La plupart des recherches envisagées s’inscriront dans cet observatoire, fidèles, en cela, aux méthodes ergonomiques d’intervention dont la visée, à la fois épistémique et transformative, s’inscrivent dans la constitution d’un « cadre opérant ». Il s’agit d’abord de produire des connaissances sur le travail réel des professionnels de l’éducation exerçant dans divers milieux de travail, à la demande et avec le concours des professionnels, qui s’efforcent de donner, conserver ou reconstruire un sens à l’activité qu’ils déploient pour satisfaire à ces nouvelles prescriptions.
L’observatoire est considéré comme un « laboratoire vivant » d’études des activités professionnelles en construction. Dans la perspective historico-culturelle qui est la nôtre, il s’agira de repérer dans cette construction les traces historiques constitutives de l’activité étudiée comme les traces émergeantes de sa (re)structuration actuelle. L’enjeu scientifique -et la difficulté- consisteront à pouvoir distinguer des évènements potentiellement structurants de ces activités des contingences liées à la diversité des situations. C’est en cela que l’analyse de l’activité conduite depuis des années selon les méthodes indirectes montrera tout son intérêt en permettant de rendre compte des contradictions, des arbitrages, des dilemmes auxquels les professionnels sont confrontés et qui peuvent se renouveler comme s’institutionnaliser dans la conception et l’organisation de ces nouvelles situations de travail. Cet observatoire sera le lieu de diagnostic des difficultés rencontrées et des contradictions surmontées ou non par les équipes pédagogiques et les comités exécutifs des Réseaux Ambition Réussite.
Il s’agira ensuite, à travers la nécessaire coopération chercheurs-praticiens et la confrontation professionnelle constante, d’évaluer l’impact de cette recherche-intervention sur la transformation des situations de travail et le développement professionnel des protagonistes. Ce qui est un moyen quasi inédit de mettre à l’épreuve les modalités de valorisation de la recherche et de son efficacité sociale, alors que l’on connaît le peu d’influence des connaissances scientifiques sur les politiques éducatives et sur les pratiques pédagogiques des professeurs ou des cadres pédagogiques, au motif qu’ils ne se reconnaissent pas forcément dans les résultats de la recherche. La voie proposée ici présente une alternative à cette critique récurrente d’une part, parce que ces résultats viennent en réponse à une demande formulée par les intéressés qui sont partie prenante de la recherche et, d’autre part, leur appropriation se traduit concrètement dans des transformations de dispositifs ou projets pédagogiques collectivement validés y compris par la hiérarchie. Nous sommes ici au cœur de la collision prescription descendante /prescription remontante et de l’activité de renormalisation développée par les collectifs de travail. A charge d’analyse, il semble bien que cette « proximité locale» réduise l’écart entre la demande sociale et son traitement scientifique ainsi que l’écart temporel entre les « résultats » et leur mise en « application ». Plus...