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Formation Continue du Supérieur
22 mars 2016

Rapport n° 2015-073 - L’effet limité du renforcement de l’autonomie des établissements

Le rapport relatif au recrutement, au déroulement de carrière et à la formation des enseignants-chercheurs s’inscrit dans le cadre de l’article 74 de la loi du 22 juillet 2013 sur l’enseignement supérieur et la recherche qui  fait obligation au gouvernement de rendre compte de ces trois sujets au parlement. Il se situe dans un contexte de renforcement de l’autonomie des établissements d’enseignement supérieur et de concurrence internationale très marquée. Recrutement, déroulement de carrière et formation des enseignants-chercheurs.
L’effet limité du renforcement de l’autonomie des établissements

  • La loi LRU n’a pas remis en cause le partage des pouvoirs entre l’organe dirigeant de l’établissement et les instances nationales

La loi LRU de 2007, tout en étendant le champ de l’autonomie des établissements d’enseignement supérieur, en particulier en matière de gestion de leur masse salariale, n’a pas pour autant remis en cause les grands principes présidant au recrutement et au déroulement de la carrière des enseignants-chercheurs. Ces derniers sont toujours des fonctionnaires rémunérés sur des crédits d’État et « le recrutement et la carrière des enseignants-chercheurs restent inscrits dans un cadre commun, garant du caractère national du corps et réduisant d’autant les pouvoirs des établissements ».
D’une part, le mouvement de déconcentration accéléré des actes de gestion, qui a transféré aux présidents l’essentiel des décisions individuelles relatives à la carrière, bien qu’ayant une portée symbolique non négligeable, n’a pas eu d’effet réel sur la gestion des enseignants-chercheurs ; il a simplement modifié le niveau de l’autorité signataire des décisions administratives.
D’autre part, le CNU, a conservé ses prérogatives. L’autonomie des établissements qui les recrutent et dans lesquels les enseignants-chercheurs exercent leurs fonctions, continue à être limitée, en particulier si l’on compare la situation des établissements français à celle de la plus grande partie des établissements étrangers. Un rapport de l’association des universités européennes place ainsi la France à l’avant-dernier rang (devant la Grèce) sur vingt-huit pays pour ce qui concerne l’autonomie universitaire en matière de gestion du personnel.

  • Les évolutions ultérieures ont conduit à un rééquilibrage au profit des enseignants-chercheurs

Le processus de recrutement prévu par le décret du 10 avril 2008 pris sur le fondement de la loi LRU, donnait la prééminence à l’établissement en matière de recrutement : l’instance représentative de la discipline (le comité de sélection) ne formulait qu’un avis sur les candidatures, la fonction de jury étant exercée par l’organe représentant l’établissement (le conseil d’administration), et le président disposant d’un droit de véto sur les recrutements.
Or, l’intervention du Conseil constitutionnel et la jurisprudence du Conseil d’État ont conduit à remettre en cause le partage des compétences en matière de recrutement, prévu par la loi.
En considérant que « le principe d’indépendance des enseignants-chercheurs s’oppose à ce que le président de l’université fonde son appréciation sur des motifs étrangers à l’administration de l’université et, en particulier, sur la qualification scientifique des candidats retenus à l’issue de la procédure de sélection », le Conseil constitutionnel a restreint le champ du droit de véto du président.
En s’appuyant sur cette décision, le Conseil d’État, dans une jurisprudence constante, a rappelé que seuls les comités de sélection ont la qualité de jury et qu’il incombe au conseil d’administration (aujourd’hui au conseil académique) d’apprécier l’adéquation des candidatures à la stratégie de l’établissement, sans remettre en cause l’appréciation des mérites scientifiques des candidats retenus par le comité de sélection.
De même, alors que le président dispose désormais d’un pouvoir de proposition des membres des comités de sélection, le Conseil constitutionnel a rappelé que : « Le président ne dispose que d’un pouvoir de proposition ; qu’il doit tenir compte, dans ces propositions, du rang et des compétences des personnes et respecter un équilibre entre les enseignants de l’université et ceux qui exercent leurs fonctions dans d’autres universités ; qu’ainsi, son pouvoir de proposition est strictement encadré par la loi ; que la nomination des membres des comités de sélection ressortit à la seule compétence du conseil d’administration ».
La loi du 22 juillet 2013 puis le décret du 2 septembre 2014 ont tiré les conséquences de cette jurisprudence en consacrant les prérogatives des comités de sélection au détriment des instances de direction de l’établissement.
Inversement, on ne peut pas vraiment parler de rééquilibrage pour ce qui concerne l’intervention des présidents d’université en matière d’obligations de service des enseignants-chercheurs, bien au contraire. Le décret du 23 avril 2009, qui avait introduit dans le statut des enseignants-chercheurs le dispositif de la modulation de service (cf. troisième partie), encadrait déjà le pouvoir des présidents en prévoyant explicitement que cette modulation ne pouvait être mise en place qu’avec l’accord de l’intéressé.
Les dispositions du décret du 2 septembre 2014, qui réaffirment le caractère facultatif de la modulation dont l’instauration est conditionnée à l’accord écrit de l’enseignant-chercheur concerné, ont donc une portée plus symbolique que juridique et témoignent d’une volonté d’apaisement du MENESR. L’attachement des représentants des enseignants-chercheurs à cette confirmation atteste de la réticence d’une partie des enseignants-chercheurs58 à reconnaître les présidents d’université comme leurs employeurs.

  • Mais des souplesses nouvelles ont été introduites

La loi LRU a introduit un article L. 954-3 dans le code de l’éducation, qui prévoit que les présidents des établissements ayant accédé aux responsabilités et compétences élargies (RCE) peuvent recruter, en CDI ou en CDD, des agents contractuels pour occuper des fonctions techniques ou administratives correspondant à des emplois de catégorie A, mais également pour assurer des fonctions d’enseignement, de recherche ou d’enseignement et de recherche.
Ces dispositions permettent donc à tous les établissements passés aux RCE de recruter des enseignants-chercheurs contractuels (après avis d’un comité de sélection constitué selon des règles plus souples que celles qui encadrent le recrutement des enseignants-chercheurs titulaires), ce qui jusqu’à présent n’était pratiqué, sans fondement juridique, que dans les universités de technologie.
Ce dispositif qui avait suscité de vifs échanges lors des débats parlementaires de la loi LRU, avait pour objectif principal de favoriser la venue dans les établissements d’universitaires et de chercheurs étrangers de haut niveau, ainsi que le retour de post doctorants français prometteurs. Il s’agissait ainsi de pouvoir leur offrir des conditions de rémunération et d’organisation de leurs obligations de service attractives et concurrentielles au niveau international. Il n’est pas encore possible de mesurer précisément le niveau d’utilisation de ce dispositif. Le nombre de contractuels LRU effectuant des fonctions d’enseignement ou d’enseignement et de recherche comptabilisé par le MENESR au cours de l’année 2013-2014 était de 80260 mais les remontées d’information des établissements ne sont, semble-t-il, pas encore complètement stabilisées sur ce point.
Un rapport récent de l’IGAENR a montré une grande variété des volumes de recrutement et des modalités de mise en oeuvre du dispositif selon les établissements. Il apparaît en particulier que des universités, notamment parmi les plus actives en recherche, y ont recours dans une perspective qui, en répondant à l’objectif initial (attirer des enseignants-chercheurs de haut niveau), conduit, d’une certaine façon à introduire un mécanisme très proche de celui du « tenure track » (cf. ci-dessus), dans le système universitaire français.
Il s’agit en effet pour ces établissements de recruter des doctorants prometteurs, souvent sur le « marché » international, de leur offrir, dans le cadre d’un CDD, des conditions en matière d’obligations de service propices au développement de leurs recherches, puis, à l’issue de quelques années de cette « mise à l’essai » (deux ou trois ans en général), d’ouvrir à leur intention des concours soit de MCF soit de PR. Cette pratique de recrutement, encore utilisée de façon restreinte, intéresse cependant de plus en plus d’établissements soucieux de s’assurer de la qualité de leurs recrutements. L’École d’économie de Toulouse de l’université Toulouse 1, a ainsi indiqué ne quasiment plus procéder à des recrutements directs de MCF et leur préférer des recrutements d’enseignants-chercheurs en « CDD LRU » de trois ans renouvelables, débouchant généralement sur une titularisation par concours sur un poste de PR de 2ème classe (PR2) ou sur un CDI.
L’Université de Bordeaux a mis en place un double dispositif de « chaires juniors » destinées à de brillants candidats dans la perspective d’un recrutement ultérieur en tant que titulaires lors de la campagne d’emplois classique, et de « chaires seniors » pour des enseignants-chercheurs confirmés, les uns et les autres bénéficiant d’obligations de service et de conditions financières avantageuses. Ce dispositif complémentaire du modèle statutaire dominant, qui introduit de la souplesse dans un système d’enseignement supérieur et de recherche aux caractéristiques et aux besoins diversifiés, méritera de faire l’objet d’une évaluation pour voir s’il doit être développé et soutenu.
Préconisation : procéder à une évaluation des effectifs d’enseignants-chercheurs recrutés sur le fondement de l’article L. 954-3 du code de l’éducation, et à une analyse du fonctionnement de ce dispositif dans les établissements. pp 11-14. Voir l'article...

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