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Formation Continue du Supérieur
24 novembre 2019

L’influence de la papauté dans le monde - Une diplomatie de coopération

Accueil - Vie PubliqueLa double mission des légats (nonces) établit avec clarté l’ordre des priorités de l’appareil diplomatique pontifical et donc la hiérarchie de ses intérêts. Le cardinal français Jean-Louis Tauran (1943-2018), président du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux et membre de la seconde section de la Secrétairerie d’État, avait parfaitement défini les buts de la diplomatie vaticane.
Évoquant en 2003 le dialogue permanent avec l’autorité civile, le prélat romain estimait que « l’Église a trois préoccupations :
  • que l’organisation du culte et de la pastorale ainsi que la nomination des évêques puissent s’effectuer en toute liberté, sans aucune interférence de la part du pouvoir ;
  • que les relations Église-société soient inspirées par une saine coopération : sans subordination ou confusion et sans que cela nuise aux citoyens qui professent une autre religion ou qui ont une conviction idéologique différente ;
  • que la liberté religieuse soit comprise également dans sa dimension sociale : pas seulement la liberté de culte. La liberté des fidèles de pratiquer leur foi en privé et en communauté ne se conçoit pas sans la liberté de l’Église. »
Les trois objectifs commandent une pratique diplomatique spécifique : la coopération. État vestige privé des ressorts habituels de l’exercice de la puissance, à commencer par l’outil militaire, ne disposant pas non plus de moyens de coercition économique et financière, le pontife romain est en réalité, à première vue, à la tête d’une entité, et dont l’offre de coopération, en retour d’une liberté de religion reconnue pour les catholiques, est l’atout majeur.
Le cadre privilégié des relations diplomatiques pontificales est donc prioritairement bilatéral (relations Saint-Siège-État), dans une perspective de coopération. La recherche d’une reconnaissance du Saint-Siège par l’État via l’établissement d’un « traité », quelle que soit sa forme juridique réelle, permet d’encadrer l’interaction stratégique entre les deux protagonistes, de la stabiliser et de normaliser les relations dans le cadre d’un protocole d’accord.
Les relations entre le Saint-Siège et la Chine l’illustrent : l’accord provisoire de septembre 2018 sur la nomination d’évêques a été signé pour le Saint-Siège par le sous-secrétaire du Vatican pour les relations avec les États, Mgr Antoine Camilleri, et, pour Pékin, par Wang Chao, ministre adjoint des Affaires étrangères. Le caractère provisoire permet d’envisager « la possibilité d’un réexamen périodique de son application » et, selon le Saint-Siège, « crée les conditions d’une meilleure collaboration bilatérale ».
La « diplomatie des marges » du pape François est ici une diplomatie réaliste de mouvement qui intègre le déséquilibre des forces en présence, mais entend favoriser les points de convergence : « L’espoir partagé est que l’accord puisse favoriser un processus de dialogue institutionnel fructueux et tourné vers l’avenir et puisse contribuer positivement à la vie de l’Église catholique en Chine, au bien commun du peuple chinois et à la paix dans le monde », stipule l’accord.
Le déplacement du pape en Birmanie constitue un autre exemple de cette approche diplomatique et de ses limites. Critiquant depuis Rome ou lorsqu’il était au Bengladesh le sort dévolu à la minorité des Rohingyas, le pape s’est cependant abstenu de les mentionner lorsqu’il était en Birmanie, donnant la priorité aux relations Saint-Siège-État birman en vue de protéger d’abord et avant tout la minorité chrétienne du pays.
En novembre 2014, la visite du pape auprès du Parlement européen relevait de la même approche de coopération : « Je désire donc renouveler la disponibilité du Saint-Siège et de l’Église catholique – à travers la Commission des épiscopats de l’Union européenne (COMECE) – pour entretenir un dialogue profitable, ouvert et transparent avec les institutions de l’Union européenne. »
On ne saurait néanmoins réduire l’insertion internationale de l’Église catholique au seul rôle du Saint-Siège assisté de la curie romaine dans le cadre de relations bilatérales. À la diplomatie romaine dans des enceintes où s’exerce le multilatéralisme, s’ajoutent les congrégations religieuses à dimension transnationale et les ONG catholiques organisées à la fois à l’échelle étatique et mondiale – telles que Caritas Internationalis, Pax Christi International, communauté Sant’Egidio, CCFD-Terre solidaire, etc. – dont les liens avec le Saint-Siège relèvent de la dynamique des réseaux.
Le pape peut ainsi s’appuyer, au cas par cas, sur des structures d’influence relevant d’un jeu de coopération interne au service d’enjeux plus globaux ou de causes humanitaires. Plus...
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