cela s'apprend. La réforme de la mastérisation l'avait tout simplement oublié.
La réforme mise en place par nos prédécesseurs reposait sur des choix dont les effets néfastes sont maintenant reconnus et qui ont porté atteinte à l'attractivité du métier d'enseignant:
- des étudiants sous tension du fait d'une triple contrainte intenable : acquérir un diplôme, réussir un concours, apprendre un métier, tout cela la même année;
- de nouveaux professeurs mal préparés qui doivent affronter les difficultés réelles du métier sans y avoir été formés sur le terrain, faute de stages pratiques encadrés par des enseignants expérimentés;
- et, au final, une démotivation des étudiants, avec une perte d'attractivité de ces formations et d'un métier peu reconnu, à la formation insécurisante et dont on n'entendait parler qu'en termes de suppressions de postes.
L'engagement sans faille des universités et des enseignants n'est pas en cause dans cette dégradation, dont nous connaissons aussi les motifs: économiser les emplois d'élèves-stagiaires au détriment de la réussite éducative. J'ai encore à l'esprit les mots de celles et de ceux qui –nombreux– dénonçaient la réforme et rappelaient haut et fort qu'enseigner est un métier qui s'apprend. Oui! Devenir enseignant s'apprend!
Il était donc urgent de tourner cette page et de faire des propositions nouvelles pour changer la donne. C'est ce que nous faisons, ensemble, avec Vincent Peillon. Un travail engagé depuis six mois, qui s'appuie sur les résultats de la consultation sur l'école et des Assises de l'enseignement supérieur et de la recherche ainsi que sur de nombreuses rencontres et concertations avec les organisations représentatives. Certains évoquent une "crise des vocations". Mais ce ne sont pas les vocations qui manquent, c'est, pour les raisons que je viens d'évoquer, la confiance qui a été gravement entamée: confiance dans le fait que la formation sera une vraie formation professionnelle; confiance dans le fait qu'elle sera bien adaptée à des publics devenus très hétérogènes et, de ce fait, plus difficiles; confiance enfin, dans l'issue même des études, avec un doute sur des chances raisonnables de réussite au concours.
Notre premier objectif est donc de nous faut donc retrouver cette confiance perdue. Le gouvernement et le ministre de l'Education nationale créent des postes de professeurs des écoles, de professeurs de collège et de lycée, de conseillers d'éducation, d'orientation. Les 43 000 postes ainsi créés doivent être pourvus parce que nous avons un besoin urgent de jeunes enseignants bien formés. C'est pourquoi nous invitons les étudiants de 1ère et 2e année de master, mais à travers eux et pour la suite, tous les étudiants intéressés, à se diriger vers une carrière de formateur. En tant que ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, je veux rassurer tous les étudiants: oui, ce métier est passionnant; oui, ce métier est difficile, parce qu'il porte l'ambition de réussite d'un pays tout entier et que la pression est forte. Mais oui, c'est un métier d'avenir, parce qu'il construit, à travers la formation de notre jeunesse, notre avenir collectif.
Je ne crois pas à une crise des vocations, car je sais l'envie de nombreux jeunes de s'engager vers ces métiers, difficiles et exigeants mais passionnants. Une récente enquête montre d'ailleurs que 78% de nos concitoyens ont une appréciation positive du métier d'enseignant, au point qu'ils aimeraient que leurs propres enfants l'exercent. Il faut absolument que cette considération pour le métier d'enseignant soit amplifiée et contribue à l'orientation de jeunes motivés pour cette belle profession. Je l'ai dit, le métier n'est pas facile parce que l'enseignant est immédiatement placé devant la responsabilité maximale: face aux jeunes, il doit tout de suite trouver les mots, les gestes et les techniques adaptés pour les conduire au succès. C'est pourquoi une formation de qualité est rassurante pour un jeune enseignant. Elle lui donne confiance en lui, en ses élèves, en sa mission. Et il s'agit bien de sécuriser les futurs enseignants en les formant en amont, avec des stages pratiques encadrés sur le terrain par des enseignants expérimentés, en parallèle avec la formation disciplinaire dispensée à l'université.
Je lis parfois - ici ou là - des appels solennels où l'on oppose un modèle de formation à un autre. Je lis des déclarations où le métier s'apprendrait une fois acquis les savoirs fondamentaux. Cette conception est aujourd'hui dépassée ! Une véritable formation professionnelle, moderne et efficace, conduit ensemble et solidairement l'acquisition des connaissances et celles des compétences. Le meilleur exemple est celui des professions médicales et paramédicales, ou des formations en alternance de plus en plus nombreuses et propices à l'insertion professionnelle. Par conséquent, former des futurs enseignants, c'est permettre l'acquisition progressive et simultanée des savoirs et des compétences professionnelles nécessaires:
- des savoirs disciplinaires car le professeur doit pouvoir maîtriser les programmes qu'il enseigne;
- des savoirs et des compétences scientifiques parce que le savoir est toujours en mouvement et en progrès. Le contact avec la recherche est donc indispensable et je veux donner un nouveau souffle aux sciences de l'éducation;
- des compétences didactiques, car la capacité à transmettre des savoirs est rarement un don spontané et elle s'apprend;
- des compétences spécifiques, nécessaires à l'exercice et aux contextes de ce métier.
L'acquisition de toutes ces connaissances et de toutes ces compétences doit être coordonnée, progressive, et, dans la deuxième année de master, doit bénéficier de l'alternance.
J'ai conscience que recruter 43 000 nouveaux professeurs dans les deux prochaines années suppose d'attirer vers ces métiers de l'enseignement et de l'éducation de nouveaux étudiants. C'est un enjeu majeur.
Grâce a l'action conjointe du MEN et du M.E.S.R., il a été possible de mettre en place une solution de pré-recrutement, avec une rémunération dès la deuxième année de licence, au bénéfice de jeunes boursiers, issus des territoires les plus défavorisés, s'engageant dans une future carrière d'enseignant. Cette solution consiste dans les contrats d'avenir professeur, qui non seulement rendent cette filière de formation professionnelle plus attractive, mais surtout permettront à des étudiants moins favorisés socialement de devenir enseignants. Avec 18 000 étudiants concernés en régime plein, et 4 000 dès le début 2013, c'est une solution de démocratisation de la poursuite d'études supérieures, mais également une solution pour s'assurer de la diversité sociale du corps enseignant.
Il s'agit en somme de faire du métier d'enseignant l'exemple de la promotion sociale par les études, l'exemple d'une projection dans l'avenir offerte à tous les jeunes issus de milieu modeste. Tout comme, finalement, à l'époque où l'ascenseur social fonctionnait encore, et où les carrières de l'enseignement en étaient l'un des moteurs.
Mais c'est aussi un enjeu pour les filières de formation. Un enjeu qualitatif car il s'agit d'améliorer la formation pour répondre aux défis qui se posent à tout jeune enseignant ou enseignante se retrouvant face à ses élèves dans une classe. A ce grand défi qui est lancé à l'université, ma réponse est claire: il s'agit de former autrement et de former mieux, et pas seulement les futurs enseignants. C'est l'ambition que je porte auprès des universités et des étudiants. Ce défi qualitatif dépasse largement la formation des enseignants. Mieux encore: la formation des enseignants sera d'autant plus efficace qu'elle se nourrira de la rénovation pédagogique de l'enseignement supérieur.
Lors des Assises de l'enseignement supérieur et de la recherche, un consensus très clair s'est fait jour: il faut prendre en compte la pédagogie dans les cursus de formation supérieure, la transformer et la diversifier. La rénovation pédagogique doit concerner tous les niveaux de la formation: licence et formations post bac, master, doctorat. Et elle passera notamment par une ouverture dans toutes les directions: vers tous les publics, vers la société, vers les entreprises, et vers l'international. La création d'une Université Numérique (France Université Numérique) sera un levier de cette rénovation, dont profitera également la formation des enseignants.
Pour l'amélioration de la formation des enseignants, nous aurons de nombreuses actions communes entre nos deux ministères. Nous aurons notamment à y intégrer fortement toutes les dimensions de la rénovation pédagogique que nous voulons mettre en œuvre dans le supérieur. Ouvrir la formation sur la société, pour les futurs enseignants, c'est découvrir les écosystèmes de leur métier, nouer les partenariats indispensables pour construire un projet éducatif global tout au long de la vie. Enseigner, c'est être capable d'anticiper les besoins de la société et des nouveaux métiers, c'est savoir entretenir des relations fructueuses et durables avec les acteurs socio-économiques et les collectivités territoriales. Enseigner, c'est aussi s'ouvrir sur d'autres cultures, maîtriser les langues étrangères, et pouvoir échanger avec les enseignants et les étudiants des autres pays. Il s'agit clairement de rénover notre façon d'apprendre. Et c'est bien l'ambition que je porte devant vous. La réforme de la formation des enseignants ne réussira que si elle se met en place dans un contexte dynamique et rénové, si les étudiants en ont une image positive, valorisante et attirante. Et pour cela, il nous faut:
- intégrer dès le cursus de licence des parcours optionnels assurant la présentation et la découverte de ces métiers;
- développer dans le supérieur des méthodes pédagogiques plus actives et davantage personnalisées;
- intégrer le numérique comme une autre manière de transmettre, et d'apprendre et de travailler en réseau avec l'extérieur;
- proposer des stages en milieu scolaire mais aussi dans les autres secteurs d'activité;
- ouvrir davantage vers l'international par une meilleure maîtrise des langues étrangères et en développant la mobilité.
Réussir la réforme, attirer de nouveaux étudiants vers ces cursus de formation repose sur vous, sur des universités actives, sur des équipes pédagogiques relevant ce défi de la rénovation pédagogique. Une telle ambition pour la formation des futurs enseignants suppose de rassembler toutes les forces pédagogiques et scientifiques sur un même site, dans une même académie. C'est pour cela que nous créons, avec Vincent Peillon, les nouvelles Ecoles supérieures du professorat et de l'éducation. Ces écoles dans l'université seront des composantes universitaires qui accueilleront les étudiants préparant les concours de recrutement et les personnels de l'éducation nationale en formation tout au long de la vie. Mais elles ne pourront le faire seules, car elles s'appuieront sur les équipes pédagogiques et d'une recherche scientifique que je veux redynamiser. Dans chaque académie, la création d'une E.S.P.E. sera donc portée par l'ensemble des établissements universitaires concernés.
Nous avons choisi pour les E.S.P..E une procédure d'accréditation, à partir d'un cahier des charges qui précisera leurs missions. Cette accréditation sera décidée par les deux ministres réunis. Comme nous le sommes aujourd'hui, Vincent Peillon et moi, devant vous. Réunis parce que l'on ne peut séparer la formation du recrutement et de l'exercice du métier. Réunis parce que la formation des futurs professeurs est une des missions des universités et qu'elle est un des leviers majeurs de la refondation de l'école. La mission des E.S.P.E. commence avec la formation initiale, mais elle concerne aussi la formation tout au long de la vie. Dans un monde aussi mobile que le nôtre, on ne peut plus se limiter à une formation initiale. Celle-ci construit les bases mais s'enrichit par des allers et retours entre des périodes d'activités et des périodes de formation qui permettent à chacun de faire face aux évolutions, aux mutations, aux changements technologiques ou de toute nature. C'est pourquoi je dis aux enseignants et aux futurs enseignants: l'université est votre maison. N'hésitez pas à venir vous former, vous ressourcer, découvrir et apprendre. Les E.S.P.E seront bien ce lieu, d'accueil, de formation tout au long de la vie et d'expérimentation pédagogique.
Enseigner est une tâche difficile dans un monde en pleine mutation, mais tout à fait essentielle et exaltante. En participant avec Vincent Peillon au lancement de cette campagne de recrutement, j'ai donc voulu vous livrer un message d'ambition et de responsabilité collectives et, surtout, de confiance. Vous le voyez, la réussite éducative et professionnelle sont les priorités du gouvernement. Cela se traduit notamment par la mise en œuvre d'une nouvelle formation des enseignants. C'est un projet politique enthousiasmant et novateur. L'université sera au rendez-vous et je sais pouvoir compter sur vous, sur votre énergie, sur votre motivation pour être aussi à ce rendez-vous.