19 juin 2012
Rio+20, la transformation de l'éducation et la sécurité planétaire

Plus encore que sa teneur radicale, c'est l'initiateur de ce forum qui frappe: l'Ecole navale supérieure de l'armée américaine. Pour la première fois dans le débat international sur l'éducation face aux grands défis planétaires, le signal d'alarme provient non plus seulement des scientifiques et des réseaux militants, mais de militaires qui affirment que cette nécessité de transformer en profondeur nos systèmes éducatifs pour cesser d'y reproduire les schémas non durables est devenue une question de sécurité planétaire, parce que c'est la seule façon de s'attaquer aux racines des crises économiques, sociales et environnementales que ces schémas entraînent et aux graves menaces de conflits que ces crises représentent. L'irruption des militaires sur le terrain de la transformation de l'école peut surprendre; elle s'inscrit elle-même dans un mouvement profond de transformation du rôle des armées, et souligne l'interdépendance des transitions en cours dans ces deux grands corps d'Etat que sont la défense et l'éducation.
Si des milliers d'éducateurs humanistes de par le monde expérimentent depuis des décennies de multiples approches thématiques - éducation à l'environnement, au développement, à la paix, à la santé... - réunies aujourd'hui dans le cadre plus large de l'éducation au développement durable (EDD) et si les contenus, les méthodes, les programmes de formation d'enseignants sont aujourd'hui à maturité, la Conférence mondiale sur l'EDD organisée par l'Unesco à Bonn en mars 2009 a rappelé à quel point leur mise en pratique reste marginale.
La raison de ce piétinement est bien connue : à l'école comme dans l'entreprise ou les collectivités, le développement durable n'échappe pas à la superficialité. Même là où des moyens importants sont consacrés pour faire évoluer les approches et les contenus, notamment en France avec la généralisation de l'EDD orchestrée par le ministère de l'éducation nationale depuis plusieurs années, l'évolution des pratiques sur le terrain se heurte à des obstacles structurels considérables. L'école héritée du modèle académique n'est pas préparée à travailler sur les valeurs, l'engagement, la responsabilité. Pour l'essentiel, nos enfants continuent envers et contre tout à évoluer dans un système éducatif dominé par le cloisonnement disciplinaire, la mémorisation de connaissances, la relégation des arts, du corps et des mains, le simulacre de démocratie, l'absence de régulation des conflits, la déconnexion avec le milieu naturel - et au final, la démonstration quotidienne qu'il est finalement normal de rester dans le statu quo, puisque c'est ce que médias, parents et enseignants illustrent chaque jour par leurs propres pratiques et modes de vie.
L'école du XXIe siècle doit au contraire réengager la communauté toute entière dans l'obligation de projet pour l'humanité. Elle doit devenir une école de la construction de l'identité planétaire et des valeurs de solidarité universelle, comme elle fut jadis celle de la construction de l'identité nationale et des valeurs de la République. Elle doit devenir une école de la compréhension des grands enjeux sociaux, économiques et environnementaux, en même temps qu'une école de l'engagement local, de la participation et de la renaissance de la démocratie authentique; une école de la transformation des relations sociales, du dialogue interculturel et de la valorisation des différences; une école qui incarne la transition vers le développement durable, bien plus encore qu'elle ne le prêche. Le chemin est long pour y parvenir... nous joignons nos voix à celles du Transformative Education Forum pour exhorter la conférence de Rio+20 à placer cette transition au cœur de l'éducation du XXIe siècle et engager les moyens lourds indispensables à la généralisation partout sur le globe, par un effort de solidarité sans précédent, d'une éducation qui place enfin en son centre un développement durable en profondeur. Suite de l'article.

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