Prise de position du Conseil de l’AERES - L’injustifiable suppression de l’AERES
Dans le cadre de l’avant-projet de Loi de l'enseignement supérieur et de la recherche (version du 8 février 2013), le Conseil de l'AERES a tenu à prendre position sur les articles relatifs à l'évaluation, au travers d’un document intitulé « L’injustifiable suppression de l’AERES ».
Rendue publique ce jour, 01/03/2013, cette prise de position exprime les inquiétudes du Conseil de l’AERES concernant le projet de suppression de l’AERES, une mesure radicale jugée « incompréhensible », « paradoxale » mais aussi « très dommageable et fort coûteuse ».
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Le Conseil de l’AERES s’inquiète des articles relatifs à l’évaluation dans l’avant-projet de Loi sur l’enseignement supérieur et la recherche (version du 8 février 2013), qui prévoient la suppression de l’AERES.
Cette mesure radicale serait:
- incompréhensible, dans la mesure où l’AERES, après six ans d’existence, a su construire un dispositif national d’évaluation, impartial, transparent et homogène, et témoigner de sa capacité à faire évoluer ses pratiques et améliorer ses procédures. L’AERES est un facteur de décloisonnement et d’unification de notre système d’enseignement supérieur et de recherche publique fort complexe.
- paradoxale, alors que l’indispensable continuité du service public de l’évaluation est reconnue par l’avant projet de Loi lui‐même, qui prévoit un transfert des biens, droits et obligations, y compris les contrats des personnels, de l’AERES, à une nouvelle instance d’évaluation.
La continuité est essentielle pour conforter la confiance de nos concitoyens quand, dans un contexte économique et social difficile, l’enseignement supérieur et la recherche bénéficient d’un haut niveau de priorité;
- très dommageable et fort coûteuse, puisqu’elle ruinerait le capital accumulé par l’AERES en termes d’expertise en évaluation, de reconnaissance au niveau européen, de notoriété internationale, y compris dans un cadre Nord‐Sud, de notoriété globale grâce au puissant référencement web du nom AERES, capital dont la reconstruction prendrait plusieurs années et coûterait cher. La suppression de l’AERES fragiliserait aussi une culture de l’évaluation qui n’est pas encore fermement implantée dans nos établissements, alors même que l’évaluation est au coeur de l’amélioration de la recherche publique et de l’enseignement supérieur, vecteurs essentiels d’innovation et de compétitivité.
- dangereuse enfin, car elle s’entendrait comme une remise en cause de l’indépendance même de l’évaluation, conséquence inévitable de la suppression d’un organisme dont l’indépendance est précisément la première caractéristique. Le risque serait alors évident: renforcer des pratiques qui affaibliraient la confiance des acteurs nationaux, de nos partenaires européens et des observateurs étrangers, dans notre capacité à effectuer des évaluations impartiales.
Sans aucune justification dans l’exposé des motifs de l’avant-projet de Loi et sans qu’aucune évaluation externe ne la soutienne, la suppression de l’AERES ne pourrait être comprise que comme une sanction, dont le seul motif serait d’offrir une victime expiatoire sur l’autel de la réforme législative, démarche dont personne ne serait dupe.
Le Conseil de l’AERES propose que, en ce qui concerne l’évaluation, la Loi en préparation s’attache en priorité à:
- affirmer que l’indépendance des évaluations sera préservée, afin de garantir leur valeur, en confirmant l’AERES;
- améliorer la composition du Conseil de l’AERES, afin qu’elle reflète au mieux la diversité des acteurs et des parties prenantes du système d’enseignement supérieur et de recherche;
- affiner la définition des missions de l’AERES en tenant compte de l’expérience acquise. Le Conseil de l’AERES ne doute pas que le Parlement saura être vigilant et jouer son rôle de garant de l’indépendance et de la qualité de l’évaluation dans le domaine de l’enseignement supérieur et de la recherche publique en France.
Le 14 Février 2013, Le Conseil de l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur
ANNEXE 1 : L'AERES
« L’AERES, depuis six ans, a contribué à ancrer l’évaluation dans la vie des établissements, des unités de recherche et des formations » - Fioraso G., Ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, courrier à l’attention du président et des personnels et collaborateurs de l’AERES, 24 décembre 2012.
En France, comme en Europe, la contribution de la recherche et de l’enseignement supérieur à la création et à la diffusion des connaissances, est considérée comme un facteur décisif du développement économique, social et culturel, ainsi que du bien-être des populations. Pour dynamiser la formation supérieure et l’innovation, accroître la compétitivité, attirer les chercheurs et les étudiants du monde entier, la qualité de la recherche publique et de l’enseignement supérieur est devenue un enjeu de société majeur, et l’amélioration de cette qualité un défi stratégique. C’est pourquoi l’évaluation de la qualité de la recherche et de l’enseignement supérieur constitue désormais une exigence que nul ne conteste.
Depuis 2006, la Loi a confié la mission d’organiser cette évaluation à l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (AERES). Cette agence nationale, qui regroupe des compétences réparties auparavant entre plusieurs structures, réalise aujourd’hui l’évaluation des équipes d’accueil universitaires et des unités mixtes de recherche selon la même procédure. Elle organise l’évaluation des différentes entités en respectant leurs missions spécifiques et leur autonomie, et en assurant leur égalité de traitement. Le caractère itératif de l’évaluation, l’homogénéité de la méthode, ainsi que son application à des échelles différentes, donnent une vision dynamique et cohérente de l’ensemble du système de recherche et d’enseignement supérieur et facilitent la concertation entre tous les acteurs.
Tous les cinq ans, en France, environ 3200 unités de recherche, plus de 4000 équipes en charge des programmes de formation d’enseignement supérieur et près de 250 universités, écoles et organismes de recherche réfléchissent à leurs points forts ou faibles, leur environnement et leurs perspectives. Cette auto-évaluation est complétée par une appréciation externe, qualitative, collégiale, portée par un comité composé de personnalités compétentes appartenant à la communauté de la recherche et de l’enseignement supérieur, souvent au terme d’une visite du site de l’entité évaluée. Dans une proportion de 20%, les experts mobilisés viennent de l’étranger.
« L’AERES a été accréditée au niveau européen, ce qui est un élément important en termes d’attractivité de notre système d’enseignement supérieur et de recherche » - Refonder l’université, dynamiser la recherche. Mieux coopérer pour réussir. Rapport du Député Jean-Yves Le Déaut, Parlementaire en mission, remis au Premier ministre le 14 janvier 2013, p. 98
L’évaluation externe de l’activité d’une entité durant les cinq années passées se conclut par des recommandations. Celles-ci peuvent aider les entités évaluées à évoluer et à modifier tel ou tel aspect de leurs activités. Le rapport d’évaluation est aussi destiné aux responsables, ministériels et institutionnels, nationaux, régionaux et locaux, publics ou privés, qui ont à prendre des décisions concernant l’entité évaluée, décisions notamment de renouvellement, de financement ou d’orientation stratégique.
Le rapport peut enfin être consulté en ligne par tout citoyen, tout étudiant, français ou étranger, qui souhaite s’informer sur la recherche et l’enseignement supérieur, sur tel ou tel thème, en tel ou tel lieu. Les observations du responsable de l’entité évaluée sont rendues publiques en même temps que le rapport d’évaluation.
La confiance dans le résultat de l’évaluation impose que celle-ci ait été organisée avec impartialité, que l’évaluation soit distincte des décisions qui peuvent en résulter, et qu’aucune influence extérieure ne puisse peser sur le contenu du rapport d’évaluation ou sur sa diffusion. Le statut d’autorité indépendante de l’AERES apporte cette garantie.
L’AERES a fait l’objet d’une évaluation externe, au niveau européen. Dès sa quatrième année d’existence, elle a ainsi pu être admise parmi les agences d’évaluation reconnues en Europe (European Quality Assurance Registry).
Précurseur d’une évaluation impartiale et transparente, l’AERES « a permis de remédier à l’hétérogénéité du système français d’évaluation »- Refonder l’université, dynamiser la recherche. Mieux coopérer pour réussir. Rapport du Député Jean-Yves Le Déaut, Parlementaire en mission, remis au Premier ministre le 14 janvier 2013, p. 100
L’évaluation est un exercice délicat, dont la complexité est accrue par celle du système d’enseignement supérieur et de recherche français. Evaluant de manière coordonnée les unités de recherche, les masters et les écoles doctorales, et la stratégie des établissements, l’AERES est un facteur de décloisonnement de ce système. Sa mission conjointe lui permet d’apprécier la qualité du lien qui s’établit entre recherche et enseignement supérieur en France, avantage comparatif sur la scène européenne et internationale qu’il convient de promouvoir.
L’AERES est jeune mais, après un cycle complet de plusieurs milliers d’évaluations, son expérience est déjà grande. Elle analyse régulièrement, puis adapte, ses pratiques, grâce aux retours d’expérience, avec une volonté d’amélioration continue de ses méthodes. Ainsi, au cours des dix-huit derniers mois, l’AERES a abandonné la note globale des unités de recherche, simplifié de manière radicale le dossier d’évaluation et mis en place un groupe de coopération interinstitutionnelle (Mikado) sur l’évaluation.
Participant à un échange sur les expériences et les bonnes pratiques avec de nombreuses agences analogues en Europe et dans le monde, l’AERES est aussi sollicitée pour évaluer des activités d’enseignement supérieur ou de recherche à l’étranger, car son expertise, ses méthodes et procédures, et le lien qu’elle tisse entre formation et recherche suscitent l’intérêt dans beaucoup de pays.
ANNEXE 2 : Composition du Conseil de l'AERES au 18 février 2013
- Mme Maria Allegrini, professeure de physique, Université de Pise (Italie).
- Mr Michel Berson, sénateur de l’Essonne, membre de la Commission des finances et de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST).
- Mr Jean-Daniel Boissonnat, directeur de recherche à l’Institut national de recherche en informatique et automatique (INRIA).
- Mr Sébastien Candel, professeur à l’Ecole centrale Paris.
- Mme Monique Capron, professeure d’immunologie à l’Université Lille 2-Droit et Santé.
- Mr Antoine Compagnon, professeur au Collège de France (chaire de « Littérature française moderne et contemporaine: histoire, critique, théorie »).
- Mr Geoffrey Crossick, Distinguished Professor of Humanities, School of Advanced Study, University of London (Grande-Bretagne).
- Mme Nicole El Karoui-Schvartz, professeure de mathématiques, Université Pierre et Marie Curie, Paris, et École Polytechnique.
- Mme Ghislaine Filliatreau, directrice de recherche à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), directrice de l’Observatoire des sciences et techniques (OST).
- Mr Pierre Gilliot, directeur de recherche au CNRS, Institut de physique et chimie des matériaux de Strasbourg (IPCMS).
- Mr Patrick Hetzel, député du Bas-Rhin, membre de la Commission des affaires culturelles et de l'éducation et de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST).
- Mr Didier Houssin (président), professeur de chirurgie, Université René Descartes, Paris.
- Mr Francis Kramarz, professeur d’économie à l’Ecole nationale de la statistique et de l’administration économique-CREST, professeur associé à l’Ecole polytechnique.
- Mr Alexander Kuhn, professeur de chimie-physique à l’Ecole nationale supérieure de chimie, de biologie et de physique de Bordeaux.
- Mme Marianne Lefort, directrice de recherche et déléguée régionale pour l’Ile-de-France au sein de l’Institut national de recherche en agronomie (INRA).
- Mme Florence Legros, professeure d’économie à l’Université Paris-Dauphine.
- Mr René-Paul Martin-Denavit, ingénieur diplômé de l’Institut de chimie et physique industrielle de Lyon, directeur de RPMD Conseil.
- Mme Marie-Christine Maurel, professeure de biologie cellulaire et moléculaire à l’Université Pierre et Marie Curie, Paris.
- Mr Denis Menjot, professeur d’histoire médiévale à l’Université Lumière Lyon 2.
- Mme Christine Musselin, directrice du centre de sociologie des organisations, unité mixte de recherche de l’Institut d’études politiques de Paris et du CNRS.
- Mme Sylvie Rousset, directrice de recherche au CNRS, Laboratoire Matériaux et phénomènes quantiques, CNRS-Université Paris-Diderot Paris 7.
- Mme Claudine Schmidt-Lainé, directrice de recherche au CNRS.
- Mr Bernard Teyssié, professeur de droit à l’Université Panthéon-Assas Paris 2.
- Mme Cécile Tharaud, présidente du directoire d’Inserm Transfert.
- Mr Simon Thorpe, directeur de recherche au CNRS, Centre de recherche Cerveau & Cognition, Université Paul Sabatier Toulouse 3.
Pour en savoir plus: http://www.aeres-evaluation.fr/Agence/Organisation/Conseil-de-l-AERES.
Mar chuid den Acht um an Dlí dréacht-Ard-Oideachas agus Taighde (leagan 8 Feabhra, 2013), thionóil an Chomhairle AERES trácht a dhéanamh ar earraí a bhaineann leis an meastóireacht, trí doiciméad dar teideal "faoi chois dochosanta de AERES." Ar fáil don phobal sa lá atá inniu, chuir an seasamh imní na Comhairle maidir leis an AERES scriosadh beartaithe an AERES, a radacach measta "dothuigthe," "paradoxical" ach freisin "an-dochar agus costasach." Le haghaidh tuilleadh eolais: http://www.aeres-evaluation.fr/. Níos mó...