Les 30 ans de l'Ecole nationale supérieure de la photographie - la formation continue se développe considérablement et doit refuser des stagiaires
Du 2 juillet au 23 septembre, les Rencontres d'Arles célèbrent les 30 ans de l'Ecole nationale supérieure de photographie (ENSP) d'Arles dont sont issus de nombreux photographes comme Valérie Jouve ou Bruno Serralongue. François Hébel, directeur des Rencontres et Rémy Fenzy, directeur de l'ENSP nous parlent de la programmation prévue à cette occasion et nous en disent plus sur l'Ecole.
- Cette année les Rencontres d'Arles célèbre les 30 ans de l'ENSP. Pouvez vous nous rappeler le lien entre les Rencontres et l'Ecole? Les Rencontres ont été créées par Lucien Clergue en 1969 et l'Ecole a été créée en 1982 par François Mitterrand, qui en a fait un de ses grands projets avec l'Opéra Bastille, la Pyramide du Louvre... C'était l'un des moins chers des grands projets et le premier terminé.
Actuellement, le lien entre les Rencontres et l'Ecole est un lien de voisinage car l'Ecole a son autonomie complète en tant qu'école supérieure du ministère de la Culture et les Rencontres sont une association indépendante soutenue par le ministère mais aussi d'autres sources. Il n'y a plus de lien structurant entre elles.
- Comment avez-vu conçu la programmation pour célébrer ces 30 ans? Je l'ai conçue avec le directeur de l'Ecole, Rémi Fenzy. Parmi les 640 anciens élèves, 26 ont été sélectionnés. Chacun fait l'objet d'une exposition individuelle. Quatre expositions concernent des commissaires d'exposition, aussi issus de l'Ecole, qui nous présentent les collections sur lesquelles ils travaillent. On a ainsi les deux facettes de ce à quoi l'Ecole forme : la création et l'expertise.
J'ai aussi souhaité que soient exposés Alain Desvergnes, premier directeur de l'Ecole et deux enseignants : Arnaud Claass et Christian Milovanoff car ils ont eu une grande importance sur le positionnement original de l'Ecole. Ce qui rend formidable cette Ecole, c'est qu'elle crée de la diversité. On y forme plus des intellectuels de la photo que des praticiens. Certains deviennent photographes, d'autres des experts de l'image.
La programmation présente donc des gens très différents : Sébastien Calvet qui a suivi la campagne de François Hollande, dans le registre du reportage politique, Isabelle Le Minh qui a fait des installations avec des négatifs, dans le champ des arts plastiques, Valérie Jouve et Bruno Serralongue, très côtés dans les milieux artistiques, Grégoire Alexandre, un des photographes de mode les plus intéressants de sa génération, ...
- Pouvez-vous nous parler du partenariat avec le Centre National des Arts Plastiques? Le CNAP a collectionné de nombreux photographes issus de cette Ecole et nous avons trouvé intéressant d'avoir cet éclairage différent, de compléter les expositions monographiques par une exposition collective issue des collections nationales, et de montrer d'autres photographes que ceux présentés dans les expositions monographiques.
- Il y a aussi un programme avec des écoles d'autres pays Une des choses que renvendique l'Ecole c'est d'avoir des liens avec des écoles étrangères et d'avoir des échanges avec eux. Nous avons invité des enseignants de ces écoles à proposer chacun trois photographes, qui rentrent dans le Prix Découverte. Il y a cinq écoles issues des 4 continents: une japonaise, une finlandaise, une américaine, une africaine, et une anglaise. D'ailleurs Tadashi Ono qui fait cette sélection pour l'Ecole de Kyoto qu'il dirige aujourd'hui, est un ancien de l'Ecole d'Arles.
- Qu'est ce qui fait la spécificité de cette école et de sa pédagogie? La spécificité de l'Ecole c'est d'abord le concours d'entrée. Pour se présenter, il faut être titulaire du bac + 2. Nous avons tendance à privilégier chez les candidats une formation artistique préalable. Chaque année, il y a entre 350 et 400 candidats et nous en sélectionnons 25. Les candidats ont souvent plus que bac + 2. Lorsqu'ils se présentent au concours ils font de cette entrée à l'Ecole un projet de vie.
Notre mission prioritaire est de former des photographes auteurs. On les sensibilise pendant une année aux différentes approches techniques de la photographie, aussi bien l'argentique que le numérique. La photographie est envisagée sous tous ses aspects : de la gomme bicromatée en passant par le collodion humide jusqu'au plus pointu des logiciels. Ce qui n'interdit pas une approche plus théorique : histoire de la photographie, esthétique, sociologie, histoire contemporaine de l'art...
En seconde année, on leur demande de développer leur projet personnel. C'est là qu'on s'aperçoit que certains parmi eux ne deviendront pas forcément des photographes. Nous intervenons en leur proposant de découvrir le monde de l'image en général. Nous nous appuyons sur les expertises d'Anne Cartier-Bresson par exemple, du CNAP, de Paris 1, l'Ecole normale supérieure de Lyon, … Nos étudiants découvrent ainsi la façon dont la photographie peut exister dans les collections publiques, ce que cela signifie de restaurer, valoriser un fond photographique ancien. Certains vont découvrir le métier de commissaire d'exposition, d'autres d'iconographe, webdesigner, graphiste, médiateur...Dans notre cursus, nous avons une approche très professionnelle.
- Comment l'Ecole a-t-elle évolué en 30 ans? Elle a évolué d'abord en suivant l'évolution des pratiques de la photographie. A sa création en 1982, le directeur était Alain Desvergnes et nous étions au coeur de l'argentique. Toute l'Ecole a été équipée par rapport à cette pratique. Il y avait aussi une imprimerie au sous-sol du bâtiment. Tout cela a disparu avec l'arrivée de l'informatique, des imprimantes, des appareils numériques. Il a fallu réenvisager l'espace du bâtiment en fonction des nouveaux équipements. L'argentique est toujours là mais aujourd'hui le numérique occupe aussi des espaces conséquents.
L'enseignement technique a évolué en conséquence. De même pour l'enseignement théorique. On ne parle plus de photographie argentique comme on parle de photographie numérique. Le traitement de l'image est complètement différent.
Ce qui est important à l'ENSP, c'est l'exigence apportée à l'existence de l'image, son devenir. Nous veillons à former le regard. Penser l'image est pour nous un maître mot.
C'est une des particularités de l'Ecole. La seconde c'est l'exigence des enseignants eux mêmes, qui sont capables de s'interroger sur la pensée mouvante autour de la pratique de la photographie.
- Quels sont les grands photographes qui sont passés par cette formation? Les plus connus : Valérie Jouve, Bruno Serralongue, Olivier Metzger. De grandes personnalités que vous allez découvrir cet été aux Rencontres. Mais il existe aussi une myriade de photographes un peu moins connus, qui pourtant revendiquent une photographie résolument originale: Grégoire Alexandre, Sébastien Calvet qui a suivi la campagne électorale récente pour Libération et Le Monde. Nos diplômés existent partout à la direction d'écoles comme Sylvain Lizon à l'Ecole supérieure d'arts de Cergy-Pontoise, dans les musées comme Clément Chéroux, conservateur au Centre Pompidou, Nathalie Giraudeau directrice du Centre photographique d'Ile de France, Luce Lebart responsable des collections à la Société française de photographie, dans la presse, dans l'édition...
- Qu'en est il de l'aura internationale de l'Ecole? J'ai hérité d'un dossier remarquable sur ce sujet de mon prédécesseur, Patrick Talbot, que je veille à amplifier. Aujourd'hui nous travaillons main dans la main avec l’International Center of Photography à New York, avec les centres de l'image de Mexico, de Lima, de Sao Paulo, avec l'école de Johannesburg, de Kyoto, Erasmus...
Il y a de nombreux échanges internationaux entre étudiants mais aussi enseignants. Récemment, John Davies grand photographe britannique est venu à l'Ecole en résidence pédagogique.
Ce qui rend l'Ecole unique en France mais aussi dans le monde, c'est que c'est une école publique, contrairement à ces établissements où l'enseignement est payant.
- Comment voyez-vous l'avenir de l'Ecole? Sur un nouveau terrain et dans un nouveau bâtiment. Les évolutions technologiques successives ont fait que le bâtiment actuel n'est plus approprié. Nous sommes à l'étroit, avons perdu toutes nos salles de cours.
La formation continue se développe considérablement et on doit refuser des stagiaires. Le projet de déménagement a été conçu avec les équipes de l'Ecole, et a été validé par la Direction Générale de la Création artistique. Il comprend un centre de conservation de fond photographique d'auteur ce qui nous permet d'envisager de nouvelles offres de formation spécifique qui n'existent pas. Et ces questions sont pour nous cruciales.
July 2 to September 23, the Rencontres d'Arles celebrate the 30th anniversary of the National School of Photography (ENSP) in Arles which come from many photographers as Valérie Jouve or Serralongue. Hébel Francois, Director of Meetings and Fenzy Remy, Director of the NPHS we talk about the programming provided for this opportunity and tell us more about the School. More...