En comparaison du fonctionnement communautaire si souvent décrié, à tort ou à raison, le processus de Bologne est, comme l’a développé la fiche 3, un processus original, à la fois intergouvernemental et participatif, volontaire et souple. Au moment où beaucoup de citoyens souhaitent une Europe moins technocratique, plus à l’écoute des citoyens et de la société civile et plus participative, il pourrait ainsi apparaître comme un modèle de processus européen de coopération et de concertation...
Et pourtant, le périmètre du processus (48 Etats + l’Union Européenne), l’absence de délégation de pouvoir des 48 Etats à une instance dirigeante, la non permanence du Secrétariat qui passe d’un pays à l’autre à chaque Conférence, la faible implication des gouvernements entre deux Conférences, le décrochage de la communauté universitaire vis-à-vis d’un processus qu’elle perçoit dans certains pays aussi éloignée d’elle que l’Union européenne et le caractère non prescriptif des positions adoptées pendant les Conférences, sont autant de facteurs qui expliquent des critiques récurrentes qui pourraient mettre en danger un processus... que d’autres continents pourtant nous envient (cf. fiches 23).
De fait, entre deux Conférences, les représentants des Etats membres et des parties prenantes travaillent ensemble en de très nombreux groupes de travail qui font remonter des propositions au BFUG qui se réunit environ tous les 6 mois, en amont de la Conférence des ministres, pour aboutir in fine au bout de 2 ou 3 ans à une proposition de Communiqué à soumettre aux ministres. Se constitue ainsi un petit groupe d’experts « spécialistes de Bologne » désignés par les différents gouvernements et les parties prenantes, qui forment entre eux un réseau, naviguant de réunion en réunion dans les groupes de travail et/ou le BFUG à travers toute l’Europe, sans qu’il n’y ait d’expression publique ni de communication entre deux Conférences (cf. fiche 7). La mobilisation des communautés universitaires concernées reste, quant à elle, très variable d’un pays à l’autre. De même, la capacité des gouvernements des 48 Etats membres à garder le lien avec leurs représentants au BFUG et à leur faire porter une vision politique forte est très inégale selon les pays et les périodes.
Un autre reproche qui est adressé au processus de Bologne est relatif à la faible représentation de certaines parties prenantes, par rapport à celle des Etats. Les Etats membres et la Commission européenne ont 49 sièges délibératifs alors que les étudiants, les universités ou les personnels, pour ne citer que ceux-là, n’ont droit chacun qu’à un siège consultatif. Et ce qui n’est pas choquant quand ce sont les ministres eux-mêmes qui siègent une fois tous les deux ou trois ans pour adopter un Communiqué peut l’apparaître plus quand, entre deux Conférences ministérielles, ce sont 48 cadres des différents ministères qui siègent au BFUG, face à un seul représentant pour toutes les universités européennes ou tous les étudiants.
Enfin, il est certain qu’essayer d’obtenir des consensus ou quasi consensus à 57 (48 Etats membres + la Commission européenne + 8 membres consultatifs) ne facilite pas un travail « agile » ni ne permet de grandes évolutions d’une Conférence à l’autre – ce qui donne parfois à l’impression de faire du sur place d’un Communiqués à l’autre.
Un des défis du processus de Bologne est donc aujourd’hui de parvenir à une rénovation de sa gouvernance, qui le rende plus participatif, plus ouvert, plus réactif et plus à l’écoute des parties prenantes, sans pour autant renoncer à l’intergouvernementalité qui le caractérise et le distingue du fonctionnement communautaire aux normes particulièrement lourdes (cf. fiche 9).
La France s’attachera à faire en sorte que ce sujet soit abordé dans le Communiqué de la Conférence de Paris et que des modalités de réflexion originales puissent déboucher sur des propositions de rénovation de la gouvernance d’ici la prochaine Conférence qui se tiendra en Italie en 2020. Plus...