Favoriser les mobilités professionnelles
Rappeler ces banalités n’est pas complètement inutile dans certains débats relatifs au fonctionnement du marché du travail et aux questionnements sur les potentiels d’évolution professionnelle des actifs. Objectivement, en dehors de cas minoritaires, la très grande majorité des personnes ayant été scolarisées jusqu’en 3ème et ayant déjà travaillé peut exercer un très grand nombre de métiers de base différents par le biais des différentes démarches d’apprentissage et de professionnalisation. Pour autant cette potentialité est soumise à des obstacles qui ne tiennent pas aux aptitudes et aux compétences des individus mais à des représentations, des inhibitions, des blocages divers sans évoquer des difficultés matérielles. Plus on descend dans la hiérarchie sociale et professionnelle moins les personnes ont conscience de leurs potentialités au-delà des activités qu’ils exercent ou ont exercé.
Il n’y a pas besoin d’être expert pour comprendre que la priorité des priorités pour favoriser la mobilité des moins qualifiés ce n’est pas seulement la formation mais un travail préalable d’information sur leurs acquis et leurs potentiels et le périmètre d’évolution professionnelle que cette démarche ouvre. Cette prise de conscience nécessite bien plus que des dialogues ou des tests, elle suppose des mises en situation et des preuves tangibles et vérifiables de ces potentiels En fait ces démarches ont deux vertus déterminantes dans le fonctionnement du marché de l’emploi :
* Elles favorisent le dialogue avec le monde du travail et les employeurs en se basant sur une approche pragmatique et opérationnelle des savoirs.
* Elles contribuent à relativiser les représentations qui privilégient une conception des savoirs fondées sur le primat des connaissances théoriques générales (conception qui défavorise les populations qui ont échoué à l’école).
* Elles objectivent les critères liés au comportement professionnel exigé par les entreprises.
Après cette identification des savoir faire des personnes, il est toujours temps de consolider telle ou telle aptitude par l’acquisition de savoirs de base ou techniques.
Or cette étape essentielle du repérage des acquis, dans la conduite des politiques de mobilités professionnelles, est précisément celle qui est en friche depuis plusieurs décennies. Ce qui tient de politique d’orientation professionnelle est une jungle pléthorique ou souvent illisible de prestations liées au seul « projet » professionnel ou au repérage des compétences clef ou transverses sans connexion avec la sphère professionnelle.
Sans ignorer l’existence et la portée des vocations professionnelles précoces, la vie active est d’abord une succession d’opportunités à saisir. Celles-ci dépendent d’abord de la confiance que les individus ont en eux-mêmes et non de prédispositions liées à l’acquisition de compétences transverses ou transférables ! Ces compétences sont présentes chez chacun avec des dosages différents et associées à des acquisitions scolaires, techniques ou expérientielles variables. Elles sont intrinsèques à l’être humain, par contre elles se consolident, se bonifient, se développent en fonction des contextes mais aussi des logiques éducatives qui misent sur les spécialisations étroites ou, au contraire, les poly-compétences ! La première voie mise sur l’hypothèse de plus en plus hasardeuse de l’exercice du même métier toute la vie mais minore la prise de conscience des potentiels des personnes confrontées aux tensions et aux déstabilisations du marché de l’emploi.