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Formation Continue du Supérieur
31 décembre 2018

Les bases de Bologne - Grèce : La cristallisation des oppositions contre la réforme universitaire

Screenshot-2018-4-21 Journal de mise en ligne - ESR enseignementsup-recherche gouv frSi la Grèce fait partie des 27 signataires de la Déclaration de Bologne en 1999, la mise en œuvre des réformes dès l’année suivante n’a pas généré un grand enthousiasme dans le pays. Des obstacles et un contexte défavorable ont contribué à rendre le processus de Bologne impopulaire, générant une escalade de tensions autour de la politique éducative.
Les deux partis majoritaires jusqu’en 2009 ont tenté d’appliquer les engagements de Bologne, avec l’objectif de moderniser l’enseignement supérieur et d’en améliorer la qualité. Le besoin d’une réforme profonde de l’université est récurrent depuis les années 1980. Depuis 1982, la loi confère aux syndicats étudiants un poids important dans l’élection des recteurs. En dépit de nombreux amendements pour changer la situation, les négociations d’avantages personnels en échange de soutiens politiques entre les représentants étudiants et les candidats font polémique ; les établissements peinent à s’adapter au nombre croissant d’étudiants ; la dispendieuse dispersion géographique des campus a contribué à une demande générale de refonte du système. Le processus de Bologne a donc d’abord été vu comme l’opportunité de réformer l’université et d’en corriger les dysfonctionnements. Mais dès la signature de la Déclaration, le projet s’est révélé inadapté aux attentes de la société, les priorités nationales ne trouvant pas les réponses espérées. La politique éducative grecque devient rapidement très controversée, tout essai de réforme se soldant par des manifestations massives. Un front de contestation émerge au-delà de l’université, autour d’un discours mêlant une opposition tacite à l’Europe et le refus d’un « nouveau mode de vie imposé de l’extérieur » de connotation néo-libérale.
En avril 2006, une proposition de loi sur le fonctionnement et la gouvernance des universités génère des protestations qui s’intensifient en 2007, lors de la rédaction d’un amendement constitutionnel permettant le développement des établissements privés. Dans la lignée de l’escalade des contestations étudiantes, 60% de la population grecque se montre défavorable au projet de réforme, finalement abandonné.
Les critiques du processus de Bologne en Grèce se sont focalisées tant sur l’orientation de la Déclaration que sur ses objectifs concrets, tels que la mise en place des cycles d’études harmonisés ou du système de crédits. Le processus de Bologne est vu comme l’asservissement de l’enseignement supérieur aux lois du marché, érodant la nature publique de l’éducation. En effet, la Constitution de 1975 pose comme obligation étatique non seulement le financement de l’enseignement supérieur et son accès gratuit pour tous, mais aussi la stricte régulation de l’offre privée. Couplée aux liens qu’établit Bologne entre enseignement supérieur, employabilité et compétitivité, la proposition de 2007 qui entendait faire face à la saturation des établissements par le développement du secteur privé est massivement rejetée, au nom de la préservation du modèle éducatif détaché des intérêts économiques.
Face à ces hostilités, les gouvernements successifs ont difficilement pu répondre aux engagements de Bologne. La structure des diplômes du supérieur demeure inchangée. L’harmonisation des cycles d’études a fait face à des réticences : la fragmentation des cursus en deux cycles et les parcours d’études construits par rapport à l’employabilité des diplômés sont vus par l’Académie grecque comme une atteinte à l’acquisition de la connaissance pour elle-même. La volonté de lier davantage les formations aux besoins du marché du travail n’a pas été concluante, et les instituts universitaires de formation continue, créés par une loi de 2005, n’ont pas pu voir le jour. Si les ECTS et le supplément au diplôme ont été introduits, ils demeurent délivrés très inégalement selon les départements universitaires.
Après de nombreux essais et de très fortes réactions au nom de l’autonomie universitaire, une Agence pour l’assurance qualité a été créée et acceptée partiellement par les universités.
La politique éducative s’est finalement retrouvée prise dans un dilemme entre une tradition associant l’identité grecque au secteur public, et un « projet modernisateur » européen, perçu comme imposé de l’extérieur. La crise financière actuelle a laissé en suspens la transformation de l’université grecque.
Sources :
Anna Triandafylliou, Ayhan Kaya, Ayşe Tecmen, Hara Kouki and Martina Topić. “Bologna Process as modernisation and Europeanisation”. Identities and modernities in Europe, Decembre 2011.
Dimitris Mattheous. “Running the gauntlet: the Bologna Process in Greece”. University of Athens. Plus...
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