L’idée de nation s’est parfois imposée à partir d’institutions étatiques préexistantes ou, au contraire, a favorisé la construction d’États regroupant des populations précédemment dispersées sur plusieurs territoires.
En France et en Angleterre, c’est l’action centralisatrice et unificatrice du pouvoir royal qui a contribué de manière décisive à l’émergence de la nation. Mais le sentiment national, présent chez une élite restreinte, s’est diffusé assez lentement. Il faut en effet attendre la fin du XVe siècle pour que l’idée de nation devienne incontournable en France et en Angleterre. La guerre de Cent Ans (1337-1453) a soudé les populations dans l’adversité et contribué de manière décisive à l’émergence de l’identité nationale de part et d’autre de la Manche.
Dans d’autres pays, l’idée de nation s’est développée en l’absence d’un cadre étatique unitaire. Ainsi, en
Allemagne, l’existence d’une langue et d’une culture communes a permis de concevoir la nation en l’absence de toute unité politique avant 1871. De même, en Italie, le sentiment national a servi de ciment idéologique préalable à l’unification de l’État.
La double dimension – objective et subjective – de l’idée de Nation trouve un écho dans la formulation à la fin du XVIIIe et au XIXe siècles de
deux concepts distincts de la nation par des penseurs français (Renan, Fustel de Coulanges) et allemands (Herder, Fichte), qu’on présente souvent comme la "conception française" et la "conception allemande" de la nation.
Johann Gottfried von Herder (1744-1803) propose une définition de la nation fondée sur le sol et une langue commune, et
Johann Gottlieb Fichte (1762-1814), dans ses
Discours à la nation allemande (1807), insiste sur l’idée de peuple et l’importance de la langue.
Ernest Renan (1823-1892), dans sa célèbre conférence de 1882 intitulée "Qu’est-ce qu’une Nation ?", pose, quant à lui comme critères de l’appartenance nationale, "le désir de vivre ensemble, la volonté de continuer à faire valoir l’héritage qu’on a reçu indivis." Selon sa formule fameuse, "l’existence d’une nation est un plébiscite de tous les jours".
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