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Formation Continue du Supérieur
31 décembre 2018

Les bases de Bologne - Italie : Le processus de Sorbonne Bologne, vecteur d’une profonde réforme de l’enseignement supérieur

Screenshot-2018-4-21 Journal de mise en ligne - ESR enseignementsup-recherche gouv frAvant la réforme de 2000-2001, l’enseignement supérieur italien se caractérisait par le fait que :
- les études universitaires conduisaient à l’obtention d’un diplôme unique, la Laura (conférant le titre de Dottore) après une durée théorique de 4, 5 ou 6 ans d’études selon les disciplines ;
- le «doctorat de recherche », quant à lui, n’avait vu le jour qu’à partir du début des années 1980 ;
- la tentative d’introduire un diplôme intermédiaire dans le cadre de la réforme Ruberti (au début des années 90) n’avait guère été suivie d’effets ;
- la durée moyenne d’études des étudiants était beaucoup plus élevée que dans la plupart des autres pays, les étudiants étant libres de passer les examens requis par l’obtention de la Laurea au rythme de leur choix ;
- l’augmentation de l’écart entre le nombre de jeunes s’inscrivant dans l’enseignement supérieur et le nombre total d’étudiants mettait en évidence la faible efficience de l’enseignement supérieur italien ; qui plus est, une part importante des étudiants finissait par quitter l’université sans diplôme ;
- les universités avaient alors peu d’autonomie au regard de leur organisation interne en facoltà (en charge des formations) et, depuis le début des années 80, en départements de recherche (décidant de l’usage des fonds pour la recherche par champs disciplinaires) : ce n’est qu’au début des années 1990, avec la réforme Ruberti, qu’elles ont pu créer ou supprimer des facultés ;
- confié presque exclusivement aux universités, l’enseignement supérieur connaissait un faible degré de différenciation(*)  – à la différence par exemple de la France (universités – grandes écoles) ou de l’Allemagne où l’enseignement universitaire coexistait avec la formation supérieure en alternance ;
- le monde académique ou plutôt le corps des professeurs avait une position oligarchique majeure dans le pays (la formation tardive de l’Etat italien avait pris appui sur ce corps qui lui préexistait pour se renforcer), mais cette oligarchie académique opposait des conservateurs, issus des facultés de droit et de médecine, et des modernistes, plus ouverts à l’international et issus des facultés de sciences et des sciences sociales ;
- le monde politique était – et est encore dans une moindre mesure – constitué d’une part importante d’universitaires, ceux-ci ayant longtemps été plus soucieux de préserver leur corps que de moderniser l’enseignement supérieur du pays.
En 1996, pour la première fois depuis la guerre, les élections portent au pouvoir un gouvernement de centre gauche dirigé par le professeur Romano Prodi. Celui-ci s’est fortement engagé pour réformer l’éducation et, en particulier, l’enseignement supérieur, et pour faire entrer l’Italie dans l’Europe du Traité de Maastricht. Réformiste, l’ex recteur de l’université de Sienne et brièvement ministre des universités et de la recherche du gouvernement Ciampi entre 1993-1994, Luigi Berlinguer est nommé ministre de l’instruction publique du gouvernement Prodi.
Il charge alors une quinzaine d’universitaires connus pour leurs réflexions ou travaux sur l’enseignement supérieur de concevoir une réforme stratégique que le monde économique et les syndicats considèrent également comme nécessaire. La commission Martinotti propose ainsi une structuration des études à la française, avec un diplôme à 2 ans, un diplôme à 3 ans et une Laurea à 4 ou 5 ans. Fin 1997, l’industrie, la conférence des recteurs (CRUI), des experts de l’OCDE, s’attachent à conforter la légitimité de cette proposition dans les médias.
Mais, en France, profitant de l’opportunité du 8ème centenaire de la Sorbonne, le ministre Claude Allègre s’attache à porter au niveau européen une réforme de la structuration des études en deux niveaux, sur un modèle comparable avec celui du monde anglo-saxon : il sait qu’elle pourrait aller dans le sens des réflexions conduites par ses homologues allemand, le ministre fédéral, Jürgen Rüttgers, et italien (la ministre britannique Tessa Blackstone n’est impliquée que quelques semaines avant la Cérémonie de la Sorbonne). Luigi Berlinguer accepte alors de revoir son projet et opte pour une structuration à deux niveaux.
Parallèlement, en juillet 1998, une réforme ouvre la voie à des promotions massives des personnels académiques, alors que depuis plusieurs années celles-ci étaient bloquées. Les procédures de promotion sont de plus modifiées, de sorte que les « barons » disciplinaires au niveau national voient leur influence amoindrie. En 5-6 ans la répartition entre les corps académiques de professeurs, professeurs associés et chercheurs passe de 25%, 35% et 40 % à 31,5%, 31,5% et 37%.  Sans de telles promotions, l’introduction des nouveaux cursus structurés en 2 temps aurait sans doute été très difficile.
La mise en œuvre de la réforme se trouve affaiblie fin 1998 par la chute du gouvernement Prodi, le ministre du gouvernement D’Alema qui lui succède en charge des universités n’ayant pas la même implication en sa faveur. Cependant la signature de la Déclaration de Bologne en juin 1999 par 29 pays redonne toute sa légitimité à la réforme, et c’est un décret publié en novembre 1999 qui rend obligatoire à partir de 2000-2001 la structuration des études à deux niveaux, correspondant aux diplômes de Laurea triennale et de Laurea specialistica. Une telle obligation heurte de front le principe de l’autonomie didactique affirmé par la réforme Ruberti. Mais, face à la menace que le retour au pouvoir de la droite de Berlusconi fait alors planer, elle apparaît nécessaire et sa mise en œuvre s’effectue sans obstacle. Le processus de la Sorbonne – Bologne est ainsi en Italie le vecteur de la réussite d’une réforme majeure de l’enseignement supérieur comme aucun gouvernement n’avait pu auparavant la mener.
Sources :
- Ballarino G. et Perotti P., « The Bologna Process in Italy », in European Journal of Education, vol. 47, n°3, 2012.
- Martinotti G., Un contributo sul "3 + 2",  
- Vaira 
M., La costruzione della Riforma universitaria e dell’autonomia didattica : Idee, norme, pratiche, attori, 2011. Plus...
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