Les cahiers de l’évaluation n°6 - DOSSIER : Notation = évaluation ? - Vol. 3, "La notation extra-financière".
Le numéro 6 des Cahiers sur la notation extra-financière (ou notation éthique) s’inscrit dans une réflexion d’ensemble sur la notation vue comme un remède aux asymétries d’information fréquentes dans l’économie moderne. Notre vie quotidienne est de plus en plus imprégnée de ces mécanismes de notation (n°4, « De Michelin à eBay »). Ils pénètrent aussi la sphère du Business to Business, allant jusqu’à prendre une dimension systémique à l’échelle mondiale (n°5, « La notation financière ») et susciter un mouvement de régulation aux Etats-Unis et dans l’Union Européenne. Le numéro 6 traite, comme le précédent, des notations d’entreprises mais, sous l’angle cette fois-ci de la responsabilité sociale des entreprises. Comment la mesurer et en déduire une « note » destinée à guider les choix des investisseurs socialement responsables? Nicole Notat, présidente de l’agence Vigeo, un des leaders de la notation extra-financière en Europe, s’exprime sur ce sujet…. tandis que Nicolas Treich, de l’Ecole d’économie de Toulouse, souligne que la responsabilité sociale des entreprises est un concept étrange pour un économiste [… mais…] génère aujourd’hui un foisonnement de recherche. Ce numéro a été présenté en avant-première lors du séminaire sur « Le financement de la transition écologique » qui s’est tenu à Bercy le 12 juillet 2012 sous l’égide de la Direction Générale du Trésor et du Commissariat Général au Développement Durable. Télécharger Les Cahiers de l’évaluation n° 6.
Avant‐propos de Claire Waysand, Directrice générale adjointe du Trésor, Directrice de publication des Cahiers de l’évaluation
A côté des agences de notation financière sont apparues, au cours de ces dix dernières années, des agences de notation extra-financière, qui se donnent pour objectif d’évaluer le degré de responsabilité sociétale des entreprises (RSE). Si la crise financière a mis en évidence des défaillances dans la supervision et la régulation du secteur financier mondial, dont celle de la notation financière – sujet traité par les précédents Cahiers de l’évaluation – force est de constater que l’on dispose aujourd’hui encore de peu de recul pour apprécier la qualité et la contribution de la notation extra-financière, son influence sur les choix des investisseurs et son impact sur les comportements des entreprises.
Les notations ESG (environnement, social, gouvernance) peuvent répondre à une demande multiforme, guider les investisseurs sensibles à ces problématiques (motif altruiste), mais aussi servir à d’autres investisseurs, de manière plus opportuniste, d’indicateurs des risques portés par les entreprises. Même si elles gagnent en influence, elles n’ont pas à ce stade un caractère aussi systémique que la notation financière. Les moyens qui y sont consacrés ne sont pas non plus comparables: le chiffre d’affaire des agences de notation extra-financière ne représente que de 1 à 2% de celui des agences de notation financière.
Nos sociétés doivent cependant parvenir à évoluer vers des modes de fonctionnement plus soutenables, ce qui passe aussi par la maîtrise des risques de diverses natures. L’information extra-financière peut y contribuer. Comme le souligne Nicole Notat dans son interview, le point crucial est que le destinataire de la notation comprenne bien ce qu’il convient de faire dire à la notation ou de ne pas lui faire dire. Cette transparence peut aussi être favorisée par une politique publique visant, par exemple, à encadrer les pratiques des agences et à standardiser l’information de base produite par les entreprises, comme l’envisage l’Autorité des Marchés Financiers.
Ce numéro, comme les précédents, cherche à alimenter la réflexion en rassemblant des points de vue variés, émanant d’acteurs d’horizons différents. C’est ce qui en fait la richesse et c’est la raison pour laquelle je m’associe aux voeux de succès que Benoit Coeuré, mon prédécesseur, a formulés pour les Cahiers de l’évaluation.
Résumé du numéro 6
« Les agences de notation […] rendent publiques des informations qui autrement resteraient privées. Elles contribuent donc à atténuer les asymétries d’information. » Ces mots écrits dans le précédent numéro à propos des agences financières valent aussi pour les agences extrafinancières dites aussi, parfois agences « éthiques ». Celles‐ci fournissent une évaluation des risques environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) portés par les multinationales, à l’intention des investisseurs souhaitant intégrer des critères extra‐financiers dans leurs choix.
Investissement « éthique », commerce équitable, relèvent de la même logique. Tout se passe comme si les acteurs sociétaux percevaient la mondialisation des échanges comme devançant la mondialisation des régulations. Ils tentent donc de remédier à ce déficit de régulation publique en modifiant leurs comportements. Ils amènent ainsi les entreprises à adopter des standards supérieurs (droit du travail, droit de l’environnement…) à ceux imposés par les cadres normatifs dont elles dépendent, souvent ceux des pays en voie de développement. Se forge ainsi un substitut de régulation, assez médiatisé, qui gagne en importance (articles 2 à 6).
L’investissement « éthique » ou « socialement responsable » (articles 1 et 7) est d’abord déterminé, comme l’investissement classique, par la notation financière. L’usage, en sus, de critères ESG témoigne de la priorité donnée à la Responsabilité sociale des entreprises (RSE). Ce sigle signifie aussi parfois « Responsabilité Sociétale de l'Entreprise » ou « Responsabilité Sociale et Environnementale ». Faute de définition
consensuelle, la RSE renverra ici aux actions des entreprises visant à assumer les impacts négatifs de leurs activités sur la collectivité, étant entendu que chaque auteur est responsable de la définition qu’il en donne. Sur le fonds, le concept de RSE est débattu dans l’article 3. Ces préoccupations éthiques sont cependant présentes avec des nuances: on distingue ainsi au sein de la Finance responsable, les « altruistes », prêts à accepter un rendement moindre de leur placement socialement responsable pour accroitre le bien‐être collectif (article 10), des « opportunistes » qui, au contraire, espèrent un meilleur rendement du fait d’une meilleure gestion des risques au sein des entreprises. Au total ces investisseurs socialement responsables choisissent des modes d’actions en ligne avec leurs convictions, qui peuvent être d’inspiration religieuse, écologique, syndicale… De ce fait, l’ISR renvoie à une mosaïque d’approches (articles 8 et 9).
L’expression « notation extra‐financière » englobe en réalité toute une gamme d’informations extra‐financières qui varient dans la forme (indices boursiers, rating, indicateurs…) et dans le fonds (environnement, social, gouvernance). Ces informations renseignent les sociétés de gestion sur le niveau de RSE des entreprises (articles 12 et 13). La fonction de production des agences est très contrainte, du fait de problèmes techniques, tels que l’imperfection des données d’entreprises, et aussi de ressources limitées. Ces deux handicaps pèsent sur la capacité des agences à forger les outils adéquats. Qui plus est, le débat court toujours sur le type d’information à produire pour répondre à la demande. Des indicateurs retraçant l’impact des principaux critères ESG sur la performance financière à l’intention d’investisseurs opportunistes? Des évaluations de rentabilité collective destinées aux investisseurs altruistes? Cette diversité fait de la notation extra‐financière une industrie à la recherche de son business model. (articles 11 à 13).
En conclusion, si les imperfections d’information sont omniprésentes dans la sphère extra‐financière, les marchés de l’information qui se mettent en place (agences, consultants…) n’en sont pas exempts. Une professionnalisation de l’information extra‐financière apparait donc aujourd’hui nécessaire pour conserver à l’ISR la confiance que les investisseurs lui ont marqué durant la crise financière. Tenir compte des critiques (article 14) est un premier pas pour que la notation extra‐financière contribue à relier les comportements d’aujourd’hui et les choix de demain (Jean Pisani‐Ferry, article 15).
Entretien avec Nicole Notat, Présidente de Vigeo, agence de notation extra‐financière
Martine Perbet (MP): Vous avez été pendant dix ans secrétaire générale de la Confédération française démocratique du travail (CFDT) puis, en 2002, vous prenez la Présidence de Vigeo. Comment passe-t-on du syndicalisme à la notation « extra financière » des entreprises? Les termes en couleurs dans l’interview renvoient aux moments clefs du système de notation de Vigeo. On les retrouve dans l’encadré ci‐après sur le modèle de Vigeo.
Nicole Notat (NN): Je souhaitais engager un autre projet professionnel après ma responsabilité syndicale, la question s’est donc posée de la définition de ce projet. Je l’ai progressivement pensé, construit et conçu sur la base d’un constat, déjà patent au début des années 2000: dans la mondialisation ambiante l’entreprise est de plus en plus interpellée sur ses résultats financiers, mais aussi sur les conditions dans lesquelles elle participe, positivement ou négativement, aux enjeux sociaux et environnementaux qui se posent au niveau de la planète.
Ce mouvement serait irréversible, les entreprises seraient de plus en plus, tenues de rendre compte de leur responsabilité sociale (RSE). Il conviendrait alors de mesurer, d’évaluer – j’utilise sciemment les deux mots – la réalité et la tangibilité de leur engagement. Il y aurait besoin d’un tiers externe indépendant qui vienne authentifier les dires des entreprises. Cette mesure, cette évaluation, intéresserait des investisseurs qui, de plus en plus, regardent l’entreprise à partir de la façon dont elle maîtrise ses externalités, sociales ou environnementales et territoriales, avec l’idée que ces investisseurs voient dans le comportement vertueux de l’entreprise une source de création de valeur durable, d’abord pour elle-même, puis pour leur placement. C’était là l’amorce – à l’époque, ce n’étaient que des signaux faibles – de comportements, y compris financiers, qui étaient en train d’évoluer quant à la manière de lire et d’arbitrer les investissements.
MP : La notation extra-financière suscite beaucoup d’intérêt mais aussi beaucoup d’interrogations. Qui a avantage à ces notations et sur quel marché s’échangent-elles? Qui produit quoi et pour quel destinataire ? Comment sont définies, objectivées et évaluées les bonnes pratiques que doivent viser les entreprises?
NN : À quoi sert le travail de Vigeo et à qui s’adresse-t-il? Nos recherches sont orientées directement vers des investisseurs, ou des gérants d’actifs, puisque nous analysons des multinationales européennes, américaines et asiatiques cotées en bourse (1.700 entreprises sous revue actuellement). Nous leur vendons le résultat de notre recherche, à charge pour eux de déterminer par la suite l’usage qu’ils en feront et la manière dont elle impactera la sélection de leurs placements.
Au nom de quoi évaluons-nous l’entreprise? Sur quels critères et sur quel référentiel? En quoi ce dernier est-il légitime? Dans le domaine des critères dits extrafinanciers, c’est-à-dire des critères sociaux, environnementaux, de gouvernance (critères ESG), il n’existe aujourd’hui, aucune norme qui puisse nous guider sur la manière d’utiliser et de structurer un référentiel. Il a fallu innover. Pour prétendre évaluer une entreprise, mesurer un degré d’engagement sur un objectif donné, il était nécessaire de déterminer les critères à partir desquels nous allions observer si l’entreprise avait des politiques, si elle avait des dispositifs qui garantissent le déploiement de ces politiques et à quel résultat elle parvenait. Les multinationales agissant dans le monde entier, il fallait des critères qui fassent consensus au niveau de la communauté internationale. Le référentiel de départ a donc été construit à partir de la soft law internationale, c’est-à-dire les conventions, les principes directeurs, les résolutions de l’Organisation internationale du travail (OIT), de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), de l’Organisation des Nations unies (ONU), de l’OCDE, bref, de toutes ces institutions internationales qui élaborent, avec les parties prenantes, gouvernements, syndicats, employeurs, etc. des recommandations et des principes, des normes. Ce référentiel comprend six domaines d’évaluation, contenant les critères (une quarantaine) à partir desquels les entreprises sont évaluées. Le premier domaine, par exemple, correspond aux droits fondamentaux établis par l’OIT. Ces derniers s’imposent à l’entreprise, même si le pays dans lequel elle intervient n’a pas ratifiée la convention. C’est donc au niveau international qui s’établissent des principes que, sans être de la hard law, permettent d’interpeller l’entreprise si elle ne les respecte pas. Parmi ces droits fondamentaux se trouve la question du travail des enfants et des prisonniers ainsi que celle de la non-discrimination.
MP : Très concrètement, sur l’âge des enfants par exemple, quels sont vos textes de référence? Comment faites-vous pour tenir compte du contexte local? Travailler à 13 ans n’a pas la même signification en Chine, en Inde que dans un pays développé.
NN : Le principe de base est qu’en dessous de 15 ans pour les pires formes du travail, selon le texte de l’OIT, l’enfant ne doit pas être placé en situation de travail. Le travail artisanal, familial, n’est pas visé, au contraire du travail des enfants pour les multinationales. La responsabilité de l’entreprise à respecter ce principe s’étend aussi à ses fournisseurs. Si un fournisseur local, en Chine par exemple, fait travailler des enfants, et que cette pratique est révélée, la multinationale qui a eu recours à lui est directement visée et atteinte dans sa réputation Nous sommes dans le cadre d’un élargissement des responsabilités des entreprises. Celles-ci l’ont compris et rares sont par exemple les distributeurs qui ne mette en place des dispositifs de prévention du risque fournisseur.
Tout cela est très « normé », nous n’avons pas de souci pour identifier ce dont il s’agit, les entreprises non plus d’ailleurs car elles sont maintenant très imprégnées de ces sujets. En pratique, pour évaluer la pertinence de la politique de l’entreprise en la matière, cette dernière doit nous prouver que son objectif (prohiber le travail des enfants) est visible, c’est-à-dire qu’il est diffusé à l’intérieur de l’entreprise, qu’il est exhaustif, c’est-à-dire que son contenu reprend bien tout ce qui est attendu de l’entreprise dans la convention internationale, et qu’il est porté, c’est-à-dire qu’il est pris en charge par le management au sein du groupe puis par des opérationnels.
Une fois défini le référentiel, il fallait construire une méthode d’analyse. L’information spécifique sur chaque entreprise est déterminante. C’est notre matière première. L’enjeu est alors pour nous de collecter une masse critique d’information, émanant de plusieurs sources d’information. De l’entreprise évidemment, mais aussi celles publiées par diverses parties prenantes, les médias, les syndicats, des ONG, Concernant l’entreprise, encore faut-il que l’information existe en son sein et que celle-ci ait donc mis en place des dispositifs de reporting ESG au niveau mondial, au même titre qu’il existe des reporting financiers, ce qui est loin d’être le cas – les entreprises sont seulement en train de les construire– la disponibilité d’information est un indicateur pertinent pour apprécier le degré de maturité de l’entreprise
A partir de cette information, un score est attribué à chacun des items – visibilité, portage et exhaustivité –, puis les trois notes sont agrégées pour attribuer une note de 0 à 100 sur la pertinence de la politique considérée. Le degré de déploiement de cette politique et les résultats obtenus par celle-ci seront évalués en suivant une démarche similaire. Les trois notes permettent alors d’attribuer une note au critère (pour plus de détail sur le processus de rating se reporter à l’encadré ci-après, ndlr).
MP : Comment procédez-vous pour objectiver les évaluations relatives à des critères plus « mous » comme, par exemple, l’action de l’entreprise sur le développement des territoires?
NN : La question est de savoir comment l’entreprise participe au développement local, permet que le territoire, ou le pays, dans lequel elle intervient profite de sa présence en terme d’emplois directs et indirects, en terme de contribution à des politiques locales. Pour une firme qui produit des biens de consommation on s’interrogera sur l’accessibilité de ces produits pour la population locale. Un bon exemple est, typiquement, la création par Danone de yaourts-nutriments pour le Bangladesh (cf. ci-dessous).
Un autre cas, encore, est celui d’une entreprise qui est amenée à réduire ses effectifs, voire à fermer une usine, ce que nous apprécierons sera la capacité de l’entreprise à compenser les emplois perdus par d’autres activités sur le site et à accompagner les salariés concernés vers un autre emploi, la responsabilité de l’entreprise ne se limite pas au respect du minimum légal et local, où qu’elle se situe dans le monde, elle vise à réduire au mieux les conséquences négatives de ses choix et de ses actes sur ses parties prenantes concernées.
MP : La société civile est réceptive à la prise en compte des aspects extra-financiers de l’activité des entreprises, tels que celui que vous venez d’évoquer. Pour autant, tout ceci apparait vraiment complexe et pas toujours très lisible. Pour améliorer les choses, ne pourrait-on progresser vers des référentiels communs en matière de RSE? La question d’un référentiel européen est en débat, qu’en pensez-vous?
NN : Il est souhaitable de donner un contenu précis aux objectifs de responsabilité sociale sur lesquels les entreprises sont attendues. Ce cadre n’est pas à inventer. Les conventions internationales, les principes directeurs de l’OCDE, des directives et conventions européennes constituent un cadre pertinent de portée internationale. L’Europe pourrait rapidement en faire le cadre de référence pour l’ensemble des multinationales européennes. Ce référentiel international devra ensuite être complété au fur et à mesure que de nouveaux enjeux ESG apparaissent.
MP : En aval des référentiels, il y a les modèles, les méthodes, qui sont les sources de l’information agrégée. La transparence devient alors problématique: rendre publiques (peu ou prou) les méthodes accroit l’expertise collective…. mais fragilise les agences dont elles constituent le patrimoine immatériel. Par comparaison avec les agences de notation financières qui ont des cadres plus normés, progresse-t-on sur ce sujet en ce moment?
MP : En aval des référentiels, il y a les modèles, les méthodes, qui sont les sources de l’information agrégée. La transparence devient alors problématique: rendre publiques (peu ou prou) les méthodes accroit l’expertise collective…. mais fragilise les agences dont elles constituent le patrimoine immatériel. Par comparaison avec les agences de notation financières qui ont des cadres plus normés, progresse-t-on sur ce sujet en ce moment?
NN : Je ne sais pas si les méthodes employées par Standard & Poor’s, Moodys et Fitch Rating, qui attribuent les fameux AAA, BB, etc., sont si bien connues. Par contre, ce qui est normé pour une entreprise dans le processus de reddition des comptes, c’est la manière de rendre compte via des normes, telles les normes IFRS. La note financière renseigne sur la solvabilité d’une entreprise et sa capacité à rembourser son crédit mais la transparence des méthodes reste un sujet sur lequel des progrès sont attendus.
MP : Effectivement, et la notation des produits subprimes l’a bien montré. Mais justement, n’est-ce pas là un signal qui devrait inciter chaque agence à confronter son modèle aux autres modèles, ceci dans la mesure du possible?
NN : Nous concernant, l’enjeu de la transparence nous est apparu décisif pour donner à notre activité, sa pleine reconnaissance et toute sa légitimité. Si vous regardez sur notre site, vous verrez qu’on en dit beaucoup. On présente tous nos critères, on décrit la méthode (cf. encadré ci-avant, ndlr). Une méthode conçue pour garantir l’égalité de traitement entre toutes les entreprises: un cadre structuré, normé, avec un contrôle de qualité par ailleurs, fait que plusieurs analystes travaillant au sein de Vigeo réalisent l’analyse de l’entreprise selon les mêmes méthodes et doivent aboutir in fine quasiment au même résultat. S’agissant de transparence il faut distinguer la transparence publique – c’est ce qu’on a sur le site – et la transparence devant nos clients qui doit être totale
MP : À partir de la base de données, peuvent-ils reproduire vos modèles?
NN : Ils pourraient les reproduire directement mais cela nécessiterait un tel investissement qu’ils ont recours à des fournisseurs de données et de recherche, mais évidemment, il leur appartient de définir leur propre méthode d’agrégation et de pondération des données que nous leur fournissons.
MP : Y-a-t-il place pour des approches un peu différentes, en relation avec des demandes spécifiques d’investisseurs?
NN : Oui, il existe plusieurs approches et plusieurs techniques d’investissement socialement responsable le best in class, en sélectionne les entreprises qui présentaient les meilleurs résultats dans un secteur donné. Certains investissent sur de nouveaux segments d’activités « dites vertes » ou s’attachent à promouvoir des entreprises qui ont de bons comportements sur le plan environnemental ou sur les droits de l’homme. Certains sont sensibles aux « controverses » que connaissent les l’entreprises, ce qui, de mon point de vue, est une approche superficielle de l’investissement responsable si elle se limite à ce seul critère.
Des investisseurs peuvent également choisir de ne pas investir dans des sociétés aux activités dites « controversées » du type alcool, nucléaire, tabac… ou qui s’implantent dans des pays où les violations des droits de l’homme sont avérées. Par exemple, Total, en Birmanie, a suscité à cet égard une controverse très médiatisée (cf. encadré 3 de l’article 7, ndlr).
On peut avoir un débat, sur la tendance à réduire les indicateurs de RSE à quelques indicateurs de résultat la diminution de la production de CO2 d’une entreprise dans un secteur donné est à l’évidence un indicateur pertinent à produire. Mais est-ce que cela résume l’engagement de l’entreprise au regard de l’enjeu environnemental? La réponse est alors négative. On voit bien qu’il y a là un choix d’investisseur: c’est à lui de savoir quel indicateur il veut privilégier parmi ceux qu’on lui fournit pour faire son propre choix d’investissement.
MP : Les agences pourraient ainsi produire des notations à la carte?
NN : Nos bases de données et notre recherche permettent aux praticiens de l’ISR de s’en servir selon leur propre représentation de leur responsabilité d’investisseur socialement responsable. Certains par exemple, mettront prioritairement l’accent sur la performance en matière de droits de l’homme et de gestion des ressources humaines, d’autres sur la qualité de la gouvernance et d’autres prendront en compte l’ensemble des facteurs du référentiel. Peu importe, le point crucial est que le destinataire de la notation comprenne bien ce qu’il convient de faire dire à la notation ou de ne pas lui faire dire. Ceci posé, il me semble de bon augure que chacun s’approprie le concept et dise comment il va le mettre en pratique d’investissement
MP : Quels sont vos souhaits pour l’avenir?
NN : Que la crise nous aide à nous convaincre qu’il est temps de regarder l’entreprise, certes dans sa capacité à rémunérer ses actionnaires, mais aussi dans sa capacité à être attentive aux autres parties prenantes, ses salariés, les territoires, etc. C’est le grand sujet de la responsabilité sociale et de l’investissement responsable.
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The specifications of the assessment 6 - FILE: Rating = assessment? - Vol.3, "The non-financial rating."
Number 6 of the Journal of the extra-financial (or ethical rating) is part of an overall reflection on the rating seen as a cure for the common information asymmetries in the modern economy. Our daily life is increasingly imbued with these rating mechanisms (4, "From Michelin eBay"). They also enter the sphere of business to business, up to a systemic dimension to the world (No. 5, "The financial rating") and create a movement control in the United States and the European Union . Number 6 deals, like its predecessor, but the ratings of companies, from the perspective this time of corporate social responsibility. How to measure and deduce a "note" to guide the selection of socially responsible investors? Nicole Notat, President of Vigeo, a leader in the non-financial rating in Europe, talks about this subject. More...