40ème anniversaire de la loi de 1971
Par Paul Santelmann, Responsable de la Prospective à l’AFPA. Le 16 juillet 1971 était promulguée ce que les sans-mémoire présentent comme la loi fondatrice du système de formation professionnelle continue français. Le principal acte fondateur de l’époque c’est l’accord interprofessionnel du 9 Juillet 1970 qui marque une mobilisation tardive des partenaires sociaux sur un sujet jusqu’alors pris avec des pincettes par le mouvement syndical… En fait les lois de 1958 et de 1966 avaient déjà balisé le champ administratif et réglementaire de cet objet insaisissable qu’est la formation des adultes. Le caractère novateur de cette succession de lois est également à relativiser quand on sait que la loi de 1966 fut largement inspirée par la loi ASTIER de 1919 qui traitait de l’apprentissage !
Or l’option consistant à faire engranger des savoirs détachés des processus de changements du travail salarié procédait d’une conception trop académique de la formation professionnelle. Dans les années 80, la nécessaire massification du secondaire et du supérieur sera conduite avec le même biais réducteur. En fait, le diagnostic qui sous-tendait la loi de 1971 était plutôt pertinent (après des décennies de malthusianisme éducatif) mais il occultait deux éléments essentiels : les conditions d’engagement des acteurs de l’entreprise dans la modernisation des techniques et des organisations (ce qui sera soulevé par le mouvement autogestionnaire des années 70) et l’instrumentation des organismes de formation professionnelle supposés accompagner ces modernisations. En mettant en place une obligation de financement du système de FPC la loi va, au contraire, déresponsabiliser les entreprises en matière de conduite du changement et surtout de lien entre formation et modernisation. Par ailleurs, en créant un marché administré la loi va promouvoir un type d’organisme de formation étranger aux questions d’organisation du travail mais par contre très proche du modèle scolaire tout en étant principalement préoccupé par la rentabilisation de son activité.
Ce choix sera d’autant plus malencontreux qu’existait depuis l’après-guerre une forte proximité entre l’analyse des organisations et des techniques et les pratiques de nombreux organismes comme le CNAM, l’AFPA ou la CEGOS ! Les réflexions issues de l’éducation populaire confortaient également la nécessité d’une approche renouvelée de la formation : « (…) aujourd’hui, l’éducation scolaire, dans notre société qui change, est en crise permanente : même réformée, elle ne peut résoudre tous les problèmes de l’éducation. Les cadres de l’école, dans tous les ordres d’enseignement, devront craquer pour réaliser l’éducation permanente. »[CACERES (Benigno), Histoire de l’éducation populaire, Paris, éditions du Seuil, 1964, page 170]. Une des convergences fortes qui caractérisaient tous ces organismes reposait sur la conviction que les transformations du travail n’étaient pas opposables aux finalités de développement de l’Homme et aux objectifs promotionnels.