ogo2003modifII. Pour une plus grande reconnaissance et un meilleur accompagnement des enseignants-chercheurs dans l'ensemble de leurs missions
Chapitre II Les hypothèses d’évolution des droits d’inscription universitaires
III - Les implications des différentes modalités d’évolution des droits d’inscription universitaires
A - Une option à écarter : la suppression des droits

L’option d’une suppression des droits d’inscription universitaires peut paraître antinomique avec les développements relatifs au besoin de financement affiché par les acteurs de l’ESR. Cependant, dans la mesure où une telle option a pu être avancée dans le débat public, la Cour en a analysé les implications.
En première analyse, une telle mesure pourrait contribuer à l’atteinte des objectifs nationaux de l’enseignement supérieur. Elle concourerait, en particulier, à la réalisation d’un des objectifs formulé par la Stratégie nationale de l’enseignement supérieur (STRANES), consistant à « élever les niveaux de qualification » de la population en atteignant, d’ici 2025, « 60 % de diplômés de l’enseignement supérieur dans une classe d’âge (…) ».
Sur le plan financier, la suppression des droits d’inscription à l’université augmenterait le pouvoir d’achat des étudiants, qui enregistrerait un gain net équivalent aux droits acquittés (soit, pour 2018-2019, 170 € pour les étudiants inscrits en licence, 243 € pour les étudiants inscrits en master, etc.).
Sa mise en oeuvre par voie législative (une disposition en loi de finances permettant de modifier l’article 48 de la loi de finances du 24 mai 1951) permettrait une application immédiate, lors de la rentrée universitaire la plus proche.
Enfin, pour les établissements, la suppression des droits d’inscription permettrait un allègement des tâches administratives de détermination et de recouvrement des droits.
Cependant, un tel choix impliquerait un effort budgétaire additionnel conséquent pour l’État. L’hypothèse d’une gratuité totale des études universitaires, pour les formations conduisant aux diplômes nationaux, reviendrait à étendre à l’ensemble des étudiants le régime d’exonération appliqué actuellement aux seuls boursiers sur critères sociaux. Elle engendrerait un « manque à gagner » direct pour les universités correspondant aux recettes non perçues, évaluées à 342 M€, selon les estimations pour 2018-2019.
Une hypothèse de gratuité limitée aux cursus de licence générale priverait les universités de 174 M€ en 2018-2019 (cf. annexe n° 11). Cette piste impliquerait une compensation intégrale par l’État via les crédits du programme 150. Elle ferait supporter par son budget la quasi-totalité de la charge de financement des établissements. Le montant de la compensation serait renforcé par les effets du pic démographique prochain.
Enfin, une telle hypothèse est peu compatible avec le modèle français d’enseignement supérieur, comme le montrent les comparaisons internationales. La gratuité des droits est pratiquée dans plusieurs États européens, mais s’intègre dans des modes d’organisation et de financement de l’enseignement supérieur caractérisés notamment par une spécificité notable : une forte sélection pour l’accès à l’université.
Gratuité et sélection : les cas suédois et allemands
En Suède, en complément du niveau de connaissances générales sanctionné par un certificat de fin d’études secondaires, des exigences spécifiques (niveau en mathématiques, en langues, etc.) peuvent être imposées aux candidats à l’entrée dans les études supérieures. Si le nombre de candidats est supérieur au nombre de places disponibles, des critères de sélection supplémentaires sont utilisés pour choisir les candidats admis.
Si la gratuité à l’université est appliquée dans l’ensemble des Länder allemands depuis 2014-2015, les universités peuvent pratiquer la sélection dès lors qu’elles ont plus de demandes que de places ouvertes dans certaines filières. Dans ce cas, les établissements prennent en compte la moyenne obtenue à l’Abitur (le baccalauréat allemand) pour classer les candidats. Le modèle allemand de gratuité des études à l’université présente toutefois la caractéristique de s’appliquer à un nombre d’étudiants plus réduit qu’en France. Si l’obtention de l’Abitur est en principe le seul prérequis à l’entrée à l’université, seuls 55 % des élèves d’une génération obtiennent ce diplôme à la sortie de l’enseignement secondaire, contre 80 % pour le baccalauréat en France. Les élèves allemands inscrits dans des formations professionnelles dans le secondaire ne peuvent pas s’inscrire directement à l’université et n’ont accès qu’aux formations professionnelles du supérieur, dont la qualité permet en tout état de cause une bonne employabilité.
Ainsi, au vu des enseignements des modèles étrangers, l’hypothèse d’une gratuité totale des études devrait s’accompagner, dans le cas des universités françaises, de la mise en oeuvre d’une régulation renforcée dans l’accès aux études supérieures et/ou dans l’orientation des étudiants entre les filières, qui pourrait aboutir à laisser des effectifs importants sans parcours encore organisé vers l’insertion professionnelle.
Au regard de l’ensemble de ces considérations, l’option d’une suppression des droits d’inscription universitaires est à écarter. Elle ne paraît pas acceptable au plan financier et ne correspond pas au modèle français d’accès à l’enseignement supérieur.
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