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Formation Continue du Supérieur
17 novembre 2019

Deux siècles de débats au Parlement sur la peine de mort - En 1906-1908, le débat reprend dans un contexte favorable

Accueil - Vie PubliqueFévrier 1906 voit l’arrivée d'un nouveau président de la République, Armand Fallières. Ce dernier partage la conviction des abolitionnistes et de son prédécesseur, Émile Loubet. Les premières années de son septennat, il gracie systématiquement tous les condamnés à mort (25 en 1906 et 37 en 1907).
Ce courant pour l’abolition est soutenu sur le plan parlementaire. En 1906, pour obtenir du Parlement un vote favorable à l’abolition, la Commission du budget de la Chambre des députés supprime les crédits destinés à la rémunération du bourreau et aux frais des exécutions capitales. Georges Clemenceau et son gouvernement jugent cependant que l’abolition ne peut être acquise par cette voie détournée. Son garde des Sceaux, Guyot-Dessaigne, dépose alors un projet de loi tendant à abolir la peine de mort. Ce projet de loi est accompagné de deux propositions de loi de Joseph Reinach et Paul Meunier allant dans le même sens.
Le projet du gouvernement remplace la sentence capitale par une peine d’internement perpétuel (six années de cellule puis détention à vie dans une maison de force spéciale). Le rapport sur ce texte est adopté en 1907. Mais en septembre 1907, la grâce présidentielle d’Albert Soleilland, condamné à mort deux mois plus tôt pour avoir violé et assassiné la fillette de ses voisins, suscite l’émoi et le mécontentement de la population, jusqu’alors de plus en plus favorable à l’abolition. Le Petit Parisien, journal anti-abolitionniste, lance une pétition, qui recueille les signatures d’un million de personnes qui ont écrit pour dire "vive la guillotine ! ".
Un nouveau rapporteur du projet de loi est nommé, qui conclut contre l’abolition. Le débat sur la peine de mort est inscrit à la Chambre des députés, qui doit se prononcer sur le projet du gouvernement mais aussi sur les propositions de loi de Reinach (suppression de la peine de mort remplacée par les travaux forcés) et Meunier (maintien de la peine de mort avec création d’une nouvelle peine, l’internement, le choix entre les deux peines dépendant de l’admission des circonstances atténuantes).
Les débats débutent le 3 juillet 1908. Aristide Briand, nouveau garde des Sceaux, soutenu par le président de la République, défend le projet de loi du gouvernement Clemenceau.(nouvelle fenêtre) Il s’oppose notamment à Maurice Barrès, ardent anti-abolitionniste.
Aristide Briand s’appuie sur les statistiques et la criminologie moderne pour démontrer que la peine de mort ne dissuade pas les criminels :

"On a dit que bien des malfaiteurs redoutaient la peine de mort et que, si elle n’existait pas, ils commettraient un plus grand nombre de crimes. On l’a affirmé, on ne l’a pas prouvé. Je me suis efforcé de démontrer par les chiffres et des faits que là où la peine de mort a été supprimée, on n’a pas pu constater une recrudescence dans les grands crimes qui étaient antérieurement passibles de cette peine, et je dis que c’est une démonstration.
Quand on connaît le milieu où se commettent ces meurtres, quand on a interrogé les hommes qui le fréquentent par devoir professionnel, on apprend ceci : le malfaiteur va à son méfait avec la conviction, avec la certitude qu’il ne sera pas pris ; voilà la vérité".

....
"M. Barrès disait : il faut avoir le courage des responsabilités ; il ne faut pas craindre de punir et même de punir jusqu’à la mort. Cette responsabilité est aisée à prendre. Il n’est pas difficile de livrer un homme à l’exécuteur des hautes œuvres. Quand l’opinion publique est excitée comme elle l’est en ce moment, quand elle exige impérieusement du sang, lui obéir, c’est un geste commode. Les responsabilités sont bien plus lourdes quand il s’agit de remonter les courants de l’opinion publique. Il faut plus de courage pour lui résister que pour se laisser dominer par l’aveuglement de la foule. J’ai abordé ce problème sans passion et sans parti pris. Cette question est de celles qui devraient pouvoir être discutées avec le plus de sang froid dans cette Assemblée. Personne n’a le monopole des sentiments d’humanité, de générosité, de pitié ; ils sont répandus dans tous les partis ; il y a des adversaires de la peine de mort sur tous les bancs de cette Chambre. On peut donc examiner cette question sans se suspecter les uns les autres d’intentions plus ou moins mauvaises. Pour ma part, j’ai étudié la question au point de vue de l’utilité de la peine. Je me suis dit : si les chiffres de la criminalité, soit en France, soit à l’étranger, démontrent qu’il serait imprudent de supprimer la peine de mort en ce moment, s’il m’apparaît qu’elle a une puissance d’intimidation, eh bien ! je le dirai à la Chambre et je renoncerai à soutenir le projet du Gouvernement. C'est parce que, de tous les documents que j'ai consultés, il est résulté clairement pour moi que la peine de mort était inefficace, qu’elle n’était pas intimidante, comme on l’a dit, que je me suis présenté devant vous pour tâcher de vous faire participer à la conviction profonde qui s’est faite en moi".
D’autres abolitionnistes comme Joseph Reinach, Paul Deschanel ou Jean Jaurès prennent la parole.(nouvelle fenêtre)Malgré tous ces plaidoyers en faveur de l’abolition et une assemblée majoritairement à gauche, la peine de mort est maintenue par 330 voix contre 201 le 8 décembre 1908.
Il faut attendre 70 ans pour que le débat soit relancé à l’Assemblée nationale. Plus...
17 novembre 2019

Deux siècles de débats au Parlement sur la peine de mort - En 1848, la IIe république se saisit à son tour de la question

Accueil - Vie PubliqueLa révolution libérale de 1830 saccompagne dune réforme du code pénal qui abolit partiellement la peine de mort en limitant son champ dapplication (9 crimes capitaux sont supprimés) et en généralisant les circonstances atténuantes.
En 1838, des pétitions abolitionnistes sont déposées et de nouveaux débats ont lieu à la Chambre des députés. Lamartine sy illustre, le  17 mars 1838, dans un discours pour l'abolition.Il affirme que la peine de mort est devenue nuisible dans une société évoluée : "La peine de mort d’une part ne réprime ou ne prévient pas le meurtre, et de l’autre part accroît les dangers de la société en entretenant la férocité des mœurs." Il ajoute que "L’abolition systématique de la peine de mort dans nos lois serait une intimidation et un exemple plus puissant contre le crime que des gouttes de sang répandues de temps en temps, si stérilement, vous en convenez vous-même, devant le peuple, comme pour lui en conserver le goût".
Le discours de Lamartine, dans une chambre majoritairement conservatrice, n’aboutit pas mais son combat ne sera pas vain.
En effet, dix ans plus tard, en février 1848, le gouvernement provisoire de la IIe République abolit par décret la peine capitale en matière politique. Au mois de septembre suivant, l'Assemblée constituante adopte l'article 5 du projet de la Constitution confirmant l'abolition pour raisons politiques mais rejette plusieurs amendements en faveur d'une abolition totale. Ces amendements sont défendus par Victor Hugo, farouche abolitionniste. Le 15 septembre 1848, lors d'une intervention solennelle à l'Assemblée, il déclare que "La peine de mort est le signal spécial et éternel de la barbarie. Partout où la peine de mort est prodiguée, la barbarie domine ; partout où la peine de mort est rare, la civilisation règne."
Les partisans de la peine de mort l'emportent avec 498 voix contre l'abolition générale (pour 216 voix pour). Ils avancent les arguments classiques en faveur du châtiment suprême : il intimide les criminels et protège la société.
D’autres propositions abolitionnistes seront rejetées sous la IIe République : celle de Savatier-Laroche en 1849 et celles de Schoelcher et Raspail en 1851. Plus...
17 novembre 2019

Deux siècles de débats au Parlement sur la peine de mort - L’Assemblée constituante lance le débat en 1791

Accueil - Vie PubliqueEn 1791, l’Assemblée constituante engage la réforme du code pénal. Le rapporteur du projet, Le Pelletier de Saint-Fargeau, plaide pour l’abolition de la peine de mort, sentence qu’il juge inefficace et inutile.
Le 30 mai 1791, il ouvre ainsi les discussions sur le projet du code pénal à l'Assemblée constituante :
"Messieurs, bien que le projet de code pénal que vos comités m’ont chargé de vous présenter contient un grand nombre d’articles et soit fort étendu, il se réduit cependant à quelques prin­cipes généraux assez simples. La question la plus importante de cette matière et sur laquelle je crois que lAssemblée doit dabord fixer son at­tention est celle-ci : La peine de mort sera-t-elle ou non conservée ?
Le préambule de toute la discussion est de fixer le principe sur cette grande et importante question ; c'est donc, Messieurs, la proposition que j’engage l’Assemblée de soumettre tout d'abord à la délibération
".
Il est soutenu par Robespierre qui prie les législateurs "d’effacer du code des Français les lois de sang qui commandent des meurtres juridiques". Il considère "1° que la peine de mort est essentiellement injuste ; 2° qu’elle n'est pas la plus réprimante des peines, et qu’elle multiplie les crimes beaucoup plus qu'elle ne les prévient".
À lopposé, Prugnon milite pour le maintien de la peine de mort au nom de la protection de la société, de l’exemplarité et de l’inefficacité du cachot  : "La société doit garantir, protéger et défendre". "Le méchant ne craint pas Dieu, mais il en a peur ; tel est le sentiment qu’éprouve le scélérat à la vue de l’échafaud. Gardez-vous donc de dé­sespérer de l’énergie de ce ressort, très malheureusement nécessaire. Que prétend-on, au reste, lui substituer ? Un supplice lent, un supplice de tous les jours ? L’idée n'est pas neuve. Mais quelques années sont à peine écoulées, que le sentiment d’horreur qu’inspire le crime s’affaiblit, on ne voit plus que la peine et son éternelle action ; le criminel finit par intéresser, et alors on est bien près d’accuser la loi. Tout cela ne varie que par des plus ou des moins plus difficiles à expri­mer qu’à saisir : or, est-ce une bonne législation que celle qui fait infailliblement passer la pitié de l'assassiné à l’assassin ?".
Finalement, lAssemblée constituante rejette labolition.
Toutefois, elle décide de supprimer la torture : « La peine de mort consistera dans la simple privation de la vie, sans qu'il puisse jamais être exercé aucune torture envers les condamnés » (article 2 du code pénal de 1791).
Elle uniformise également le mode d'exécution de la peine : « Tout condamné à mort aura la tête tranchée » (article 3 du code pénal de 1791).
Enfin, elle réduit de 115 à 32 les cas possibles de condamnations à mort.
L’intégralité des débats de 1791 sur la peine de mort est consultable sur le site de l'Assemblée nationale. Plus...
17 novembre 2019

Deux siècles de débats au Parlement sur la peine de mort

Accueil - Vie PubliqueDurant les deux derniers siècles, les parlementaires ont souvent débattu de la question de la peine de mort. Trois périodes marquent ces débats : 1791, 1848 et 1906-1908. Il faut toutefois attendre 1981 pour que les conditions d’un vote en faveur de l’abolition soient réunies, même si dès 1978 les tentatives abolitionnistes se multiplient. Plus...
17 novembre 2019

Décryptage : la déclaration universelle des droits de l'homme fête ses 70 ans !

Accueil - Vie PubliqueLe 10 décembre 1948, l'Assemblée générale des Nations unies adoptait la Déclaration universelle des droits de l'homme au Palais de Chaillot à Paris. Plus...
16 novembre 2019

Quel a été l’impact de la révision de 1962 sur les institutions ?

Accueil - Vie PubliqueL’élection du président de la République au suffrage universel direct, organisée pour la première fois les 5 et 19 décembre 1965, a profondément modifié l’équilibre institutionnel de la Ve République et s’apparente en réalité à une véritable refondation du régime. Elle rompt avec le compromis opéré en 1958, entre le général de Gaulle et les formations politiques de la IVe République, en tranchant en faveur d’une lecture présidentialiste des institutions. Plus...

16 novembre 2019

La révision constitutionnelle et le référendum de 1962

Accueil - Vie PubliqueLe contexte de la guerre d’Algérie consacre, dans les faits, la prééminence du chef de l’État dans les institutions nouvelles. En 1962, ce dernier souhaite consacrer, en droit, la prépondérance présidentielle en révisant la Constitution, afin d’y inscrire le principe de l’élection du président de la République au suffrage universel direct. Plus...
16 novembre 2019

La Constitution de 1958 : le fruit d’un compromis

Accueil - Vie PubliqueLa Constitution de 1958 apparaît largement comme le résultat d’un compromis entre le général de Gaulle et les partis politiques. On y retrouve ainsi certaines des propositions énoncées dans le discours de Bayeux (rétablissement d’un Sénat doté de pouvoirs législatifs, renforcement de la légitimité et des attributions du chef de l’État). Dans le même temps, le texte n’opte pas, à l’origine, pour le régime présidentiel, tant le souvenir du pouvoir personnel exercé par Philippe Pétain demeure présent. Enfin, il reprend la plupart des réflexions qui avaient été amorcées sous la IVe République pour encadrer le fonctionnement des assemblées parlementaires en permettant à l’exécutif de connaître une plus grande stabilité et de disposer des moyens de gouverner. Plus...
16 novembre 2019

La Quatrième République : l’échec du régime d’assemblée

Accueil - Vie PubliqueLe deuxième projet de Constitution a été adopté par référendum le 13 octobre 1946 et il marque ainsi une victoire des partis contre le général de Gaulle, puisque le système institutionnel retenu se caractérise par la prédominance du Parlement. Certes, la responsabilité du Gouvernement est plus difficile à mettre en cause que sous la IIIe République, le droit de dissolution a été modernisé, le pouvoir de blocage de la seconde chambre a été supprimé et la délégation du pouvoir législatif au Gouvernement a été proscrit.
Dans les faits, la IVeRépublique est confrontée aux mêmes maux que la IIIe : instabilité ministérielle, difficulté à composer des équipes ministérielles du fait de la contrainte des investitures, neutralisation du droit de dissolution, délégation du pouvoir législatif par le vote de lois donnant au Gouvernement des pouvoirs spéciaux.
Aussi bon nombre de réflexions s’amorcent à cette époque dans le but de rationaliser le fonctionnement du régime parlementaire. La nécessité de réformer le mode de scrutin en vigueur pour les législatives afin de dégager des majorités stables apparaît, sans être toutefois retenue par les députés. La simplification des investitures gouvernementales s’impose également, afin de privilégier l’engagement de la responsabilité de l’équipe gouvernementale sur un programme politique, plutôt que sur sa composition. Un projet de révision permettant par ailleurs au Gouvernement de faire adopter des lois sans vote en posant la question de confiance est par ailleurs envisagé. Ces débats, s’ils n’ont qu’une faible traduction lors de la révision constitutionnelle de 1954, ont largement inspiré les rédacteurs de la Constitution de 1958. Plus...
16 novembre 2019

La Libération : l’impossible consensus

Accueil - Vie PubliqueA la fin de la Seconde Guerre mondiale, le rétablissement de la légalité républicaine est mis en œuvre par un gouvernement provisoire issu de la Résistance. La plupart des partis politiques, en dehors des radicaux, s’accordent sur la nécessité de réformer les institutions républicaines. Mais de nombreuses divergences se font jour quant à la nature du nouveau système politique.
Le Parti communiste et la SFIO, majoritaires au sein de l’Assemblée constituante élue le 21 octobre 1945, souhaitent mettre en place un régime ne disposant que d’une seule chambre, élue au suffrage universel direct, dotée du pouvoir législatif et d’un contrôle poussé sur l’exécutif (elle élit le chef de l’État, investit et renverse l’équipe gouvernementale sans être limitée).
Ce projet ayant été rejeté par référendum, une nouvelle assemblée constituante est élue le 2 juin 1946 ; elle propose un texte plus modéré, issu d’un compromis entre le Parti communiste, la SFIO et les démocrates chrétiens du MRP : une deuxième assemblée élue au suffrage indirect, mais dépourvue d’un véritable pouvoir législatif, est prévue et le Président de la République dispose d’un rôle renforcé, notamment par la désignation du chef du Gouvernement.
Hostile à ce projet, le Général de Gaulle a présenté ses vues constitutionnelles le 16 juin 1946 dans le discours de Bayeux : il y défend un bicamérisme véritable et surtout un renforcement notable des prérogatives de l’exécutif en faisant du chef de l’État le garant de la continuité de l’État et un arbitre au-dessus des partis politiques présents dans les assemblées. Plus...
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