16 novembre 2019
Europe des régions, des nations, fédérale ou confédérale ?
L’Union européenne : des frontières destinées à s’étendre ?
Cinq États ont officiellement le statut de candidat : la Turquie, le Monténégro et la Serbie, avec lesquels les négociations d’adhésion ont effectivement débuté ; la Macédoine (ancienne République yougoslave de Macédoine) et l’Albanie, avec lesquelles les négociations d’adhésion ne sont pas encore ouvertes (en 2018). L’Islande a retiré sa candidature en mars 2015.
Pour la Turquie, les négociations pour l’adhésion ont commencé en octobre 2005. Elles piétinent depuis 2008, à la fois en raison de blocages du côté turc – notamment sur la question de Chypre et sur la liberté d’expression –, mais aussi du fait du manque d’empressement de certains États membres de l’UE. Elles sont aujourd’hui compromises du fait d’un raidissement du régime turc depuis 2016.
D’autres pays sont en attente d’obtenir le statut d’État candidat : la Bosnie-Herzégovine et le Kosovo.
Avec l’Ukraine, autre voisin de l’Union, l’UE doit définir clairement les relations qu’elle souhaite nouer, de même qu’avec la Russie. Désire-t-on établir un partenariat économique ou envisage-t-on aussi un élargissement à ces pays ? Auquel cas les frontières de l’Union seraient alignées sur celles du Conseil de l’Europe sous réserve d’admettre les États du Caucase (Géorgie, Arménie, Azerbaïdjan).
L’UE a déjà mis en place un processus de stabilisation et d’association dans les Balkans. Ce processus, à la fois bilatéral et régional, vise à créer un climat de confiance entre les Républiques de l’ex-Yougoslavie, seul à même de stabiliser la région et de leur apporter la croissance économique. La perspective de rejoindre à terme la grande famille des démocraties européennes constitue une source de motivation supplémentaire.
Enfin, des États comme la Norvège ou la Suisse, qui ont jusqu'à présent préféré rester en marge de l’Union, pourraient être tentés d’en devenir membres. En effet, ces pays sont tenus de respecter, dans leurs échanges commerciaux, les réglementations européennes sans avoir la possibilité de peser sur leur contenu lors de leur adoption. L’adhésion ne pourrait de ce point de vue que leur profiter.
Après le Brexit, voté par les citoyens britanniques le 23 juin 2016 et dont la date butoir était fixée en mars 2019 (mais a finalement été repoussée de quelques mois), les frontières de l’UE vont rétrécir pour la première fois de son histoire. Le retrait volontaire d’un État membre, prévu à l’article 50 TUE introduit par le traité de Lisbonne, ne s’est en effet jamais produit jusqu'à présent. Plus...
Les frontières de l’Europe et de l’Union européenne - L’histoire
Ce que l’on a appelé et ce que l’on appelle l’Europe ne relève pas d’un déterminisme géographique, mais renvoie à l’histoire. Le substrat gréco-latin, le legs judéo-chrétien ont forgé une identité, et les clivages monde catholique/monde orthodoxe, chrétienté/islam ont distingué des aires de civilisation. De plus, depuis le XVIIIe siècle, la plupart des États appartenant à l’UE ont connu, avec des temporalités et des intensités diverses, des évolutions historiques voisines : mouvement des Lumières, révolutions, naissance de l’État moderne, industrialisation, apparition des démocraties et confrontation de celles-ci avec des régimes dictatoriaux ou totalitaires, deux guerres mondiales, naissance de l’État-providence... Ou à tout le moins, compte tenu notamment de la fracture Est/Ouest de la seconde moitié du XXe, se sont-ils situés par rapport à elles. Les grands courants artistiques ont bien évidemment contribué eux aussi à l’affirmation de sensibilités partagées.
La candidature de la Turquie – celle du Maroc présentée en 1987 a été refusée – a relancé ce débat autour d’une définition de ce qui est européen et de ce qui ne l’est pas. Lié à la CEE par un accord d’association en 1963, ce pays s’est vu reconnaître le statut de candidat officiel en décembre 1999, lors du Conseil européen d’Helsinki. En décembre 2004, les chefs d’État et de gouvernement des Vingt-Cinq ont décidé d’ouvrir des négociations d’adhésion avec Ankara le 3 octobre 2005. Le fait que la Turquie soit un pays musulman – mais sa Constitution affirme que l’État est laïc – ne peut être un obstacle à son adhésion, le traité de Lisbonne ne comportant au demeurant aucune référence à une religion particulière. Le respect des critères dits de Copenhague, parmi lesquels l’État de droit et la garantie des droits de l’homme, est en revanche un critère essentiel pour juger d’une possible adhésion de ce pays dont les progrès en matière de démocratisation ont été indéniables à la fin des années 1990 et au début des années 2000.
Si cette candidature turque a semblé recevoir l’aval des États européens depuis plusieurs décennies (l’accord d’association dès 1963 évoquant une éventuelle adhésion), cela s’explique notamment par le rôle qu’a joué la Turquie, de par sa position géographique stratégique et son adhésion à l’OTAN, lors de la Guerre froide. On a aussi pu faire valoir l’intérêt qu’il y aurait à ce qu’un pays musulman, doté d’institutions démocratiques, entre dans l’UE. Mais il est aussi possible d’objecter que son entrée serait difficilement compatible avec l’objectif d’une Europe puissance, laquelle a bien du mal déjà à progresser, et que si l’Europe est un espace politique qui a potentiellement vocation à s’étendre, il conviendrait d’abord de le stabiliser pendant un certain temps pour qu’il s’affirme pleinement.
Depuis quelques années cependant, on assiste à une évolution autoritaire du régime turc qui rend cet élargissement de plus en plus improbable dans un avenir proche (atteintes à la liberté de la presse et à la liberté d’expression notamment).
Quoi qu’il advienne de ce débat concernant la Turquie, remarquons encore ici la prééminence indiscutable de la politique sur la géographie pour décider des frontières de l’Union européenne. Plus...
Les frontières de l’Europe et de l’Union européenne - La géographie
S’agissant de la Turquie, en revanche, le Bosphore et la mer de Marmara séparent, pour le géographe, son petit territoire européen, constitué de la Thrace orientale, de l’Anatolie asiatique qui représente 97% de la surface du pays. Plus...
Les frontières de l’Europe et de l’Union européenne
Le "soft power" de l’Union européenne - Des acquis à préserver malgré la crise
La crise n’a cependant pas empêché les règles du marché unique de continuer à s’exporter. En mai 2018, l’entrée en vigueur du Règlement général sur la protection des données (RGPD) définitivement adopté en 2016 permet ainsi à l’Union de protéger ses citoyens contre les pratiques abusives des géants du Net, y compris les grandes entreprises américaines qui se voient contraintes de le respecter pour pouvoir poursuivre leurs activités au sein de l’UE. Par ailleurs, des voix s’élèvent désormais aux États-Unis même pour demander l’adoption d’une loi similaire pour protéger les citoyens américains. Plus...
Le "soft power" de l’Union européenne - Une politique d’élargissement qui favorise la démocratisation
Les pays de l’Est, qui ont souhaité adhérer à l’Union après la chute des régimes communistes, ont ainsi dû adopter les normes démocratiques de leurs voisins de l’Ouest et signer entre eux des accords de respect de leurs minorités respectives, ce qui a été un facteur essentiel de la stabilisation de cette région aux populations enchevêtrées depuis le tracé des frontières issu de la Première Guerre mondiale.
La Turquie, quant à elle, candidate reconnue depuis 1999, a lancé au début des années 2000 de profondes réformes : abolition de la peine de mort et de la torture, mais aussi reconnaissance de la minorité kurde et de son droit à parler sa langue. C’est d’ailleurs sous la pression de l’UE qu’en 2002 le gouvernement turc a commué la peine de mort du leader kurde Abdullah Öcalan prononcée en 1999. Cependant, depuis une dizaine d’années, la perspective de l’adhésion de la Turquie s’éloigne du fait d’erreurs des deux parties et de l’évolution politique intérieure du pays, le gouvernement actuel répondant de moins en moins aux critères d’entrée dans l’UE. Enfin, dans la perspective de son adhésion, la Croatie a dû notamment faire preuve d’une meilleure coopération avec le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, ce qui a facilité la capture en décembre 2005 d’un des criminels les plus recherchés de l’ex-Yougoslavie, le général croate Ante Gotovina, condamné en 2011 puis acquitté en appel en novembre 2012.
Dès lors, la politique d’élargissement de l’UE est sans doute le maillon le plus efficace de sa politique étrangère. Elle lui permet de favoriser la démocratisation et la pacification de son pourtour et de modifier substantiellement la gouvernance de ses voisins. Pour autant, une limite géographique existe à cette « puissance-influence » dans la mesure où elle ne peut s’exercer que sur les pays ayant vocation à rejoindre un jour l’UE mais ne peut pas avoir d’impact sur des États plus éloignés, tels la Russie ou la Corée du Nord, par exemple.
Enfin, on constate que si les critères politiques pour adhérer sont un facteur de démocratisation, certains pays membres se réclament aujourd'hui de l’“illibéralisme” (Hongrie, Pologne), montrant ainsi la difficulté de l’UE à faire respecter ses valeurs dans ses propres rangs.
En revanche, sa capacité à exporter ses règles économiques ou sanitaires est mondiale et concerne tous les États ou entreprises commerçant avec elle. Plus...
Le "soft power" de l’Union européenne - Un poids commercial qui donne à l’UE un pouvoir de négociation
Par ailleurs, et pour les mêmes raisons, de plus en plus d’agriculteurs américains cherchent à répondre aux exigences de la PAC en termes de sécurité alimentaire, et nombre d’entreprises extra-européennes se plient aux réglementations de la directive REACH de 2007 sur les produits chimiques. Avoir réussi à fonder un grand marché intérieur aux normes unifiées représente dès lors un atout indéniable pour les Européens qui parviennent, par ce biais, à influencer leurs partenaires commerciaux et à exporter leurs normes juridiques.
Il en va de même de la politique commerciale commune qui a permis à la Communauté puis à l’Union d’aboutir, lors des négociations du GATT puis de l’OMC, à des compromis que les pays pris séparément n’auraient sans doute pas obtenus. Là encore, le poids du marché européen a joué en faveur de l’UE et lui a donné une puissance de négociation commerciale importante. On peut citer à cet égard l’exemple de l’accord d’autolimitation des exportations automobiles du Japon vers la Communauté dans les années 1980, ou encore l’exclusion des biens culturels des accords du GATT en 1993. Alors que les États-Unis voulaient appliquer à la culture les règles de concurrence du GATT et ainsi interdire les subventions publiques ou les quotas de diffusion d’œuvres nationales, la France, à la pointe de ce combat, a réussi à rallier ses partenaires européens et à faire de cette bataille celle de l’UE tout entière dans le cadre de la politique commerciale. C’est cette solidarité et le fait que l’Europe a parlé d’une seule voix qui ont permis d’aboutir à cette « exception culturelle ». Plus...