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Formation Continue du Supérieur
5 avril 2013

L'autonomie des universités depuis la loi LRU: le big-bang à l'heure du bilan

http://www.senat.fr/fileadmin/templates/images/data/logo.pngRapport d'information n° 446 (2012-2013) de Mme Dominique GILLOT et M. Ambroise DUPONT, fait au nom de la commission pour le contrôle de l'application des lois, déposé le 26 mars 2013. Disponible au format PDF.
SYNTHÈSE

La loi n° 2007-1199 du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités, dite « loi LRU », a permis, au sein des établissements autonomes:
- une mise en exergue de l'importance des fonctions support de pilotage budgétaire et financier et de gestion prospective;
- une ouverture sur le monde professionnel et économique et un ancrage dans l'environnement socioprofessionnel du territoire, qui se sont traduits par un renforcement du caractère professionnalisant des diplômes et des coopérations dans le domaine financier (mécénat, fondations...);
- des mécanismes et des équilibres de gouvernance adaptés en fonction des situations locales, et la création d'instances de concertation, afin de renforcer la collégialité, dans un souci d'associer l'ensemble de la communauté d'établissement à l'élaboration du projet stratégique de l'université;
- l'évaluation externe des établissements par une agence indépendante et l'évaluation individuelle périodique des enseignants-chercheurs, principes qui progressent, malgré des conditions d'application problématiques.
En revanche, la mise en oeuvre de la réforme de l'autonomie s'est heurtée à plusieurs difficultés qui ont affecté durablement la confiance des personnels et des usagers dans la progression de la qualité du service public de l'enseignement supérieur et de la recherche:
- l'absence d'évaluation réelle du transfert de charges et de moyens aux universités, au moment de leur passage aux « responsabilités et compétences élargies », a pesé lourdement sur leurs perspectives budgétaires. L'absence d'un référentiel de gestion clairement défini au niveau national et les insuffisances du modèle de financement récurrent « SYMPA » montrent une part de responsabilité évidente de l'État dans l'incapacité des universités à assumer leurs nouvelles responsabilités dans des conditions optimales;
- la réforme de l'autonomie n'a pas permis encore de répondre au manque d'unité et de cohérence entre les secteurs respectifs de l'enseignement et de la recherche, d'où des dualités persistantes universités/grandes écoles et universités/organismes de recherche;
- l'université peine encore à s'imposer comme une voie de formation d'excellence. Elle encore est trop souvent un choix par défaut pour des milliers de bacheliers qui ont échoué dans l'accès aux filières sélectives;
- la réussite en premier cycle et l'amélioration des conditions de vie et d'apprentissage des étudiants sont restés les parents pauvres de la mise en oeuvre de la loi LRU. Les progrès constatés dans ces domaines sont surtout le fait de bonnes volontés locales.
INTRODUCTION

La course à l'innovation académique, pédagogique et scientifique est une conséquence directe de l'intensification de la concurrence internationale dans les domaines de l'enseignement supérieur et de la recherche. L'heure est à la conquête de l'excellence et la pression de classements internationaux n'y est sans doute pas étrangère. Ceux-ci ne manquent pas de célébrer les vertus des modèles éducatifs de tradition anglo-saxonne fondés sur une gouvernance partenariale, voire entrepreneuriale, qui entend mettre en miroir les potentialités humaines de l'université (enseignants, chercheurs et étudiants) avec les besoins de son environnement socio-économique, qu'il soit immédiatement territorial, ou plus largement national et international.
La très grande majorité des pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) est désormais convaincue que les performances et l'attractivité de ses établissements d'enseignement supérieur sont fonction du niveau d'autonomie qui leur est concédée dans la définition de leur propre politique de formation et de recherche. Dans une résolution en date du 23 novembre 2007, le Conseil de l'Union européenne invitait les États membres de l'Espace européen de l'enseignement supérieur à « promouvoir l'excellence dans l'enseignement supérieur et la recherche en mettant en place des établissements capables de rivaliser à l'échelle internationale et de contribuer à attirer en Europe les meilleurs talents en dotant ces établissements de l'autonomie nécessaire pour développer tout leur potentiel ». Le professeur Jean-Marc Rapp, président de l'Association européenne des universités (European University Association - EUA), déclarait, en 2011, que « bien que l'autonomie ne soit pas un objectif en soi, elle est une condition préalable vitale pour le succès des universités européennes ».
Le Conseil européen de Lisbonne des 23 et 24 mars 2000 a constitué le point de départ d'une série de réformes des systèmes d'enseignement supérieur en Europe destinées à faire de l'université un acteur incontournable de la compétitivité européenne dans l'économie de la connaissance. Au cours de la décennie 2000, un train puissant de mesures a laissé peu de répit au monde universitaire dans la mise en oeuvre de nouveaux modèles de coopération scientifique et de fonctionnement interne tendant à renforcer les synergies entre les établissements d'enseignement supérieur, l'économie de la connaissance et le monde du travail:
- la consécration, en 2002, d'une nouvelle architecture des études supérieures fondée sur les trois niveaux de qualification licence-master-doctorat (LMD), dans le cadre de la mise en place de l'Espace européen de l'enseignement supérieur;
- le renforcement du lien entre l'université et la recherche et le lancement, à partir de 2006, d'une dynamique de regroupements universitaires par la constitution de pôles de coopération scientifique représentant une masse critique et misant sur la complémentarité des talents, la solidarité territoriale et la mutualisation des moyens des équipes, afin d'améliorer la compétitivité de nos établissements dans le cadre des appels d'offre nationaux, européens et internationaux, dans le cadre du « Pacte pour la recherche »;
- la mise en oeuvre, à partir de 2007, du principe d'autonomie budgétaire et financière des universités, en particulier dans la gestion de leurs personnels, dans le cadre des responsabilités et compétences élargies (RCE);
- l'amélioration de la qualité de l'encadrement et du suivi des élèves en licence, dans le cadre d'un plan « Réussite en licence », le renforcement des moyens immobiliers et du rayonnement international des campus universitaires ainsi que des capacités des équipes de recherche, dans le cadre de l'opération Campus et du programme des investissements d'avenir du grand emprunt.
L'université, dans sa configuration héritée de la loi du 12 novembre 1968, dite « loi Faure », modifiée par la loi du 26 janvier 1984, dite « loi Savary », devait, traditionnellement, composer avec une multiplicité de légitimités internes, parfois concurrentes: celle du président et des différents conseils élus de l'établissement, d'une part, et celle des directeurs de composante (laboratoires, unités mixtes de recherche - UMR -, unités de formation et de recherche - UFR -, écoles et instituts...), d'autre part. Or, dans un rapport de 2005, la Cour des comptes regrettait l'absence, au sein des universités, d'une gouvernance opérationnelle en mesure de définir et de mettre en oeuvre un projet global d'établissement mettant en cohérence l'ensemble de leurs activités de formation et de recherche avec les moyens disponibles.
L'adoption, dès le début du précédent quinquennat, de la loi n° 2007-1199 du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités, dite « loi LRU », avait pour objectif d'introduire au sein du système d'enseignement supérieur français un nouveau paradigme : libérer la capacité d'innovation des établissements dans l'élaboration d'une politique de formation et de recherche qui leur soit propre, tout en les responsabilisant dans le financement et la gestion de leurs activités. Les universités devaient ainsi disposer d'un cadre de gouvernance rénové, moderne et efficient, de compétences renforcées et de moyens accrus, fongibles, leur permettant de porter une stratégie globale cohérente qui articulerait efficacement leurs missions d'enseignement et de recherche.
La « valeur ajoutée » de la loi LRU devait résider dans une meilleure adaptabilité du projet de chaque établissement aux besoins de formation et de recherche de son territoire et aux moyens disponibles, en même temps qu'aux exigences de la concurrence nationale et internationale. Elle postulait une optimisation de l'utilisation de l'ensemble des ressources (humaines, budgétaires et patrimoniales) dans le cadre d'un budget global. Elle supposait un examen prospectif systématique de la soutenabilité des projets portés par les équipes de direction (de l'université comme de chaque composante), responsabilisées dans l'emploi de leurs moyens.
Il s'agissait d'objectifs particulièrement ambitieux assignés à des universités qui, en 2007, n'avaient, sans offenser personne, aucune culture de la gouvernance opérationnelle, de la gestion prospective et du pilotage budgétaire et financier. L'autonomie « facultaire », héritée de 1968, et l'attachement des enseignants-chercheurs aux garanties de leur indépendance ont dû, alors, se conjuguer avec les nouvelles « responsabilités et compétences élargies » (RCE) consenties aux organes dirigeants de l'université. Comparable pour partie aux effets de la décentralisation, le changement de paradigme induit par la loi LRU devait induire un rapport renouvelé des universités avec l'État, avec une mise en exergue de l'importance des fonctions support (pilotage budgétaire et financier) dans le fonctionnement quotidien des universités.
Le 17 octobre 2012, la commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois a confié à vos rapporteurs une mission d'évaluation de la mise en oeuvre de la loi LRU, cinq ans après son entrée en vigueur, afin de recenser, tout autant que les avancées, les difficultés rencontrées par la communauté universitaire dans la mise en place de la réforme visant à l'autonomie des universités. Force est de constater que la mise en oeuvre de la loi LRU a déclenché un véritable choc culturel au sein du monde universitaire. L'ampleur de ce choc et ses effets, s'ils ont sensiblement varié selon le contexte particulier de chaque établissement, continuent d'animer la communauté universitaire, marquant durablement certains d'entre eux. Parmi les changements et les difficultés les plus notables, vos rapporteurs recensent:
- le transfert, en toutes responsabilités au conseil d'administration de l'université, de la gestion d'un budget global, dans certains cas multiplié par trois voire quatre du fait de l'intégration de la masse salariale;
- le manque d'outils d'analyse rétrospective et l'inadaptation des compétences au sein des fonctions support, tout autant qu'un accompagnement administratif insuffisant des services de l'État;
- l'encouragement politique à accéder aux RCE, même lorsque les items prudentiels de réussite (établis par les audits préalables de l'inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche - IGAENR) n'étaient pas atteints;
- le dangereux optimisme diffusé par les promesses de rééquilibrage financier grâce au système d'allocation des moyens récurrents « SYMPA » et à la prolifération des contrats et surtout le manque de moyens pérennes consacrés à cette réforme ambitieuse au bout de seulement deux ans de mise en oeuvre, qui ont pu créer confusion, difficultés et parfois sidération, alors que les équipes dirigeantes découvraient les contours des responsabilités qui leur étaient transférées.
L'intervention accrue du conseil d'administration dans l'organisation des enseignements tout comme le renforcement de l'évaluation externe se sont heurtés à des résistances internes nombreuses, au sein d'une communauté universitaire et scientifique fortement attachée à son indépendance et habituée de longue date à l'évaluation par ses seuls pairs.
La mise en oeuvre de la loi du 10 août 2007 doit être évaluée à la lumière de son objectif ultime: la réforme a-t-elle effectivement permis de replacer l'université au coeur du système français d'enseignement supérieur et de recherche? La réforme a-t-elle mis de la cohérence au sein de ce système en donnant aux universités les moyens de rivaliser en termes d'excellence aussi bien pédagogique avec les grandes écoles que scientifique avec les organismes de recherche? La réforme a-t-elle rationalisé et optimisé l'utilisation des fonds publics en vertu de ces objectifs et consacré une véritable autonomie (avec son corollaire, la responsabilité) des équipes dirigeantes?
Selon le tableau de bord mis en place en 2011 par l'Association des universités européennes (European University Association) évaluant les performances de 29 systèmes d'enseignement supérieur en Europe en matière d'autonomie, la France demeure, cinq ans après l'adoption de la « loi LRU », dans le dernier tiers du classement: elle pointe aux 23e et 28e rangs respectivement en autonomie financière et en autonomie de gestion des ressources humaines, au 17e rang pour ce qui est de l'autonomie organisationnelle et à la dernière place pour l'autonomie académique.
La mise en oeuvre de la loi du 10 août 2007 a néanmoins permis de conférer au conseil d'administration de l'université et à son président des marges de manoeuvre réelles dans la détermination de sa stratégie de formation et de recherche, le choix de sa participation à un regroupement universitaire, l'organisation des structures académiques internes ou encore la création de fondations universitaires ou partenariales. Pour autant, cette autonomie organisationnelle doit s'exercer conformément à de nombreuses conditions fixées par la loi et déclinées par ses différents textes d'application. En outre, compte tenu des caractéristiques du financement public des universités et des limites de sa fongibilité, de la rigidité de la masse salariale universitaire, de l'encadrement des procédures de recrutement et d'avancement, ainsi que des conditions nationales d'habilitation des programmes d'enseignement et de formation, les marges d'autonomie du système d'enseignement supérieur français en matière financière, académique et de gestion des ressources humaines restent difficilement comparables avec celles dont disposent les universités britanniques, scandinaves ou encore des Länders allemands.
GLOSSAIRE DES SIGLES UTILISÉS DANS LE RAPPORT.
http://www.senat.fr/fileadmin/templates/images/data/logo.png Information Report No. 446 (2012-2013) Ms. Dominique Gillot and M. Ambroise Dupont, on behalf of the Committee for the enforcement of laws, filed March 26, 2013. Available in PDF format.
SUMMARY

Law No. 2007-1199 of 10 August 2007 on local freedoms and responsibilities of universities, called "LRU", has, in autonomous institutions
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