Le libre exercice du culte peut avoir des conséquences dans la vie sociale et nécessiter des adaptations du droit commun. L’État a parfois décidé d’adopter des réglementations spécifiques afin de garantir la liberté religieuse, dans d’autres cas, les prescriptions religieuses sont proscrites.
Par exemple, les
rites d’abattage des animaux prescrits par l’islam ou le judaïsme ne sont pas conformes à la réglementation en vigueur. Néanmoins, le respect de ces rites étant un élément de la liberté de culte, un encadrement juridique a été mis en place pour concilier liberté de culte et sécurité sanitaire.
Le décret du 1er octobre 1997, qui transpose une directive européenne sur la protection des animaux au moment de leur abattage, prévoit une dérogation à l’obligation d’étourdissement avant la mise à mort. Mais l’abattage rituel ne peut être effectué qu’en abattoir par des sacrificateurs agréés par l’État. Cette réglementation pose cependant des problèmes d’application, notamment lors de la fête de l’Aïd-el-Kébir, le nombre d’abattoirs étant alors insuffisant.
Autre exemple, les
prescriptions religieuses en matière alimentaire ne font pas l’objet d’une réglementation spécifique. Dans les cantines scolaires, les collectivités territoriales qui les administrent élaborent librement la composition des menus. Des maires ont ainsi pu décider, au nom de la laïcité, de supprimer des menus de substitution. Dans un
rapport consacré au droit à la cantine scolaire, le Défenseur des droits considère cependant que le principe de laïcité ne s'oppose pas à la pratique des menus de substitution et qu'il convient de porter attention à l'intérêt supérieur de l'enfant et à sa liberté de conscience. Pour le Défenseur, une collectivité ne peut effectivement pas être contrainte à proposer un menu de substitution. Elle ne peut pas non plus contraindre un enfant à manger un plat contraire aux prescriptions de sa religion.
Enfin, les
rites funéraires et l’inhumation sont des composantes majeures de la liberté religieuse.
En matière de funérailles, prévaut le respect de la volonté du défunt. Selon la
loi du 15 novembre 1887 relative à la liberté des funérailles, "tout majeur ou mineur émancipé, en état de tester, peut régler les conditions de ses funérailles, notamment en ce qui concerne le caractère civil ou religieux à leur donner et le mode de sépulture". Bien que le maire assure la police des funérailles, le code général des collectivités territoriales lui interdit d’établir des prescriptions particulières applicables aux funérailles, selon qu’elles présentent un caractère civil ou religieux ainsi que des distinctions ou des prescriptions particulières à raison des croyances ou du culte du défunt ou des circonstances qui ont accompagné sa mort.
Cette interdiction de distinction en raison du culte conduit à l’impossibilité,
en droit, d’instituer des
carrés confessionnels dans les cimetières.
Néanmoins, il existe des cimetières confessionnels privés par dérogation au droit commun. Les consistoires israélites ont conservé la propriété des cimetières dont ils disposaient avant 1806. Il reste également des cimetières protestants privés. Si la légalité de ces cimetières a été confirmée par le Conseil d’État, il n’est cependant pas possible de créer de nouveaux cimetières privés ou d’agrandir ceux qui existent. Les autorisations d’inhumer dans un cimetière confessionnel privé sont délivrées par le préfet comme toute inhumation dans une propriété privée.
De plus, les carrés confessionnels sont souvent admis. Rien n’interdisant d’enterrer un corps en direction de La Mecque, le respect de cette prescription musulmane a posé des problèmes de gestion de l’espace dans les cimetières et des carrés musulmans y ont été progressivement créés. La circulaire du ministère de l’intérieur du 14 février 1991 rend possibles des regroupements de fait des sépultures, sous réserve que la neutralité du cimetière soit alors particulièrement préservée, tant en ce qui concerne l’aspect extérieur des parties publiques que la possibilité laissée aux familles de toutes religions de s’y faire inhumer. Cette pratique a été de nouveau encouragée par la
circulaire du 19 février 2008 relative à la police des sépultures. La circulaire de 2008 rappelle que la décision d’aménager des carrés confessionnels appartient au maire et à lui seul. Dans le même temps, le maire doit veiller à ce que les parties publiques du cimetière ne comportent aucun signe distinctif de nature confessionnelle.
Par ailleurs, le code général des collectivités territoriales interdit l’inhumation en pleine terre qui est pourtant une obligation religieuse pour les religions juive et musulmane. Cette atteinte à la liberté de culte est justifiée par des raisons d’hygiène et de santé publique.
Les
fêtes religieuses posent également des problèmes de conciliation entre pratique religieuse et vie professionnelle. Le code du travail ne prend en compte que des fêtes catholiques et il ne contient aucune disposition ouvrant droit à des
autorisations d’absence pour motif religieux. En revanche, pour les agents publics, le ministère de la fonction publique publie chaque année une circulaire dans laquelle sont listées, à titre d’information, les dates des principales fêtes religieuses des cultes orthodoxe, israélite, musulman et bouddhiste. Les agents publics peuvent formuler une demande d’autorisation d’absence pour ces dates-là. Il revient à leur chef de service de l’accorder ou pas. Cette absence doit en effet demeurer "compatible avec le fonctionnement normal du service".
Pour les élèves de l’enseignement scolaire public, des autorisations peuvent également être accordées mais le Conseil d’État a souligné que ces absences ne pouvaient être que ponctuelles (rejet d’une dérogation systématique de présence le samedi, jour du Shabbat, par exemple).
A contrario, des textes ont été adoptés pour proscrire des pratiques religieuses dans des cas précis.
Ainsi, un décret du 25 novembre 1999 exige des
photographies têtes nues sur les cartes d’identité et un autre du 26 février 2001 pour les passeports. Ces décrets excluent donc le port du foulard islamique sur les photographies des papiers d’identité qui était jusqu'alors toléré par l’administration. Une circulaire du ministère de l’intérieur de 1991 prévoyait en effet que les femmes appartenant à un ordre religieux pouvaient être autorisées à déposer des photographies les représentant avec une coiffe de leur ordre. Les femmes de confession islamique étaient autorisées à déposer des photographies les représentant la tête couverte d’un voile ou d’un foulard, à condition que leur visage apparaisse totalement découvert et parfaitement identifiable.
De même, le 15 mars 2004, est promulguée
la loi n° 2004-228 encadrant, en application du principe de laïcité, le
port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics. Cette loi est adoptée après quinze années de débat autour de la question du port du foulard islamique à l’école et elle revient sur la jurisprudence du Conseil d’État qui considérait le port d’un signe visible manifestant une appartenance religieuse n’était pas en soi contraire à la laïcité.
Enfin,
la loi du 11 octobre 2010 interdit la
dissimulation du visage dans l’espace public. Cette loi proscrit ainsi le port du voile intégral (burqa) dans l’espace public. Dans sa décision du 7 octobre 2010, le Conseil constitutionnel a précisé que, pour ne pas porter une atteinte excessive à la liberté religieuse, l’interdiction ne peut pas s’appliquer dans les lieux de culte ouverts au public.
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