XXe Conférence des ambassadeurs - Discours de la ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, Mme Geneviève Fioraso - Paris, 29 août 2012 Je voudrais d'abord remercier le ministère des Affaires étrangères d'avoir placé cette vingtième Conférence des ambassadeurs sous le signe de la diplomatie culturelle et scientifique.
Cette ambition réunit nos deux ministères autour d'un défi commun: ouvrir l'enseignement supérieur et la recherche de notre pays sur les espaces européens et internationaux. Nous partageons tous, ici, la conviction que l'enseignement supérieur et la recherche représentent un atout décisif pour la croissance, le développement, et la compétitivité par la qualité. Je sais que je peux compter sur les compétences que vous savez mobiliser, et sur les valeurs, ainsi que le grand professionnalisme, que vous incarnez.
Le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche entend soutenir l'ambition des établissements et des organismes, qui veulent peser et rayonner, toujours davantage, sur la scène européenne et internationale.
Nous sommes prêts à relever le défi de la compétition internationale. Mais comment mieux y parvenir? Je vous propose de partager quelques orientations et pistes d'actions:
- Tout d'abord, il est indispensable d'améliorer la visibilité et l'image de notre enseignement supérieur et de notre recherche.
C'est l'un des objets de la réflexion collective menée dans les Assises de l'enseignement supérieur et de la recherche, que nous avons ouvertes le mois dernier et qui vont faire l'objet de contributions et d'échanges en Région puis au niveau national, en novembre. La synthèse des travaux du comité de pilotage indépendant, présidé par Mme Françoise Barré-Sinoussi, Prix Nobel de médecine en 2008, est attendue à la fin du mois de décembre.
Des dispositifs législatifs et réglementaires permettront ensuite de remettre en mouvement l'université et la recherche française, fortement déstabilisées au cours du dernier quinquennat par des réformes venues d'en haut et des effets d'annonces insuffisamment accompagnés sur le terrain.
Le premier axe de travail des Assises concernera notre priorité: la réussite étudiante en premier cycle et l'insertion professionnelle des doctorants.
Optimiser le parcours des étudiants, de tous les étudiants, au-delà de la simplification des structures, encourager l'ancrage territorial des politiques d'établissements, bien définir les rôles respectifs et les interactions entre les établissements et le tissu économique : en suivant ces pistes, nous aiderons notre système d'enseignement et de recherche à mieux rayonner à l'international.
- En ce qui concerne l'international, je souhaite poursuivre et amplifier nos partenariats avec les pays francophones. C'est ainsi qu'avec ces partenaires de différents continents, mais aussi grâce un ancrage européen consolidé, la France pourra constituer une masse critique plus visible et à la crédibilité renforcée vis-à-vis de puissances industrielles comme les États-Unis ou le Japon, ainsi que vis-à-vis des pays émergents, des BRICS, qui investissent fortement dans la formation, la recherche et l'innovation.
La demande récente de coopération scientifique, formulée par les États-Unis à la France, en tant que tête de pont de la programmation conjointe sur les maladies neurodégénératives, en particulier l'Alzheimer, est exemplaire de la politique que je souhaite développer. Tout comme la signature, toujours avec les États-Unis, d'un programme de recherche commun sur le SIDA, et dont l'annonce a reçu un accueil enthousiaste lors de la conférence internationale qui s'est tenue à Washington en juillet dernier et, qui a vu la présidence de l'International AIDS Society confiée à Françoise Barré-Sinoussi. Dans ces deux actions, la qualité de notre recherche s'est construite sur un partenariat européen qui a permis une collaboration équilibrée avec les États-Unis.
Dans cet esprit, je soutiendrai les pistes d'actions suivantes:
- La priorité sera donnée à la construction d'un espace européen de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Nous devons relancer, pour les étudiants, l'élan initié par le Processus de Bologne et favoriser ainsi leur mobilité internationale.
Nous accompagnerons le projet «Erasmus pour tous», dont le lancement est prévu en 2014. Il doit parvenir à doubler le nombre de bénéficiaires actuels, afin d'atteindre les 5 millions de personnes à l'horizon 2020.
- J'appelle aussi nos chercheurs à prendre davantage la mesure de la mesure de la nouvelle dimension communautaire du financement de la recherche, en répondant plus nombreux aux appels d'offres européens parfois complexes. Croyez bien que je m'implique personnellement pour obtenir les nécessaires mesures de simplification dans le cadre d'Horizon 2020. Je souhaite également une meilleure articulation entre programmes nationaux et programmes communautaires. Il s'agit surtout de développer un réseau partenarial européen, une culture commune, pour créer une véritable Europe de la recherche, ouverte à des partenariats internationaux équilibrés.
Je soutiendrai aussi les efforts d'harmonisation de nos programmes avec les initiatives européennes en cours dans les programmes Horizon2020, dans le dispositif des KET'S et l'EIT.
- Notre stratégie, en bonne logique géopolitique, doit également profiter des premiers fruits d'une collaboration scientifique euro-méditerranéenne. Un vaste champ de programmes de recherche est prêt à se développer davantage, notamment autour des secteurs de l'eau, des énergies renouvelables, de la santé, de l'environnement marin, du transport, dans un esprit de coproduction. Nous devons renforcer le partenariat entre la France, les pays de la rive Sud de la Méditerranée et l'Afrique pour l'enseignement supérieur. De ce point de vue, la coopération dans la recherche sur le sida est un exemple.
- Dans le cadre de notre coopération avec les nouvelles puissances de la connaissance que représentent les BRICS, et d'autres pays en pleine ascension, la France doit enfin porter l'ambition d'attirer les meilleurs étudiants et les meilleurs chercheurs, dans les diverses filières scientifiques.
Nous disposons par exemple du programme Science sans frontière brésilien, d'une ampleur remarquable, nous renforçons notre collaboration avec la Chine, et je souhaite que nous développions, dans le même sens, des partenariats avec l'Inde, pour ne citer que ces pays.
La France accueille toujours plus d'étudiants, au point que plus de 41% des doctorants formés dans nos établissements sont étrangers. Parmi ces étudiants, venus du monde entier, la France s'ouvre, comme ses partenaires occidentaux, aux grandes puissances émergentes : elle accueille aujourd'hui 35.000 étudiants chinois, elle en accueillera bientôt 50.000. De ce point de vue, l'abrogation de la circulaire Guéant était une absolue nécessité tant sur le plan moral que sur le plan économique.
Pour accueillir davantage d'étudiants étrangers et mieux les accueillir, nos deux ministères, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, et des Affaires étrangères, se sont dotés d'un outil conjoint: Campus France.
Cet établissement public à vocation à accueillir les étudiants et les chercheurs étrangers, en facilitant leurs démarches administratives, en appui aux établissements d'enseignement supérieur. Il gère les bourses et les stages. Il promeut, enfin, notre système d'enseignement supérieur et de recherche, en assurant le suivi des étudiants étrangers ayant bénéficié d'une formation dans un établissement français, que ce soit sur le territoire national, ou à l'étranger. Campus France se construit. Je veillerai à ce qu'il se développe, en lien étroit avec nos établissements et à ce qu'il remplisse au mieux ses missions.
Vous l'avez compris, Mesdames et Messieurs les ambassadeurs, nous serons des acteurs volontaires et ambitieux de la globalisation des systèmes d'enseignement supérieur et de recherche.
Nous souhaitons bien entendu soumettre notre système d'enseignement supérieur et de recherche à des systèmes d'évaluation et de classements adaptés.
À cet égard, je salue l'initiative de la Commission Européenne qui s'est dotée, avec «U-Multirank», de son propre outil d'évaluation. Un outil intelligent, qui permet de comparer ce qui est comparable, sans mélanger, par exemple, les performances de disciplines hétérogènes, en prenant en compte les SHS, le nombre d'étudiants accueillis et diplômés, le transfert vers l'industrie pour diffuser l'innovation et créer des emplois porteurs.
Cet outil doit être opérationnel très rapidement, et la France, aux côtés de l'Allemagne, de l'Italie, des pays du Nord, doit peser de tout son poids pour que ce classement devienne une référence pour les étudiants, les enseignants, les entreprises. Nous devons être fiers de notre culture française et européenne dans le secteur de l'enseignement supérieur et de la recherche et, tout en améliorant la visibilité, en simplifiant les structures, nous devons en assurer la promotion avec confiance et détermination.
Il y a aussi un enjeu compétitif à mieux faire connaître les points forts, les domaines d'excellence de notre recherche. Qui sait aujourd'hui, par exemple, que des laboratoires publics français à Toulouse, à Grenoble, à Paris, ont largement contribué à l'exploration de Curiosity sur Mars ? Qui sait que, grâce une politique européenne de recherche sur l'espace, notre pays couvre aujourd'hui 50% du marché mondial des lanceurs ? Et je pourrais multiplier ainsi les exemples.
La France est, de fait, déjà intégrée dans la société mondiale de la connaissance. Elle rayonne et continue d'attirer.
Elle rayonne par les connaissances qu'elle produit, en 2009, elle représentait à elle seule 4,1% des publications scientifiques mondiales. En 2011, avec 5% des demandes de brevets déposés dans le système européen, elle se situait au 5ème rang mondial (au 8ème rang mondial dans le système américain), grâce à son excellence dans des domaines aussi variés que les transports, les nanotechnologies, la chimie organique fine, l'énergie, le BTP, la métallurgie ou la pharmacie. Il faut naturellement rapporter ces chiffres à la part de la France dans la population mondiale (0,9%), et à la taille de son économie (3,9% du PIB mondial).
Mais l'évolution mondiale, en faveur des pays émergents et de la Chine notamment, doit nous alerter et nous devons progresser en matière de brevetabilité et de propriété intellectuelle, pour mieux protéger nos inventions, nos innovations.
Cette préoccupation doit être aussi la vôtre, car elle conditionne la pérennité de notre économie et de nos emplois.
J'ai mis en place, avec ma collègue Fleur Pellerin, un groupe de travail composé de professionnels de terrain et des propositions très concrètes seront faites prochainement pour améliorer le dispositif actuel. De même avec mon collègue Arnaud Montebourg, j'ai proposé de développer une recherche technologique immédiatement transférable dans le tissu industriel productif.
À travers le rayonnement scientifique de la France, c'est aussi une conception du monde, c'est une ambition pour les relations pacifiques et amicales, entre les peuples et les civilisations, que nous souhaitons défendre. Les sciences humaines et sociales, dites «SHS», ont un rôle singulièrement important à cet égard car elles aident à la compréhension de la diversité des cultures.
Mesdames et Messieurs les ambassadeurs, le président de la République a placé la jeunesse au coeur de son projet. Cela nous met face à nos responsabilités et nous incite à placer nos actions, nos projets, nos missions dans une perspective d'avenir. Il n'y a pas d'avenir sans culture commune, sans progrès sociétal, sans développement de la connaissance. Il n'y a pas d'avenir sans perspective de développement et d'emplois pour les jeunes.
L'innovation scientifique, l'innovation d'usages, l'innovation technologique, l'innovation managériale, requièrent des compétences qui trouvent leur source dans un enseignement de qualité et une recherche forte, diversifiée, connectée avec l'Europe et le monde.
Avec les Assises, le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche et tous les acteurs de ce secteur proposeront une vision stratégique et partagée pour les années à venir.
Je compte sur votre expertise et votre coopération pour nous aider à porter ces ambitions dans les pays où vous représentez la France et vous remercie de votre attention.