
Outre la sécurité physique et matérielle des populations, qui demeure une condition essentielle de la stabilité et de la paix, les développements technologiques récents ont donné lieu à de nouveaux types de menaces, d’apparence immatérielle et symbolique, mais devenus tout aussi prioritaires.
Les polémiques sur les infox (fake news), ou la circulation rapide de fausses nouvelles, souvent de nature à inciter à la haine, à semer la discorde ou le trouble, l’information globale, les nouveaux vecteurs d’expression individuels en ligne, rebattent les cartes des enjeux de sécurité.
La liberté d’informer, et le droit d’accès à une information ouverte, non manipulée et « sans considération de frontières » (déclaration universelle des droits de l’homme, article 19), doivent désormais être intégrés dans les réflexions sur la sécurité humaine, et donc sur la préservation de la paix.
Ils le sont déjà en grande partie dans le Pacte international des droits civils et politiques des Nations Unies (1966). Ils le sont également par le Conseil de l’Europe (article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme) ou par la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (article 11, avec une rédaction voisine).
Or ces principes sont bafoués. Comme le rapportent régulièrement des acteurs comme Eutelsat – opérateur de satellites créé en 1977 comme organisation intergouvernementale, aujourd’hui société de droit français et opérant la diffusion de 7 000 chaînes de télévision –, les brèches politiques à l’accès à une libre information sont devenues un fléau moderne.
L’obligation faite aux opérateurs de satellites de télévision (45 000 chaînes transportées dans le monde) d’obtenir des autorités nationales (gouvernementales ou de régulation) des droits de diffusion – hormis dans l’Union européenne du fait de la directive Services de médias audiovisuels –, politise la question des communications et de l’information.
Le satellite, initialement instrument de liberté d’informer, est soumis à des entraves croissantes : législations nationales conditionnant la fourniture de services Internet par satellites, règles permettant aux gouvernements de contrôler les flux, d’identifier les émetteurs et récepteurs, d’obtenir l’interruption du service….
Les organismes chargés de la défense de la liberté de la presse, comme Freedom House, confirment cette tendance au recul de la liberté de l’information, allant jusqu’à l’emprisonnement ou au meurtre de journalistes. Depuis les pressions des talibans sur l’information en Afghanistan jusqu’aux menées des autorités russes pour empêcher le déploiement de microsatellites permettant une couverture du territoire, en passant par la multiplication des coupures d’Internet d’origine gouvernementale, ou les éditeurs chinois enlevés à Hong Kong, une régression est en cours.
Établir un lien aussi direct entre paix, sécurité et information-communication peut paraître exagéré. Ce lien apparaît pourtant à plusieurs niveaux. D’abord, lorsque l’information est entravée par l'État pour empêcher l’accès à un discours jugé déviant, entamant un bras de fer avec une population qui aura recours à des astuces techniques pour contourner cette censure (satellites, VPN…), et donc entrant inévitablement dans une logique de tension. Ensuite, lorsqu’une information volontairement erronée est émise par un État vers l’extérieur, pour déstabiliser une société donnée (principe des fake news) : une logique de confrontation internationale est alors déjà à l’œuvre.
Également lorsqu’une bataille fait rage sur le contrôle de l’accès à l’information, télévisée ou sur les réseaux sociaux, au moment où des mouvements de protestation ont lieu, comme dans les printemps arabes de 2011 (le gouvernement égyptien a tenté de fermer Facebook), à Taïwan en 2014 (mouvement des tournesols), à Hong Kong la même année (mouvement des parapluies) ou à nouveau en 2019.
Enfin, le contrôle de l’information est désormais intégré à une stratégie globale ou « hybride », combinant action militaire, action subversive et manipulation de l’information, comme dans le cas de la déstabilisation de l’Ukraine par la Russie après 2014.
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