03 janvier 2018

Que faire? (2/4)

https://p1.storage.canalblog.com/16/04/1154600/118663161.jpegDeuxième partie.
Si vous avez raté le début.
Définir une stratégie collective pour que l’Université et la recherche sortent du marasme, de la bureaucratisation et de la passivité suppose d’être dotés au préalable d’une représentation correcte du monde [1]. Si l’on se fie à la multiplication des craquements dans le vernis, le modèle de société néolibérale est entré en crise, raison pour laquelle il importe d’analyser cette représentation idéologique et ses effets, en partant de l’exemple français. Répertoriant décalages et béances entre libéralisme et néolibéralisme, nous sommes arrivés à une nouvelle série de questions. D’où provient l’adhésion au néolibéralisme ? Pourquoi a-t-il créé une telle inflation bureaucratique, un tel vide de sens, une telle anomie ?
Je, néant, vide, rien.
Pour prendre la pleine mesure du spectaculaire renversement de perspective opéré par les néolibéraux allemands entre 1935 et 1945 [2], il convient de se figurer le marasme profond dans lequel furent plongés les tenants de l’économie de marché pendant la Grande Dépression des années 1930. La conflictualité très vive depuis le Printemps des peuples de 1848 a alors imposé une représentation du monde fondée sur l’existence de classes sociales antagonistes et en particulier du prolétariat, constitué des travailleurs dépossédés par le salariat du fruit de leur travail. La théorie marxiste a ainsi popularisé l’idée selon laquelle la division du travail et le fétichisme de la marchandise ont conduit à la dégradation de l’être en avoir, à la réification des biens et des personnes – c’est-à-dire à leur transformation en marchandise – et à la généralisation de formes de vies aliénées. Le coup de force théorique des néolibéraux allemands a consisté à repérer dans le nazisme, non ce qui fait sa singularité monstrueuse, mais au contraire ses points de continuité. Ils y reconnaissent tout de ce qui a été auparavant attribué à la société capitaliste libérale : la réduction des individus à une masse uniformisée et en même temps atomisée, réifiée par une communication réduite au jeu des signes et du Spectacle. Ils y voient ensuite une planification étatique qui relie le nazisme à l’interventionnisme du New Deal aux Etats-Unis, à la politique keynésienne du rapport Beveridge en Grande-Bretagne et aux plans quinquennaux soviétiques. Ils y voient, enfin, le point de divergence d’un processus qui conduit toute intervention économique de l’Etat à perturber les mécanismes de régulation interne, engendrant des dérèglements économiques plus grands encore. Ainsi, théorisent-ils, le désir aliéné d’ordre, d’autorité et donc de toujours plus d’Etat en période de crise se couple aux interventions économiques contre nature de l’Etat pour tenter de réguler un marché dont seule la libre concurrence est capable d’assurer l’efficience, et conduit inéluctablement à une croissance sans bornes de tout pouvoir étatique. Plus...
Posté par : pcassuto à - - Permalien [#]