Par Philippe Lemistre, Net.Doc, n° 123, 2014, 24 p. Ce document fournit un état des lieux du déclassement, sur un double registre empirique et théorique. Les chiffres, établis à partir des enquêtes Génération du Céreq, varient en effet selon la norme retenue pour le mesurer. Il propose également une approche originale, qui consiste à considérer le chômage comme une situation de déclassement.
1.2. Déclassement filières et diplômes : des disparités fortes
Les IV sup : pas mieux lotis que les sortants juste après le bac (niveau IV) ?
Pour les IV sup (post bac non diplômés), l’emploi non qualifié n’est pas seulement un emploi d’attente puisque le taux de déclassement institutionnel est de 20% au moins (le déclassement est établi selon le plus haut diplôme donc le bac ici : soit uniquement pour les NQ). En terme de qualification, l’avantage par rapport aux sortants bacheliers de la même génération n’est pas systématique. Ainsi pour les filières industrielles, les sortants au niveau bac sont moins déclassés que les IV sup avec une différence notable 17,4% contre 24,3%. Pour le tertiaire et les filières générales universitaires, l’écart aux bacheliers est favorable, mais très peu élevé et non significatif (de l’ordre de 2%). En revanche, les salaires sont en moyenne plus élevés pour la majorité des IV sup de toutes les filières puisque les déclassements salariaux sont nettement au désavantage des niveaux IV. L’association des normes institutionnelles et salariales donne une indication sur le lien à la qualification des différences de salaires avec un faible recoupement, comme toujours quand sont confrontées les normes. L’avantage au IV sup est alors cette fois toujours avéré mais avec des écarts très faibles sans commune mesure avec les écarts en termes de déclassement salarial. En clair, même pour les emplois non qualifiés les IV sup sont plus fréquemment avantagés en termes de salaire, mais les différences salariales dépassent largement les frontières de la qualification compte tenu d’écarts très conséquents pour le seul déclassement salarial. Deux interprétations sont alors possibles : la première est liée aux nomenclatures pour les ouvriers et plus encore pour les employés ou la frontière de la nonqualification procède souvent davantage de la convention que de la réalité (Rose, 2012). Toutefois, rappelons à nouveau qu’en gardant les conventions habituelles pour les ouvriers et employés qualifiés et non qualifiés, la qualification du premier remploi est particulièrement déterminante de la carrière future. L’avantage des IV plus est donc réel (en terme de salaire immédiat), mais peut-être relatif (en terme de carrière surtout dans l’industrie).
Niveau III (Bac+2) et niveau II (Bac+3 et 4) : une hiérarchie respectée ?
En modifiant la norme institutionnelle des années 80 pour la licence, puisque le déclassement n’intervient que pour les catégories ouvrier et employé (qualifié et non qualifié), les bac+2, Bac+3 et M1 (diplômé niveau II) sont comparables pour ce type de déclassement, mais pas pour les autres. Au bas de la hiérarchie les BTS qui comptent 46,1% d’ouvrier employé (les déclassés donc) pour le tertiaire et 37,9% pour l’industrie.
BTS-DUT Les DUT industriel s’en sortent nettement mieux avec seulement 13,7% de déclassés institutionnels, de même pour le tertiaire ou le taux de déclassés est de 28,5% (contre 46,1%). Les raisons sont pour partie : une offre nettement moins large pour les IUT qui se focalise sur des filières plus favorables, une sélection plus axée sur les plus performants sur le plan scolaire (bac général). Toutefois, ces explications ne suffisent vraisemblablement pas à elles seules à justifier des différences qui se maintiennent en termes de déclassement salarial et même lorsque l’on associe déclassement institutionnel et salarial ou encore pour le déclassement statistique. C’est pour ce niveau que la norme statistique diffère de la norme institutionnelle. Le fort taux de déclassement institutionnel des BTS DUT et aussi des L2 est particulièrement lié à une forte présence de ces diplômés pour le tertiaire dans la catégorie employé qualifié de telle sorte que la norme statistique conclut à l’absence de déclassement pour la correspondance niveau III-EQ. Même en adoptant cette norme le taux de déclassement des BTS et DUT tertiaire sont respectivement de 18,3 et 9,8% soit une forte proportion d’employés non qualifiés (principalement) trois ans après la sortie du système éducatif. Les bac+2 santé social sont peu déclassés, car il s’agit de filières contingentées pour des emplois règlementés, soit où le diplôme de niveau correspondant est requis. On notera tout de même le déclassement salarial de près d’un jeune sur dix (9,3%) dont le salaire n’excède pas le salaire médian des sortants de niveau IV.
Licences et M1
Pour le tertiaire et les filières universitaires, les détenteurs de licence sont moins déclassés (institutionnel) que les niveaux III. La poursuite en licence est donc justifiée. Pour les diplômés de la filière industrielle les écarts sont moins conséquents et même défavorables pour la filière industrielle (déclassement institutionnel DUT 13,7%, licence pro 17,3%). Les gains salariaux des licences sont néanmoins incontestables puisque la norme salariale compare les salaires des niveaux II au salaire médian des niveaux III. Seule une majorité de sortants des licences LSHS (53,5%) gagnent moins que la moitié des détenteurs d’un bac+2.
En termes d’accès à la qualification, on remarque une forte proximité entre les sortants de filières proches pour les licences professionnelles et générales (respectivement déclassement institutionnel Industrie versus Sciences 17,3% et 17,6% ; tertiaire versus LSHS 25,5% et 24,5%). Un tel constat relativise la supériorité réputée de la filière professionnelle (Kergoat et Lemistre, 2014), celle-ci est néanmoins rétablie pour les salaires (respectivement déclassement salarial Industrie versus Sciences 22,1% et 33,4% ; tertiaire versus LSHS 40,2% et 53,3%).
Malgré la mise en place du LMD qui supprime la maîtrise, une année d’étude de plus que la licence permet un déclassement institutionnel nettement moindre y compris au regard des licences professionnelles. Pour les salaires la proximité est plus grande. Toutefois, en 2007 la masterisation est encore en cours notamment pour les filières scientifiques et les IUP qui conservent des diplômes bac+4. Il s’agit donc d’un résultat pour une période qui est encore une transition vers le LMD.
Niveau I
Master S’il n’y a pas de différence notable entre filières recherche et professionnelle, l’accès à la qualification-cadre est fortement différencié entre domaines (Sciences versus LSHS) avec un net avantage aux sciences. Pour autant, quelle que soit la filière, il est important de noter que trois ans après la sortie du système éducatif plus d’un tiers au moins des sortants de Master ne sont pas cadres et au moins deux sur dix perçoivent un salaire inférieur au salaire médian des sortants de niveau II.
Ainsi, pour les filières LSHS le déclassement institutionnel (non cadre) et salarial vont de pair pour au moins deux jeunes sur dix. Écoles de commerce et ingénieurs Pour les écoles de commerces le déclassement est moindre que pour les masters avec toutefois un niveau relativement élevé avec 27,9% non-cadre et 14,5% des sortants ayant un salaire inférieur au salaire médian des niveaux II.
Les sortants d’école d’ingénieur ont une insertion plus favorable, mais là encore le niveau de déclassement institutionnel apparaît relativement élevé (15,1%), contrairement cette fois au déclassement salarial (3,4%).
Docteurs
Quelle que soit la filière les docteurs sont non seulement moins déclassés sur plan institutionnel ou salarial que les sortants de masters, mais aussi que les sortants d’école de commerce. Une seule exception le déclassement salarial de 20,6% des jeunes docteurs de LSHS. Télécharger Net.Doc, n° 123.