Par Sonia Milliard, Chargée d’études ORM. MEMO N° 54: La formation professionnelle au prisme de l'égalité femmes-hommes.
le CPRDFP signé en janvier 2012 en PACA par l’État et la Région réaffirme la volonté des partenaires engagés d’articuler au mieux leurs actions pour concourir aux objectifs fondamentaux de la formation: l’accès de tous à un premier niveau de qualification et l’élévation du niveau de qualification tout au long de la vie professionnelle. dans ce cadre, l’égalité entre femmes et hommes a été définie par les acteurs régionaux comme une orientation prioritaire. À l’heure de la mise en oeuvre du contrat et de la construction de son protocole de suivi et d’évaluation, comment se joue l’égalité en matière de formation professionnelle?
Les parcours professionnels des femmes et des hommes sont fortement différenciés: les inégalités apparaissent dès leur phase d’insertion dans la vie active et perdurent tout au long de leur trajectoire sur le marché du travail. de la même façon, femmes et hommes connaissent des parcours de formation très différents, qu’il s’agisse de formation initiale ou de formation continue. Si ces différenciations sexuées ne peuvent à elles seules expliquer les difficultés professionnelles rencontrées par les femmes, qui sont également à rapprocher des mécanismes se jouant directement sur le marché du travail, elles y contribuent en partie.
Les constats réalisés en région dans ce domaine imposent des perspectives de progrès sur l’ensemble des champs couverts par le CPRDFP, qu’il s’agisse d’accès à la formation initiale et continue, d’orientation ou de continuité des parcours.
Insertion dans la vie active et emploi
Plus de difficultés d’insertion pour les filles dès le premier emploi
Les filles connaissent des conditions d’insertion moins favorables que les garçons, en PACA comme au plan national. L’enquête Génération 2004 révèle que, trois ans après avoir quitté l’école, les garçons de la région sont plus souvent en emploi que les filles: 76% des premiers contre 72% des secondes. Ces taux sont plus élevés en France, pour les filles comme pour les garçons (respectivement 79% et 75%). Les filles connaissent des conditions d’emploi plus précaires. À la première embauche, 48% d’entre elles sont en CDD contre 33% des garçons. Ce constat subsiste trois ans après la sortie de l’école, même si l’écart se réduit (24% de CDD pour les filles contre 15% pour les garçons). De plus, 30% des filles sont embauchées à temps partiel lors de leur premier emploi contre 16% des garçons. À même niveau de diplôme, les filles accèdent à des emplois moins qualifiés: trois ans après leur sortie, 25% des filles et 38% des garçons diplômés du supérieur accèdent à des emplois de cadres.
Enfin, des écarts de salaires entre filles et garçons apparaissent dès le premier emploi: 150 euros de plus pour les garçons sortis du système éducatif en 2004. Il est inquiétant de constater que ces écarts se sont amplifiés depuis la génération des jeunes sortis en 1998 (77 euros).
Des parcours en emploi plus précaires pour les femmes
Avec le temps, les femmes demeurent plus éloignées de l’emploi que les hommes, ce qui constitue un des principaux facteurs à l’origine des disparités de niveau de vie entre les hommes et les femmes. Ces dernières sont davantage exposées à la pauvreté que les hommes et, en PACA, l’écart de niveau de vie est amplifié. Ainsi, en 2008 en région, 55% des femmes occupent un emploi contre 65% des hommes. Ces taux sont inférieurs aux moyennes nationales, avec un écart plus marqué pour les femmes: PACA se place parmi les régions où le taux d’emploi féminin est le plus faible. Néanmoins, cet écart s’atténue sensiblement avec l’élévation du niveau de diplôme.
De même, lorsqu’elles sont en emploi, les femmes continuent d’être plus représentées que les hommes dans les fragments « secondaires » du marché du travail, qui se caractérisent par des emplois cumulant les désavantages. En PACA, si elles occupent 46% de l’ensemble des emplois, elles occupent 55% des postes en CDD et 64% des emplois aidés. Elles travaillent trois fois plus souvent à temps partiel que les hommes, et la région se caractérise par un recours important aux faibles temps partiels: 12% des femmes en emploi occupent un emploi de moins de 15 heures hebdomadaires, contre 8% en France.
Cette plus grande précarité contribue à fragiliser les femmes tant professionnellement que financièrement (le temps partiel a notamment des conséquences dramatiques sur la retraite des femmes). Elle s’avère également particulièrement défavorable aux femmes en matière de qualification puisque le segment d’emplois dans lequel elles demeurent reléguées ne favorise pas l’accès à la formation ni la capitalisation d’une expérience professionnelle transférable et
reconnue.
Formation initiale et orientation
Les conditions d'arrivée sur le marché du travail sont en partie liées aux parcours scolaires des individus. Plusieurs dimensions interviennent. D’une part, le niveau de formation: plus le niveau s’élève, plus l’insertion est bonne (85% des titulaires d’un bac +2 sont en emploi trois ans après leur sortie de l’école, contre 68% des bacheliers). D’autre part, la finalité du diplôme: au niveau bac notamment, les sortants de la voie professionnelle s’insèrent plus rapidement (73% des titulaires d’un bac professionnel ou technologique sont en emploi trois ans après leur sortie, contre 63% des bacs généraux). Enfin, l’insertion ne se fait pas dans les mêmes conditions selon la spécialité de formation (par exemple, 87% des jeunes sortants de la filière « mécanique, électricité, électronique » sont en emploi trois ans après leur sortie, contre 78% des sortants de formations en « échanges et gestion »). Filles et garçons sont-ils égaux face à ces facteurs?
Les filles plus diplômées à la sortie de l’école
Les filles vont plus loin dans les études que les garçons: en PACA, 46% des filles sortent du système scolaire diplômées du supérieur, contre 34% des garçons.
Elles sont aussi moins nombreuses à sortir sans aucun diplôme du système éducatif. Or ces jeunes dépourvus de diplôme sont particulièrement pénalisés sur le marché du travail: ils connaissent davantage le chômage et les emplois précaires au cours des trois années qui suivent leur sortie du système éducatif que les jeunes possédant au moins un premier niveau de diplôme.
Des cursus plus généralistes, un moindre accès à l’apprentissage
Au-delà du niveau, la nature des cursus de formation différencie filles et garçons. Encore aujourd’hui, les filles se portent moins sur les filières professionnelles que les garçons.
Parmi les élèves inscrits au bac en PACA, 24% des filles et 31% des garçons présentent un bac professionnel (session 2011). Si la part dun bac professionnel a connu une progression continue ces dernières années (notamment à partir de 2010 sous l’effet de la réforme de la voie professionnelle), cet écart entre filles et garçons ne s’est pas réduit. Malgré les politiques visant à développer la voie professionnelle, les pratiques sexuées en matière d’orientation semblent perdurer.
Par ailleurs, l’apprentissage reste une voie de formation très masculine (68% de garçons en 2010). La féminisation des effectifs d’apprentis n’a pas progressé ces dernières années: en PACA, la part des filles en apprentissage était de 31,5% en 2005 contre 31,8% en 2010. Toutefois, cette part évolue en fonction du niveau. Les effectifs sont très majoritairement masculins dans les formations de niveau V mais se féminisent davantage à partir du niveau III (le niveau I fait cependant figure d’exception puisque 77% des effectifs sont des garçons, en raison de la présence dans le supérieur de formations préparant à des métiers très peu féminisés). Cette progression de la part des filles avec le niveau est notamment à mettre en lien avec la structure des spécialités de formation préparées.
Une faible mixité des spécialités de formation
La répartition sexuée des élèves en formation professionnelle dans le second cycle révèle de fortes disparités selon les spécialités. Seules quatre spécialités présentent une relative mixité: commerce, vente; comptabilité, gestion; accueil, hôtellerie, tourisme; agroalimentaire, alimentation, cuisine. Les autres spécialités sont fortement concentrées et révèlent le poids encore fort des représentations dès l’orientation en formation initiale.
Le choix s’avère d’autant plus contraint pour les filles qu’il existe davantage de spécialités « ouvertes » aux garçons: ils sont nettement majoritaires dans neuf des principales spécialités préparées (plus de 80% de garçons), alors que les filles sont surreprésentées dans seulement quatre spécialités.
L’orientation scolaire des filles semble être régie par des logiques fortement sexuées, encore empreintes de stéréotypes. Malgré un niveau de formation plus élevé, elles restent concentrées sur quelques spécialités de formation, se retrouvant dans l’emploi en concurrence sur des secteurs proposant souvent des emplois de moins bonne qualité. De plus, leur parcours de formation plus généraliste peut s’avérer pénalisant pour leur insertion professionnelle. Ainsi, parmi les jeunes suivis par les missions locales, les filles, moins rapidement opérationnelles sur le marché du travail, sont plus souvent contraintes que les garçons de passer par une phase de professionnalisation retardant leur insertion.
Parcours et formation tout au long de la vie
Les femmes en emploi plus diplômées que les hommes
En PACA, les femmes en emploi possèdent plus souvent que les hommes un diplôme équivalent ou supérieur au bac. Ces écarts de niveaux de formation entre femmes et hommes sont accentués parmi les primo-arrivants sur le marché du travail (42% des femmes en emploi de moins de 30 ans ont un diplôme du supérieur contre 25% des hommes du même âge) mais s’atténuent chez les seniors (respectivement 31% et 27% chez les plus de 45 ans). Ceci traduit l’effet, particulièrement marqué chez les femmes, de l’élévation générale du niveau de formation.
Un accès à la formation continue d’abord conditionné par la vie familiale?
Au niveau national, les taux d’accès à la formation continue des salariés sont de 42% pour les femmes et 56% pour les hommes. Cet écart peut être mis en relation avec la structure sexuée des emplois, les taux d’accès augmentant avec la qualification. Encore largement cantonnées aux postes d’employées, les femmes bénéficient moins de la formation continue.
Mais l’accès des femmes à la formation est aussi fortement lié à leur situation familiale. Les enjeux de conciliation entre vie privée et vie professionnelle, notamment pour les jeunes mères, imposent aux femmes de nombreuses contraintes vis-à-vis de l’emploi comme de la formation. Ainsi, le Céreq révèle que les femmes salariées, pour se former, se réorganisent deux fois plus souvent que les hommes et que ces réorganisations coûteuses peuvent amener certaines femmes à abandonner un projet de formation. Toutefois, c’est moins le fait d’être femme que d’être mère qui rend ces réorganisations nécessaires, particulièrement quand les enfants sont très jeunes: si la présence d’enfants de moins de 6 ans ne modifie pas l’accès à la formation des hommes, elle le réduit de 30% pour les femmes.
Ceci semble se vérifier pour l’accès à la formation des demandeurs d’emploi. Une enquête régionale sur les projets de formation des demandeurs d’emploi confirme que les femmes sont surreprésentées parmi les personnes qui renoncent à un projet de formation ou qui connaissent des revirements de projet fréquents.
Parmi les demandeurs d’emploi en formation professionnelle qualifiante en PACA, la part des femmes varie sensiblement selon l’âge. Elle est la plus faible aux âges intermédiaires, moment où la charge familiale est particulièrement lourde pour les femmes. Elle est la plus élevée après 45 ans, ce qui peut correspondre à l’âge d’un éventuel retour sur le marché du travail après une période consacrée à l’éducation des enfants.
Une concentration sur des spécialités à enjeux d’élévation du niveau
L’accès à la formation qualifiante des demandeurs d’emploi correspond moins souvent pour les femmes que pour les hommes à une logique d’accès à une première qualification. En effet, 67% des hommes contre 55% des femmes préparent une certification de niveau V. Celles-ci sont surreprésentées parmi les personnes préparant une formation de niveau intermédiaire: près de 60% des effectifs en formations de niveau IV. En revanche, à partir du niveau III, la répartition sexuée des effectifs s’équilibre.
Cette répartition par niveaux est directement liée aux spécialités de formation préparées. En effet, l’analyse des choix de spécialités montre à quel point le projet de formation est une construction sexuée, comme en témoigne la forte concentration des effectifs féminins: 85% des femmes en formation qualifiante se concentrent dans seulement 10 spécialités, uniquement tertiaires (alors que 85% des hommes se répartissent dans 18 spécialités). Or, parmi celles où se concentrent les femmes (secrétariat, comptabilité notamment), le premier niveau d’insertion dans l’emploi se situe désormais au-delà du niveau V. Alors que dans les métiers liés aux spécialités de la production le niveau V reste souvent un niveau pertinent d’insertion.
L’accès à la qualification professionnelle relève de logiques bien différenciées entre femmes et hommes. Et ces différenciations se retrouvent à tous les âges et à toutes les étapes des parcours de formation et d’emploi. En formation professionnelle initiale comme en formation continue, la trop faible mixité des spécialités de formation contribue à restreindre la palette des métiers exercés par les femmes, les cantonnant à des emplois faiblement qualifiés, aux conditions de travail défavorables et aux perspectives d’évolution limitées. Ceci confirme combien les processus d’accès à la formation et d’orientation constituent des leviers fondamentaux (bien que non suffisants) en matière d’égalité professionnelle.
Contexte : un travail issu des diagnostics préparatoires au CPRDFP
Cette publication est extraite du travail réalisé par l’ORM et le Réseau régional pour l’égalité entre les femmes et les hommes (RREFH) dans le cadre de la préparation du Contrat de plan régional pour le développement de la formation professionnelle (CPRDFP) en PACA. Les diagnostics réalisés par l’ORM et le CARIF-Espace compétences en amont des réunions de concertation partenariales ont pu intégrer une approche genrée de manière transversale grâce à l’implication continue du RREFH durant toute cette période préparatoire. La question de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes a ainsi été traitée sous l’angle des six thématiques qui ont structuré les travaux préparatoires du CPRDFP.
L’égalité femmes-hommes fait désormais partie des cinq orientations prioritaires du CPRDFP, qui engage ses signataires pour une période de quatre ans (2011-2015). Ce contrat précise qu’ « il est nécessaire de passer au crible de “l’analyse de genre” toute action ou dispositif dès sa conception », ce qui constitue un enjeu fort pour sa mise en oeuvre, mais également pour son suivi et son évaluation, dont les modalités se mettent actuellement en place en région.
Voir aussi: MEMO N°53: De quels diagnostics la GPEC territoriale a-t-elle besoin? MEMO N°52: Pôles socio-économiques locaux de PACA : une accélération des mutations. MEMO N°51: Métier, une notion en transformation ?- Exemples de l'animation et des activités industrielles. Tous les MEMO.
Con MILIARDI DI SONIA, ORM studio. MEMO No. 54: La formazione professionale attraverso il prisma della parità di genere.
il CPRDFP firmato nel gennaio 2012 da parte dello Stato e la Regione PACA riafferma la volontà dei partner impegnati ad articolare meglio le loro azioni contribuiscono alla realizzazione degli obiettivi fondamentali dell'educazione: l'accesso universale ad un livello base di qualificazione e elevare il livello di qualifica per tutta la vita. In questo contesto, la parità tra donne e uomini è stata definita dagli attori regionali come una priorità strategica. Al momento della esecuzione del contratto e la costruzione del suo protocollo di monitoraggio e valutazione, come è stato l'uguaglianza nella formazione professionale? Più...