Février 1906 voit l’arrivée d'un nouveau président de la République, Armand Fallières. Ce dernier partage la conviction des abolitionnistes et de son prédécesseur, Émile Loubet. Les premières années de son septennat, il gracie systématiquement tous les condamnés à mort (25 en 1906 et 37 en 1907).
Ce courant pour l’abolition est soutenu sur le plan parlementaire. En 1906, pour obtenir du Parlement un vote favorable à l’abolition, la Commission du budget de la Chambre des députés supprime les crédits destinés à la rémunération du bourreau et aux frais des exécutions capitales. Georges Clemenceau et son gouvernement jugent cependant que l’abolition ne peut être acquise par cette voie détournée. Son garde des Sceaux, Guyot-Dessaigne, dépose alors un projet de loi tendant à abolir la peine de mort. Ce projet de loi est accompagné de deux propositions de loi de Joseph Reinach et Paul Meunier allant dans le même sens.
Le projet du gouvernement remplace la sentence capitale par une peine d’internement perpétuel (six années de cellule puis détention à vie dans une maison de force spéciale). Le rapport sur ce texte est adopté en 1907. Mais en septembre 1907, la grâce présidentielle d’Albert Soleilland, condamné à mort deux mois plus tôt pour avoir violé et assassiné la fillette de ses voisins, suscite l’émoi et le mécontentement de la population, jusqu’alors de plus en plus favorable à l’abolition. Le Petit Parisien, journal anti-abolitionniste, lance une pétition, qui recueille les signatures d’un million de personnes qui ont écrit pour dire "vive la guillotine ! ".
Un nouveau rapporteur du projet de loi est nommé, qui conclut contre l’abolition. Le débat sur la peine de mort est inscrit à la Chambre des députés, qui doit se prononcer sur le projet du gouvernement mais aussi sur les propositions de loi de Reinach (suppression de la peine de mort remplacée par les travaux forcés) et Meunier (maintien de la peine de mort avec création d’une nouvelle peine, l’internement, le choix entre les deux peines dépendant de l’admission des circonstances atténuantes).
Les débats débutent le 3 juillet 1908. Aristide Briand, nouveau garde des Sceaux, soutenu par le président de la République, défend le projet de loi du gouvernement Clemenceau.(nouvelle fenêtre) Il s’oppose notamment à Maurice Barrès, ardent anti-abolitionniste.
Aristide Briand s’appuie sur les statistiques et la criminologie moderne pour démontrer que la peine de mort ne dissuade pas les criminels :
"On a dit que bien des malfaiteurs redoutaient la peine de mort et que, si elle n’existait pas, ils commettraient un plus grand nombre de crimes. On l’a affirmé, on ne l’a pas prouvé. Je me suis efforcé de démontrer par les chiffres et des faits que là où la peine de mort a été supprimée, on n’a pas pu constater une recrudescence dans les grands crimes qui étaient antérieurement passibles de cette peine, et je dis que c’est une démonstration.
Quand on connaît le milieu où se commettent ces meurtres, quand on a interrogé les hommes qui le fréquentent par devoir professionnel, on apprend ceci : le malfaiteur va à son méfait avec la conviction, avec la certitude qu’il ne sera pas pris ; voilà la vérité".
....
"M. Barrès disait : il faut avoir le courage des responsabilités ; il ne faut pas craindre de punir et même de punir jusqu’à la mort. Cette responsabilité est aisée à prendre. Il n’est pas difficile de livrer un homme à l’exécuteur des hautes œuvres. Quand l’opinion publique est excitée comme elle l’est en ce moment, quand elle exige impérieusement du sang, lui obéir, c’est un geste commode. Les responsabilités sont bien plus lourdes quand il s’agit de remonter les courants de l’opinion publique. Il faut plus de courage pour lui résister que pour se laisser dominer par l’aveuglement de la foule. J’ai abordé ce problème sans passion et sans parti pris. Cette question est de celles qui devraient pouvoir être discutées avec le plus de sang froid dans cette Assemblée. Personne n’a le monopole des sentiments d’humanité, de générosité, de pitié ; ils sont répandus dans tous les partis ; il y a des adversaires de la peine de mort sur tous les bancs de cette Chambre. On peut donc examiner cette question sans se suspecter les uns les autres d’intentions plus ou moins mauvaises. Pour ma part, j’ai étudié la question au point de vue de l’utilité de la peine. Je me suis dit : si les chiffres de la criminalité, soit en France, soit à l’étranger, démontrent qu’il serait imprudent de supprimer la peine de mort en ce moment, s’il m’apparaît qu’elle a une puissance d’intimidation, eh bien ! je le dirai à la Chambre et je renoncerai à soutenir le projet du Gouvernement. C'est parce que, de tous les documents que j'ai consultés, il est résulté clairement pour moi que la peine de mort était inefficace, qu’elle n’était pas intimidante, comme on l’a dit, que je me suis présenté devant vous pour tâcher de vous faire participer à la conviction profonde qui s’est faite en moi".
D’autres abolitionnistes comme Joseph Reinach, Paul Deschanel ou Jean Jaurès prennent la parole.(nouvelle fenêtre)Malgré tous ces plaidoyers en faveur de l’abolition et une assemblée majoritairement à gauche, la peine de mort est maintenue par 330 voix contre 201 le 8 décembre 1908.
Il faut attendre 70 ans pour que le débat soit relancé à l’Assemblée nationale. Plus...
Ce courant pour l’abolition est soutenu sur le plan parlementaire. En 1906, pour obtenir du Parlement un vote favorable à l’abolition, la Commission du budget de la Chambre des députés supprime les crédits destinés à la rémunération du bourreau et aux frais des exécutions capitales. Georges Clemenceau et son gouvernement jugent cependant que l’abolition ne peut être acquise par cette voie détournée. Son garde des Sceaux, Guyot-Dessaigne, dépose alors un projet de loi tendant à abolir la peine de mort. Ce projet de loi est accompagné de deux propositions de loi de Joseph Reinach et Paul Meunier allant dans le même sens.
Le projet du gouvernement remplace la sentence capitale par une peine d’internement perpétuel (six années de cellule puis détention à vie dans une maison de force spéciale). Le rapport sur ce texte est adopté en 1907. Mais en septembre 1907, la grâce présidentielle d’Albert Soleilland, condamné à mort deux mois plus tôt pour avoir violé et assassiné la fillette de ses voisins, suscite l’émoi et le mécontentement de la population, jusqu’alors de plus en plus favorable à l’abolition. Le Petit Parisien, journal anti-abolitionniste, lance une pétition, qui recueille les signatures d’un million de personnes qui ont écrit pour dire "vive la guillotine ! ".
Un nouveau rapporteur du projet de loi est nommé, qui conclut contre l’abolition. Le débat sur la peine de mort est inscrit à la Chambre des députés, qui doit se prononcer sur le projet du gouvernement mais aussi sur les propositions de loi de Reinach (suppression de la peine de mort remplacée par les travaux forcés) et Meunier (maintien de la peine de mort avec création d’une nouvelle peine, l’internement, le choix entre les deux peines dépendant de l’admission des circonstances atténuantes).
Les débats débutent le 3 juillet 1908. Aristide Briand, nouveau garde des Sceaux, soutenu par le président de la République, défend le projet de loi du gouvernement Clemenceau.(nouvelle fenêtre) Il s’oppose notamment à Maurice Barrès, ardent anti-abolitionniste.
Aristide Briand s’appuie sur les statistiques et la criminologie moderne pour démontrer que la peine de mort ne dissuade pas les criminels :
"On a dit que bien des malfaiteurs redoutaient la peine de mort et que, si elle n’existait pas, ils commettraient un plus grand nombre de crimes. On l’a affirmé, on ne l’a pas prouvé. Je me suis efforcé de démontrer par les chiffres et des faits que là où la peine de mort a été supprimée, on n’a pas pu constater une recrudescence dans les grands crimes qui étaient antérieurement passibles de cette peine, et je dis que c’est une démonstration.
Quand on connaît le milieu où se commettent ces meurtres, quand on a interrogé les hommes qui le fréquentent par devoir professionnel, on apprend ceci : le malfaiteur va à son méfait avec la conviction, avec la certitude qu’il ne sera pas pris ; voilà la vérité".
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"M. Barrès disait : il faut avoir le courage des responsabilités ; il ne faut pas craindre de punir et même de punir jusqu’à la mort. Cette responsabilité est aisée à prendre. Il n’est pas difficile de livrer un homme à l’exécuteur des hautes œuvres. Quand l’opinion publique est excitée comme elle l’est en ce moment, quand elle exige impérieusement du sang, lui obéir, c’est un geste commode. Les responsabilités sont bien plus lourdes quand il s’agit de remonter les courants de l’opinion publique. Il faut plus de courage pour lui résister que pour se laisser dominer par l’aveuglement de la foule. J’ai abordé ce problème sans passion et sans parti pris. Cette question est de celles qui devraient pouvoir être discutées avec le plus de sang froid dans cette Assemblée. Personne n’a le monopole des sentiments d’humanité, de générosité, de pitié ; ils sont répandus dans tous les partis ; il y a des adversaires de la peine de mort sur tous les bancs de cette Chambre. On peut donc examiner cette question sans se suspecter les uns les autres d’intentions plus ou moins mauvaises. Pour ma part, j’ai étudié la question au point de vue de l’utilité de la peine. Je me suis dit : si les chiffres de la criminalité, soit en France, soit à l’étranger, démontrent qu’il serait imprudent de supprimer la peine de mort en ce moment, s’il m’apparaît qu’elle a une puissance d’intimidation, eh bien ! je le dirai à la Chambre et je renoncerai à soutenir le projet du Gouvernement. C'est parce que, de tous les documents que j'ai consultés, il est résulté clairement pour moi que la peine de mort était inefficace, qu’elle n’était pas intimidante, comme on l’a dit, que je me suis présenté devant vous pour tâcher de vous faire participer à la conviction profonde qui s’est faite en moi".
D’autres abolitionnistes comme Joseph Reinach, Paul Deschanel ou Jean Jaurès prennent la parole.(nouvelle fenêtre)Malgré tous ces plaidoyers en faveur de l’abolition et une assemblée majoritairement à gauche, la peine de mort est maintenue par 330 voix contre 201 le 8 décembre 1908.
Il faut attendre 70 ans pour que le débat soit relancé à l’Assemblée nationale. Plus...