Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Formation Continue du Supérieur
24 novembre 2019

La frontière-ligne

Accueil - Vie PubliqueIl s’agit de tracer la ligne nette et précise séparant deux espaces territoriaux sur lesquels s’exercent des souverainetés distinctes. La Cour internationale de justice (CIJ) a rappelé ce principe dans la fameuse affaire du temple de Préah-Vihéar jugée le 15 juin 1962.
Pour dessiner cette ligne, une sédentarisation des peuples semble a priori requise. La spécificité du nomadisme doit alors être relativisée, puisque celui-ci est pratiqué dans un espace certes vaste mais jamais illimité. La revendication du nomadisme apparaît davantage comme celle d’un ample espace que celle d’un espace indéfini. Actuellement, certains Touaregs au Mali ne voient pas de contradiction entre pratique du nomadisme et revendication d’autodétermination et d’indépendance.
Quoi qu’il en soit, le processus de fixation de la frontière peut s’échelonner sur de nombreuses années. La délimitation de la frontière entre les États-Unis et le Canada, par exemple, a débuté en 1783 pour s’achever en 1910.
Il s’agit d’une opération juridique complexe, supposant trois étapes.
  • La préparation, tout d’abord, consiste à fixer les grandes orientations au cours d’un débat politique puis technique afin d’adapter les principes directeurs à la géographie locale.
  • La décision, ensuite, se traduit par un traçage sur plan d’une ligne séparant les territoires. Il peut être contenu dans le traité même, ou résulter d’un procédé indépendant (arbitrage).
  • Enfin, la démarcation donne lieu à une opération matérielle d’abornement sur le terrain.
Aucune règle de droit international ne précise quelles frontières doit avoir un État objectivement. Le choix des frontières, sans être arbitraire, est largement artificiel. Elles sont généralement fixées dans des dispositions conventionnelles, négociées entre les États limitrophes sur la base de considérations de nature avant tout opportuniste.
Elles peuvent aussi résulter de sentences arbitrales ou de décisions juridictionnelles opérées depuis 1945 par la CIJ, organe des Nations Unies dont le siège est situé à La Haye. Chaque puissance concernée dresse, à l’occasion des négociations, un catalogue des différents éléments d’ordre géographique, ethnographique, économique, stratégique ou autres pouvant guider le choix de la ligne divisoire.
  • La "frontière naturelle", c’est-à-dire celle qui coïncide avec un obstacle naturel – thalweg, ligne de crêtes, configuration des côtes, ligne du partage des eaux –, revêt une certaine légitimité mais n’est nullement une exigence juridique. Le principe du plébiscite peut également constituer un élément objectif important. La prise en compte des "besoins des populations" est aussi l’un des éléments actuels d’analyse de la CIJ. En cas de succession d’États – accession à l’indépendance ou dissolution d’un État fédéral –, les parties peuvent aussi choisir une règle générale telle que l’uti possidetis juris, c’est-à-dire le statu quo des frontières antérieures, de nos jours consacré en "principe général" par le droit international. La frontière ne se réduit cependant pas à un tracé sur le sol. Non seulement terrestre, elle peut aussi être maritime, aérienne ou spatiale.
  • Les frontières maritimes soulèvent des enjeux de ressources qui tendent à effacer peu à peu l’antique principe de la "liberté des mers" énoncé au XVIIe siècle par le juriste Grotius. La convention de Montego Bay de 1982 fixe actuellement la mer territoriale à 12 milles marins à partir des "lignes de base". L’État y exerce la souveraineté sous réserve du droit de "passage inoffensif" des navires étrangers. À celle-ci s’ajoute le plateau continental – fonds marins et leur sous-sol – sur toute l’étendue du prolongement naturel du territoire terrestre de l’État. Cependant, si ce plateau dépasse 200 milles, une extension n’est possible qu’après autorisation d’une commission d’experts. Enfin, une zone économique exclusive (ZEE) est située au-delà de la mer territoriale, adjacente à celle-ci et comprenant fonds marins, sous-sol et eaux adjacentes. Sa limite est fixée à 200 milles marins. Cette ligne extrême sépare le "territoire national" d’avec la haute mer qui relève de l’espace international. On comprend que les îles puissent devenir l’objet de riches contentieux, offrant des zones maritimes importantes – un minimum de 200 milles marins de rayon. Toutefois, entre États limitrophes, les eaux sont délimitées en principe par la règle de l’équidistance tempérée par la prise en compte des "circonstances spéciales" et l’absence de disproportion entre les zones attribuées à chaque État. L’équité est un facteur important.
  • La question de la frontière aérienne est évidemment beaucoup plus récente (conférence de Paris, 1919). Conformément à la convention de Montego Bay, tout État dispose d’une souveraineté complète et exclusive sur l’espace aérien surplombant son territoire terrestre et maritime, sans pouvoir user pour autant de n’importe quel moyen pour la faire respecter. Le protocole additionnel du 10 mai 1984 à la convention de Chicago de 1944 précise l’interdiction "de recourir à l’emploi des armes contre des aéronefs civils".
  • À partir des années 1950 s’est posée la question du statut de l’espace extra-atmosphérique. Les principes posés par le Traité sur les principes régissant les activités des États en matière d’exploration et d’utilisation de l’espace extra-atmosphérique, y compris la Lune et les autres corps célestes, conclu le 27 janvier 1967 (dit "Traité de l’espace"), ont pris valeur de règles coutumières et consacrent un espace international sans frontière ni souveraineté, ainsi qu’un libre accès. Ces éléments de base ont été remis en cause par un petit nombre d’États dont le territoire terrestre est traversé par l’équateur. Ils ont prétendu, sans succès, exercer une maîtrise sur l’accès à l’"orbite géostationnaire" à la verticale de leur territoire, espérant tirer des avantages pécuniaires. La question de la frontière entre espace aérien – national – et espace extra-atmosphérique – international – revêt donc une importance pratique. L’État du droit n’est pas encore arrêté sur cette question, mais devra être précisé à mesure que les activités aéronautiques et cosmonautiques tendront techniquement à se confondre. Plus...
Commentaires
Newsletter
49 abonnés
Visiteurs
Depuis la création 2 783 885
Formation Continue du Supérieur
Archives