ACTES du Colloque « La procédure de recrutement des enseignants-chercheurs en France : enjeux et perspectives ». Télécharger la partie 1 des Actes du Colloque "La procédure de recrutement des enseignants-chercheurs, enjeux et perspectives (Programme, Ouverture et introduction, Table ronde 1 : « Six ans après la LRU, quel statut pour les enseignants-chercheurs ? », Ouverture de l’après-midi) et la partie 2 des Actes du Colloque "La procédure de recrutement des enseignants-chercheurs, enjeux et perspectives (Table ronde 2 : « Le système universitaire français : un système unique en son genre ? », Table ronde 3 : « Quelles pistes de réflexion à privilégier pour un recrutement de qualité au sein de l’université française ? », Conclusion, Index).
Ouverture de l’après-midi
Esther Benbassa
Chers collègues, chère Marie Blandin et chère Corinne Bouchoux, je vous remercie d’avoir bien voulu m’inviter à votre colloque même si je n’étais pas d’accord avec vous sur l’amendement ayant induit la suppression du Conseil national des universités (CNU), lequel a été par la suite réinstauré en Commission mixte paritaire (CMP). Connaissant votre profond dévouement à la culture et à l’enseignement, je sais qu’avec cet amendement vous souhaitiez seulement ouvrir le débat sur le fonctionnement du CNU. Déjà proposé auparavant à l’Assemblée Nationale par le groupe écologiste sans aboutir, il s'agissait donc de votre part d'un amendement d'appel, et ce débat, vous l’avez ouvert, je vous en félicite. Il faut parfois forcer un peu les choses pour lancer une réflexion. Cette intention était plus qu’honorable car il est temps, nous le savons tous, de réformer le CNU sans laisser le champ libre au bon vouloir et au paternalisme de certains, susceptibles d’être fort mauvais conseillers dans le processus du recrutement. Nous sommes tous et toutes d’accord là-dessus me semble-t-il. Je vous remercie également de m’avoir permis, grâce à cette brève intervention, de porter ma casquette première, et toujours valide, de professeure d'université.
Chers collègues, présidents d'université, syndicalistes, vous tous et toutes ici présents, je ne vous en salue pas moins en tant que sénatrice et vous souhaite la bienvenue dans cette auguste maison habituée aux débats contradictoires, sa grande spécialité, et qui prend ordinairement tout son temps pour s’y livrer. Nous discutons plus qu’à l’Assemblée et nous en sommes fiers.
Chères Marie et Corinne, vous me demandez d’ouvrir cette après-midi qui sera consacrée au système universitaire français et aux pistes de réflexion pour un recrutement de qualité. Lourde charge car, même si je vous étonne, je dois dire que notre système fonctionne globalement bien et un recrutement de qualité y est assuré pour l’essentiel. Il n’en est pas moins urgent de le revoir en profondeur et de ne pas seulement mettre en avant les questions budgétaires, certes très importantes et même primordiales, mais qui n’expliquent pas toujours les failles de ce système. Le budget voué à la recherche et à l’enseignement supérieur est de 25,77 milliards d’euros hors salaires et de 31,11 milliards si on inclut le programme des investissements d’avenir. Cette somme peut paraître considérable si on ne rappelle pas que nos universités sont gratuites pour nos étudiantes et étudiants. C’est une somme bien modeste si on la compare à la situation des grandes universités américaines comme Harvard, Stanford ou Yale qui, elles, sont payantes. Ce budget est stable si on prend en considération l’augmentation de 0,5% en cette période de récession. Notre ministre Madame Geneviève Fioraso promet 1 000 créations de postes dans les universités sur le quinquennat, ce qui est peu mais constitue tout de même un effort encourageant, montrant que l’enseignement supérieur dans notre pays reste une priorité.
Pour répondre très brièvement à la question du premier panel sur l’unicité de notre système, étant donné mes séjours de longue durée dans les universités et centres de recherche nord-américains, hongrois ou hollandais, je me mettrai sans peine à la place de nos collègues étrangers qui éprouvent le même étonnement que Rica et Usbek (Cf. Montesquieu, Les Lettres Persanes) lorsqu’ils arrivent à Paris aux XVIIIe siècle. Nos collègues universitaires ou chercheurs étrangers ne comprennent pas tout simplement notre système universitaire constitué d’une multitude d’universités, centres de recherche, grandes écoles, etc. Et nos concours, ils les comprennent encore moins. Le manque d’unité, d’homogénéité de notre système nuit à sa visibilité à l’extérieur. Et aussi à l’intérieur d’ailleurs. Ne négligeons pas cet étonnement qui devrait se transformer pour nous tous en questionnement.
Aux Etats-Unis, il y a des universités privées et des universités publiques qui sont plutôt des universités fédérales, gratuites pour les habitants de l’Etat fédéral. Notre système complexe milite pour l’élitisme, renforçant la reproduction des élites à partir de modèles convenus et exclusifs ne permettant pas une production diversifiée et hétérogène, source de créativité, d’énergie et de dynamisme. Ainsi laisse-il les plus défavorisés dans l’incapacité de s’y introduire malgré la gratuité des études supérieures. Je parle bien sûr de l’incapacité de s’introduire dans les élites, même lorsqu’ils sont objectivement au niveau de ces élites.
Le fonctionnement des universités a été aussi perturbé par le passage à l’autonomie, créant des inégalités entre les universités et des dysfonctionnements relativement graves. Là-dessus, je dirai que le système américain est habitué au mécénat privé et au fund-raising qui lui permet d’avoir des crédits proches des budgets de certains Etats africains. Voici quelques considérations tirées d'un rapport d’information sur l’université et sur l’autonomie: « Le principal défi a consisté pour les universités à trouver l’équilibre optimal dans la définition de leurs orientations stratégiques entre d’une part la nécessité d’affirmer leur identité propre et ce qui fait leur valeur ajoutée ». Lorsqu'on lit le rapport, on n'est pas moins impressionné de la différence entre les universités. Par exemple l’Université d’Avignon, avec 7000 étudiants, a su utiliser son autonomie stratégique pour tirer son épingle du jeu. Elle a développé des niches de spécialisation en rapport direct avec les atouts et traditions du territoire qui font une sorte d’orchidée universitaire dans les domaines du patrimoine, de la culture et de l’agroalimentaire. De même, Strasbourg, avec 43 000 étudiants était nécessairement différente. Compte tenu de son assise sur le territoire, elle est en mesure d’assurer une pluridisciplinarité à tous les niveaux, tout en développant des niches de spécialisation. En revanche, la situation semble plus compliquée pour des universités de rang intermédiaire, partagées entre les exigences immédiates d’un environnement socio-économique complexe, parfois défavorisé, et une ambition de rayonnement national et international.
On s'aperçoit que la loi LRU a également favorisé l’ouverture des universités sur le monde économique même si les collaborations sont encore bien sûr à ce stade balbutiantes. Le grand problème a été cette inégalité et notre incapacité à apprendre à faire du fund-raising, à savoir à collecter de l’argent à l’extérieur des universités. On ne rend pas autonomes les universités sans leur donner les moyens de le devenir réellement, notamment en sachant lever des fonds. D’ailleurs, le bilan de ces cinq ans d’autonomie, à lire le rapport, peut être résumé dans cette phrase : « une abrogation pure et simple de la loi LRU serait perçue comme une perturbation de plus et un frein à la modernisation des pratiques expérimentées jusqu’ici ». Nous pouvons discuter là-dessus longtemps, en tout cas la perturbation a eu lieu, ce qui n’arrange pas le système ni ne comble ses failles. L’apprentissage du fund-raising, qui est une constante dans les universités américaines, sera une nécessité en France pour combler l’inégalité qui, avec le temps, creusera les écarts en créant des universités pauvres et des universités riches. Même les universités fédérales, en Amérique, qui sont gratuites pour les habitants de l’Etat, s’ouvrent vers le privé. En cela l'université Berkeley, publique, est un exemple. Moins de bureaucratie, une plus grande démocratie en passant par la gestion collective, une unification du système par divers moyens dont le jumelage entre les grandes écoles et les universités en créant un système de vases communicants seraient quelques orientations sur lesquelles on pourrait réfléchir. Je ne préconise pas la suppression des grandes écoles. Ce serait suicidaire de se mettre à supprimer ce qui marche. On peut faire également des jumelages entre les universités isolées et les grandes universités des régions en constituant des ilots et en laissant à chacune son autonomie. Comme vous le voyez, le chantier est vaste et nous avons ici des techniciens de l’université qui sauraient mieux que moi dessiner les grandes pistes à suivre.
Quant au recrutement de qualité, la sélection est-elle rude au CNU ou reflète-t-elle la mauvaise qualité des doctorats soutenus ? Voilà la question que je vous pose en me référant au deuxième panel de cet après-midi. En 2011, 12 675 candidats postulaient à la qualification dans une ou plusieurs sections. Au total, 21 409 candidatures ont été envoyées dont 17 705 ont été jugées recevables. Ainsi, 10 718 qualifications ont été délivrées à 8 031 candidats. Si on fait le pourcentage, on arrive à 63,4% de candidats qualifiés et à 60,5% de demandes de qualification satisfaites. En outre, le taux varie selon les disciplines, puisque le taux de qualification est de 50% en lettres, de 40% en droit et de 65% dans les disciplines scientifiques.
Ces chiffres sont parlants et ils démontrent la facilité avec laquelle les doctorats sont attribués. J’ai l’honneur de n’être enseignante qu’en doctorat et d’être directrice d’études à l’Ecole Pratique de Hautes Etudes (EPHE). Je ne défends pas ma chapelle parce que j’ai été recrutée sans passer par la qualification : l'élection, interne, des candidats à l’EPHE est validée ensuite par l’Institut de France, le CNU n’intervenant pas. En revanche, j’enseigne en doctorat et il y a de vrais problèmes, qui ne relèvent pas du CNU. Avant de réformer ce dernier, il faudrait peut-être réformer le doctorat en le rendant plus sélectif et plus rigoureux. Nos classes regorgent de doctorants qui ne sont pas à leur place. On peut aussi remonter plus haut et parler des masters qui manquent également de rigueur dans le recrutement des étudiants. Lorsqu'on compare un doctorat américain et un doctorat français, on peut être étonné par certains décalages, dont l’absence trop fréquente de recherche à partir de sources premières et le peu de suivi par les enseignants du travail accompli. Parfois, il arrive que certains de nos collègues fassent tout simplement de l’abattage en inscrivant sous leur nom le plus grand nombre possible d'étudiants.
Même la qualification devrait être revue. Il serait opportun de voir combien de qualifiés échappent vraiment au réseautage. Ouvrir le CNU à des personnalités du monde du travail, à des enseignants et chercheurs de l'étranger, revoir les critères de sélection, neutraliser le réseautage par affinités universitaires, décentraliser le CNU, prendre en résidence au moins trois jours le futur candidat à un poste pour mieux le connaître et voir si ses qualités intellectuelles sont adaptées à l’université, mesurer sa sociabilité, lui faire donner une leçon devant des étudiants pour juger de ses qualités pédagogiques, voilà quelques suggestions tirées de mon expérience d’enseignante et de visiting professor à l’étranger. Il est temps de s'atteler à un audit extérieur du CNU, pour vérifier si la démocratie y fonctionne encore. La réflexion est ouverte. Malgré ses grands défauts, le CNU pare (en principe) au localisme. Poursuivant notre réflexion, tâchons de le réformer de l'intérieur pour le rendre plus efficace et moins clientéliste. Sans tomber dans le piège de sa dissolution.
Nous sommes un pays influencé par sa tradition révolutionnaire. Au lieu de réformer ce qui existe, nous créons de nouvelles instances, ce qui explique d’ailleurs le côté hétérogène, mille-feuilles de notre système universitaire. Si Rica et Usbek venaient des Etats-Unis, ils auraient probablement été étonnés de notre penchant à casser dans l’idée que la nouveauté nous empêchera de garder nos mauvaises habitudes, notamment de copinage pour le recrutement…
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Table ronde 1 : « Six ans après la LRU, quel statut pour les enseignants-chercheurs ? »
Modératrice : Mme Corinne Bouchoux, Sénatrice de Maine-et-Loire
Intervenants :
- M. Gilles Denis, Vice-Président du CP-CNU, section 72, Maître de Conférence en histoire et épistémologie des sciences du vivant à l’Université de Lille 1
- M. Jean-Luc Vayssière, Président de l’Université de Versailles Saint-Quentin
- Mme Carole Chapin, Présidente de la Confédération des Jeunes Chercheurs
- M. Antonio Freitas, Représentant du SNESUP, Maître de Conférence en Informatique à l’Université d’Auvergne
- Mme Florence Jany-Catrice, Économiste, Professeure à l’Université Lille 1, membre de l’AFEP
- Mme Isabelle This Saint-Jean, Vice-présidente du Conseil régional d’Ile-de-France chargée de l’Enseignement supérieur et de la Recherche.
Corinne Bouchoux
Je vous remercie l’un et l’autre pour ces propos liminaires. Je vais introduire la table numéro une, « 6 ans après la LRU, quel statut pour les enseignants chercheurs ? ». Je vais appeler Monsieur Gilles Denis, Vice Président de la CP-CNU section 72, Monsieur Jean-Luc Vayssière, Président de l’Université de Versailles Saint-Quentin, Madame Carole Chapin, Présidente de la Confédération des jeunes chercheurs, Monsieur Antonio Freitas, représentant du SNESUP et enseignant chercheur à l’Université d’Auvergne, Madame Florence Jany-Catrice, Professeure à Lille, membre de l’AFEP et Madame Isabelle This Saint-Jean, Vice Présidente du Conseil Général d’Ile-de-France chargée de l’enseignement supérieur et de la recherche. Merci beaucoup.
Le temps que nos invités montent à la tribune j’allais faire une plaisanterie que je pense sincèrement. Nous avons deux difficultés en France, outre le contexte politique, l’ENA et l’interministériel et je le dis très posément. Ce sont deux de nos problèmes majeurs.
Pour que nous ayons un temps d’échange avec la salle je vous donnerai la parole 10 minutes. Comme ce sont tous des professionnels de l’enseignement, des cours et des colloques ils n’auront aucune peine à tenir les délais. Monsieur Denis vous avez la parole.
Gille Denis
Bonjour. Tout d’abord nous tenons à remercier Mesdames les Sénatrices Marie-Christine Blandin et Corinne Bouchoux ainsi que les organisateurs de cette journée qui nous permet d’échanger nos points de vue et expériences sur la procédure de recrutement des enseignants chercheurs et en particulier sur l’étape de la qualification par les sections du CNU. Nous allons essayer de vous présenter en quelques mots une position que sans doute beaucoup d’entre vous connaissent et qui nous semble largement partagée par les disciplines et les universitaires que nous représentons et qui explique leur très vive et unanime opposition à l’amendement qui a été abordé par les intervenants précédents.
Le premier argument en faveur du maintien de la qualification est d’ordre général. La politique universitaire ne peut pas se réduire à une simple politique d’établissement et doit aussi prendre en compte une logique de discipline scientifique qui a, elle aussi, ses exigences. Par exemple il peut y avoir conflit dans le besoin de postes d’enseignants entre les besoins des établissements et les besoins des disciplines pour le développement de la discipline. C’est un besoin tout aussi légitime et respectable si l’on souhaite une université de qualité. La loi LRU, de même que la nouvelle loi ESR, privilégie d’une manière certainement quelque peu outrée la politique d’établissement aux dépens de la prise en compte de la nécessité aussi d’une politique de discipline et donc in fine de la prise en compte de la qualité scientifique. Il y a clairement un besoin de rééquilibrage entre la logique de discipline et d’établissement, entre une vision nationale et locale, entre la dimension scientifique et administrative. Supprimer la qualification, s’appuyant par exemple sur un renforcement du rôle de la soutenance de thèse et/ou celui du processus local de recrutement, n’irait pas dans le sens de ce rééquilibrage, tout au contraire, sauf à totalement revoir ces deux processus en les mettant, au moins pour une part importante, sous la responsabilité du CNU.
Pour entrer ensuite dans le détail, la thèse n’a pas pour vocation à reconnaître la qualification à être enseignant chercheur d’une discipline donnée. Elle ouvre à toutes sortes de métiers. Le jury de thèse évalue la qualité d'un travail de recherche universitaire. La qualification porte sur la capacité à être enseignant chercheur, à enseigner à l'université et sur la capacité à enseigner une discipline précise donnée. Les objectifs de la qualification diffèrent ainsi de ceux de la thèse.
La qualification, lorsqu’elle est accordée, apporte au candidat une reconnaissance par les pairs, indiquant que son profil lui permet d’être accueilli dans une discipline particulière, même si sa thèse n’avait pas cet objectif à l’origine et qu’elle ne s’inscrit pas dans cette discipline. Un doctorant ayant fait par exemple une thèse de littérature portant sur la représentation de la médecine dans la littérature italienne du XVIe siècle peut chercher à s’orienter en cours de route vers une carrière d’enseignant chercheur en histoire de la médecine. Nous avons chaque année des exemples de ce type. Ce candidat peut alors demander la qualification en Histoire des Sciences et des Techniques. Sa thèse est évaluée par son jury de thèse sur un certain nombre de
critères scientifiques de la discipline « littérature italienne ». Elle sera évaluée pour la qualification en Histoire des Sciences sur d’autres critères appartenant à cette autre discipline et aussi en prenant en considération que cette qualification ouvre la voie au métier d’enseignant en Histoire des Sciences, toutes choses qui ne sont pas évaluée par le jury de thèse. De même - un autre exemple - une thèse de logique mathématique peut intégrer une part de philosophie analytique dont le doctorant peut vouloir faire reconnaître la qualité en demandant une qualification auprès de la section de Philosophie à des fins éventuellement de carrière universitaire spécialisée dans ce domaine, ou même de carrière de chercheur. Cette qualification renforce et précise son CV en indiquant une qualification particulière qui s’ajoute à son diplôme de thèse. Elle donne éventuellement ensuite aux comités de sélection locaux des indications lui permettant d’apprécier le dossier de candidature. Ce point est d’autant plus important dans le cas de disciplines très peu représentées au niveau local ou de disciplines à faible effectif au niveau national. Nous pourrions prendre ainsi de nombreux exemples similaires tant dans les SHS, qui est plutôt mon domaine, que dans les disciplines des sciences exactes.
Autre argument : le jury de thèse peut correspondre à une approche très locale - les universités et les écoles doctorales ne sont pas homogènes dans leur expertise, leurs critères, la qualité du suivi par le directeur de thèse (nous le savons tous) leur exigence dans la constitutions des jurys de thèse, etc. De même parfois dans leur attitude vis-à-vis des doctorants, entre complaisance et sévérité, il y a une très grande diversité - alors que le CNU apporte une évaluation nationale homogène par des pairs reconnus d’une discipline. Dans certains cas aujourd’hui les candidats déposent un dossier de qualification dans le but premier d’obtenir simplement cette reconnaissance disciplinaire et nationale. Cela est sans doute d'autant plus important pour un doctorant issu d'une école doctorale ayant une moindre renommée. Dans certains pays, avoir la qualification du CNU français a valeur d’une certaine manière de diplôme international, comme certains collègues italiens nous en ont fait part.
L’autre argument bien connu est celui du poids, disons le, vous le savez tous, du localisme, reconnu comme particulièrement présent dans le système français. Sans qualification, nous pourrions avoir un processus entièrement localisé dans le même établissement depuis le début de la thèse jusqu’au recrutement au poste de maître de conférences dans cette même université, si ce n'est même depuis la première année d'université, sachant que le comité de sélection ne comporte généralement qu’une moitié d’extérieurs et choisis par l’université. Jusqu’à récemment l’avis de ce comité pouvait même ne pas être suivi par le Président ou le CA qui garde encore néanmoins un droit de veto même si c’est une amélioration réelle. En supprimant la qualification nous aurions un processus fortement local déposé entre les mains de quelques personnes, soumis aux contraintes et influences internes à l’établissement, que nous connaissons tous, qui ne sont pas toutes de nature scientifique. Le CNU est en revanche un lieu qui fonctionne selon le principe de la collégialité comme une instance scientifique où l’analyse et l’argumentation scientifique sont prépondérantes, où les représentants sont essentiellement élus par l’ensemble d’une communauté rattachée aux disciplines des sections. La suppression de la qualification renforcerait sûrement le localisme et la part des facteurs extrascientifiques dans les processus de recrutement, sauf une fois encore à revoir l’ensemble du processus du recrutement en le mettant pour une part importante sous la responsabilité du CNU, instance scientifique nationale.
Le système français, comme d’autres, a donc sa cohérence. Dans des pays comparables existent différents types de systèmes mais qui prennent tous en considération, dans le recrutement, la prépondérance de la dimension scientifique apportée par les disciplines académiques. Aux USA, au moins pour les SHS que je connais assez bien, par exemple ce sont les disciplines organisées fédéralement qui sont chargées par les universités de recruter leurs
universitaires selon un cahier des charges défini par ces universités. Cela ne nuit ni à l’autonomie des universités américaines, ni à la possibilité d’une politique de recherche locale d’Etat à côté d’une politique fédérale. Je rappellerai que le système français vient d’être choisi comme modèle en Italie en mettant en place un système d’évaluation nationale collégiale par les pairs afin de combattre explicitement le localisme et le clientélisme mandarinal.
Le CNU a aussi l’avantage d’être une instance pérenne de réflexion et de proposition regroupant l’ensemble des disciplines. Il porte une expérience et une expertise. Le CNU s’est ainsi doté lui même de règles déontologiques rigoureuses qui ont fournies la matière à un texte législatif. Il a choisi la plus grande transparence sur lui-même, ses processus, mettant sur la place publique les CV de ses membres, les critères et les mots clés de ses sections, les résultats de ses appréciations. Les candidats ont la possibilité de s’adresser directement au Président de section. Ils ont la possibilité de faire appel auprès du groupe concerné du CNU. Les sections se doivent de déposer chaque année un rapport d’activité qui est public. Les comptes-rendus de toutes les réunions de la CP-CNU, qui rassemble les bureaux des sections du CNU, sont aussi publics. Le CNU a mené une enquête approfondie, avec l’aide des services statistiques du ministère, sur l’autopromotion de ses membres pour vérifier la pertinence de certaines critiques à ce sujet et pour éventuellement y apporter une réponse. Il vient de commencer depuis quelques mois un travail sur la question du plagiat et un autre sur la question de l’interdisciplinarité dont on a parlé tout à l’heure, à savoir la question des dossiers situés aux frontières de plusieurs sections. Nous sommes ainsi en train d’étudier un certain nombre de réponses à cette question par la définition de processus nouveaux qui permettraient d’évaluer ce type de dossiers situés aux frontières des disciplines et des sections. Le CNU mène une réflexion avec la CPU et les ministères sur la question des disciplines à faible effectif. L’ensemble des activités de ces différents groupes de travail, notamment sur la question de l’auto-promotion, du plagiat, des petites disciplines, de l’interdisciplinarité, comme d’autres, font l’objet de rapports réguliers qui sont publics. Une telle exigence et rigueur dans la transparence n’existe pas pour l’instant dans les établissements.
Pour terminer j’aborderai plusieurs critiques dont la qualification par le CNU a fait l’objet. Celles-ci sont parfois contradictoires. On reproche ainsi, quelques fois, une part trop importante donnée à l’enseignement dans ses évaluations, et d'autres fois c’est l’oubli de l’enseignement et une part trop importante aux seules activités de recherche qui sont reprochés. On déplore parfois que les dossiers rédigés en anglais soient acceptés et d'autres fois on reproche qu'ils soient rejetés. Diverses critiques qui oublient que la souplesse d'attitude des sections du CNU est encadrée par les textes.
Il a été aussi reproché le coût qui serait trop élevé de la qualification. Or, tout au contraire, nous pouvons affirmer qu’elle induit des économies substantielles en organisant des présélections nationales. L’étude en a été faite, la CP-CNU la tient à votre disposition. Elle évite un engorgement au niveau local par un trop grand nombre de dossiers de candidatures. Nous rappelons que le budget du CNU est d'environ 4 millions d’euros qu’il faut comparer au budget de l’AERES, qui est passé de 5 à 15 millions en cinq ans. Nous ajoutons que le montant du crédit impôt recherche est de 6 milliards. In fine, le nombre de candidats recrutés avec ou sans qualification sera évidemment le même puisqu’il répond à la demande de l’établissement. Mais l’un des processus, au contraire de l’autre, comporte une estimation nationale par les pairs et est basée sur une logique essentiellement scientifique avec un fonctionnement collégial pour un coût inférieur. Merci.
Corinne Bouchoux
Merci et bravo d’avoir tenu les délais. Je donne la parole à Jean-Luc Vayssière, Président de l’Université de Versailles Saint-Quentin pour nous exposer son point de vue en dix minutes.
Jean-Luc Vayssière
Merci. Je pense avoir été invité pour m’être exprimé dans un sens un peu différent de mon collègue. Je voudrais élargir et mettre en perspective la problématique qui est liée à cette question du recrutement et à la qualification. Je m’exprime en position de Président d’université, avec ses obligations, ses difficultés, ses espoirs. Qui plus est je suis Président de l’Université de Versailles Saint-Quentin, université en banlieue, qui est dans un environnement très concurrentiel, l’Ile-de-France, avec de très grandes et anciennes universités très bien dotées, avec des grandes Ecoles, avec des organismes de recherche et des laboratoires propres. Néanmoins, je suis, avec la communauté, très soucieux de la qualité du recrutement de nos enseignants-chercheurs et des personnels, des enseignants. Nous sommes très soucieux de la qualité des recrutements, de pouvoir faire venir des jeunes maîtres de conférence mais aussi les garder, ou éviter que les professeurs aillent vers Paris 1, Paris 2 en SHS ou Paris 6 en sciences et technologie. J’en ai même qui vont à Polytechnique. Vous voyez, quelque part ça veut dire que nous avons de bons enseignants chercheurs à l’UVSQ.
Au-delà de la question de l‘attractivité de mon université il y a la question de l’attractivité du métier d’enseignant chercheur. Je dirais, si j’élargis encore un peu plus, qu’il y a la question de l’attractivité du doctorat en France. Ce sont des points qui ont déjà été évoqués un peu précédemment. En effet, si on se penche sur ce qu’est le métier d’enseignant-chercheur, et je dirais plus particulièrement celui de maître de conférences car quand on est professeur on a un peu plus de souplesse et de liberté. Qu’est ce que le métier de maître de conférences ? C’est un métier qui est mal payé, au regard d’autres emplois qui demandent le même nombre d’années d’études, un métier qui n’est pas vraiment valorisé, ça fait bien de dire qu’on est historien, c’est un peu moins bien de dire qu’on est chimiste. C’est un métier où, en tant qu’enseignant, on n’a pas forcément les étudiants les plus enthousiastes, notamment en licence et vous comprenez qu’il y a une pression très forte des autorités pour que les universités se concentrent sur la licence, fassent réussir tout le monde et accueille des bacs professionnels. Egalement, et Madame Bonnafous l’a évoqué, le maitre de conférences est pris par de l’enseignement, de l’administration au sens très large du terme. L’enseignement veut dire être devant des étudiants mais aussi préparer les cours, préparer les sujets d’examen, les corriger, préparer des réunions pédagogiques. Il faut également, quand on prépare un nouveau contrat pluriannuel, revoir les maquettes et se réunir, il faut beaucoup de temps autour de l’enseignement et les actions administratives, il reste un peu de temps après pour la recherche. J’ai eu une conversation hier avec un jeune collègue, brillant historien médiéviste, qui a réussi à avoir une délégation CNRS pour préparer son HDR - qui est une nouvelle thèse en mille pages parce que le CNU exige des choses importantes. Il me dit : « je passe à peu près 20% de mon temps à la recherche ». Evidemment son temps n’est pas 35 ou 37h, vous l’avez compris, c’est beaucoup plus. Je dresse un portrait un peu sombre. Evidemment la situation n’est pas toujours la même dans toutes les universités. Certaines sont mieux dotées que d’autres en personnels enseignant-chercheur mais aussi en personnels administratifs. Quand vous avez « abondance » de personnels administratifs, ça allège un petit peu les tâches administratives qui sont souvent faites par les enseignants chercheurs. Je vous le dis, il y a bien sûr des universités où il y a nombre d’enseignants chercheurs, il suffit de se pencher sur le rapport qui a été fait par l’Assemblée Nationale et qui a été publié tout récemment. Vous pouvez avoir des décharges plus facilement sur les trois premières années par exemple. On n’aime bien parler de la France Républicaine, de la régulation nationale, de l’égalité, mais là encore, vous le comprenez, comme ailleurs dans le secteur de l’Education Nationale, l’égalité est un voeu pieu, une ambition, un objectif à long terme.
L’autre point, si on sort de l’université, c’est que l’université est en concurrence avec les Ecoles et avec les organismes de recherche. Vous avez des Ecoles, les plus grandes et les moins grandes, et les organismes de recherche comme le CNRS, l’INRIA. Nous avons là une nouvelle famille de concurrents pour les universités et notamment pour la mienne. Combien de fois à l’issue du processus de recrutement, les premiers de la liste s’en vont au CNRS ou à l’INRIA ? Pour ce que vous comprenez bien, neuf fois sur dix, lorsque le candidat a le choix, il va au CNRS ou l’INRIA, voire au CEA. Cela il faut bien l’avoir en tête dans notre réflexion et notre discussion. Nous sommes donc avec des armes différentes, ce qui met en lumière l’image qui est donnée de l’enseignement dans l’université puisqu’on a une fuite de l’enseignement vers la seule recherche.
Quelles sont les conséquences de cette situation ? Vous voyez la situation inégalitaire au delà du processus de régulation nationale. Je pense que les enseignants chercheurs sont dans un état d’abattement. Je ne sais pas si vous avez vu le rapport secret des préfets sur l’état de la France qui a été mis sur la place publique. J’y retrouve un petit peu cette impression, une certaine résignation, une certaine apathie. On n’est pas encore dans le désengagement mais il en manque peu. Néanmoins on observe une hypersensibilité sur certains points notamment lorsqu’on touche au statut de l’enseignant-chercheur. On a alors une explosion, une explosion pacifique. Comme vous l’avez cité tout à l’heure Madame la Sénatrice, vous avez été abreuvée de courriers, vous avez vu une réaction très vive des enseignants chercheurs lorsque les élus d’EELV ont proposé deux amendements. Il y a eu une petite astuce, si j’ai bien compris puisqu’il n’y en a qu’un qui a été mis sur la place publique et adopté avant d’être retiré, sur la question de la qualification. J’ai du mal à comprendre. C’est le problème d’être toujours à chaud chez les enseignants-chercheurs, de sentir qu’on a essayé de toucher à leur statut national de fonctionnaire. Sinon je ne comprends pas cette réaction très violente par rapport à la question de la qualification, je ne comprends pas les arguments qui sont donnés en faveur de la qualification par le CNU où j’ai l’impression qu’il y a une schizophrénie des collègues qui se prévalent à juste titre d’une intelligence certaine, d’un sens de l’autonomie et de l’indépendance. Comment alors ne seraient-ils pas capables de gérer dans leurs établissements le recrutement de leurs collègues ? Quel serait l’intérêt pour eux de recruter des mauvais enseignants-chercheurs ? En préliminaire j’ai expliqué la problématique que nous avons. Quand je dis ça je ne veux pas dire seulement moi, Président d’Université, mais également mes collègues en mathématiques, en histoire ou en médecine. J’ai encore du mal aujourd’hui à comprendre cette hypercristallisation sur la qualification si ce n’est ce sentiment d’angoisse des collègues d’autant qu’on remet sur le tapis un nouveau statut des enseignants chercheurs. Je ne pense pas qu’on puisse aller très loin en raison des moyens publics dont on dispose, au regard de ce que j’ai pu décrire de la situation des enseignants-chercheurs, des jeunes maîtres de conférences, on voit bien quel serait le remède : revenir à un système antérieur à celui de 1984 en termes de volume d’enseignement par exemple, également avoir des dotations plus importantes en personnels administratifs pour soulager et accompagner l’enseignant pour qu’il se consacre à ses deux missions en temps à peu près équivalent, c’est-à-dire l’enseignement et la recherche. Je ne pense pas que les choses évoluent profondément, surtout dans une situation où il n’y a pas de moyens financiers.
Corinne Bouchoux
Merci. Nous allons passer à l’éclairage suivant, celui d’une catégorie qui nous a extrêmement sensibilisés avant le vote de la loi. Je dois dire que proportionnellement nous avons reçu beaucoup d’emails de doctorants, d’associations de docteurs et très peu d’enseignants-chercheurs. L’enquête n’a pas du tout de prétention scientifique mais je dois vous avouer, et c’est peut-être la pétition qui a fait parler de la loi, que la moitié des enseignants du secondaire ne savaient pas qu’une loi les concernant et concernant la recherche était en vote au Sénat. C’est l’information que je voulais vous donner et on en tire les conclusions que l’on veut. Je vais donner la parole à Carole Chapin, Présidente de la Confédération des Jeunes Chercheurs qui va d’abord essayer de la présenter pour ceux qui ne la connaitraient pas et ensuite de dire comment les jeunes chercheurs voient ce débat, voient la qualification et se positionnent.
Carole Chapin
Merci. Je tiens tout d’abord à remercier Mesdames les Sénatrices Marie-Christine Blandin et Corinne Bouchoux d’avoir organisé ce colloque, cette réflexion et d’avoir permis aux jeunes chercheurs d’y présenter leurs opinions et leurs expertises. Effectivement en quelques mots la CJC regroupe une quarantaine d’associations de doctorants et de jeunes docteurs qui sont des associations impliquées dans la reconnaissance du doctorat et notamment la reconnaissance du doctorat comme une expérience professionnelle de recherche pour des candidats qui se destinent ensuite à des carrières diverses liées à leurs compétences de chercheur.
Maintenant je peux peut-être rebondir sur les derniers mots de Monsieur Vayssière sur cette hypersensibilité des enseignants chercheurs sur le sujet de la qualification. C’est vrai que j’avais prévu de commencer là-dessus parce qu’en étant dans une table ronde sur les conséquences de la LRU, il me semble qu’effectivement toutes les inquiétudes qui ont été réaffirmées en juin, au moment de la réflexion sur la suppression ou non de la qualification, sont liées à des inquiétudes des dérives possibles d’une trop grande autonomie du cadre de recrutement des enseignants-chercheurs. En effet, les principaux avantages de la qualification qui ont été soulevés à ce moment-là ont été rappelés par Monsieur Denis à l’instant. Il s’agit du fait de garantir un recrutement national transparent et d’assurer un rempart contre l’accès à des postes pour des candidats ayant fait une thèse dont la qualité scientifique pourrait être remise en cause.
Mais pour clarifier le débat, mes premiers mots seraient de rappeler qu’on peut tout à fait remettre en cause la procédure de qualification et/ou son format actuel sans pour autant, et c’est la position de la CJC, remettre en cause la dimension nationale du recrutement par l’intervention du CNU. Au contraire, nous réaffirmons l’intérêt et l’importance de ce caractère national et transparent. Par une réflexion sur la remise en cause peut-être de la procédure de qualification actuelle, nous pensons qu’il serait nécessaire plutôt de l’améliorer et de s’affranchir d’un certain nombre de conséquences de la procédure actuelle dont la plus grave est à notre sens la dévalorisation du doctorat au sens large. De fait, le but officiel de la qualification tel qu’il est affiché, c’est-à-dire valider la compétence propre au métier d’enseignant-chercheur et sans reconsidérer la valeur du doctorat en tant que tel, est essentiel dans les recrutements. Est ce qu’on peut s’estimer aujourd’hui satisfait de la façon dont cet objectif est rempli, dont il est utilisé ? En réalité la plupart des jeunes chercheurs auraient tendance à dire que non car, trop souvent, la qualification est détournée comme un filtre pour filtrer les mauvais doctorats. La conséquence la plus grave est évidemment la dévalorisation du doctorat en général, y compris en dehors du monde académique car cette méfiance est transmise au secteur privé. Alors pourquoi dans l’état actuel des choses, dans la façon détournée dont la qualification est utilisée aujourd’hui, y-a-t-il une dévalorisation du doctorat ? C’est très simple. C’est parce que toute couche supplémentaire, évidemment quand il ne s’agit pas d’évaluer je le rappelle une compétence ciblée et précise comme l’évaluation des compétences d’enseignement, nuit à la valorisation du doctorat puisqu’elle suppose que le grade de docteur en lui-même n’est pas suffisant pour garantir un certain nombre de compétences scientifiques. Alors peut-être est-ce lié aux conséquences de la loi LRU, peut-être est-ce pour cela qu’il y a autant de méfiance pour les jurys locaux, peut-être que cela existait déjà avant et c’est sans doute le cas, en fait le monde académique se méfie des thèses dites « de complaisance » et cette méfiance se propage à l’ensemble de la société et vient ternir l’image du doctorat. Attention mon propos doit être évidemment nuancé par un certain nombre de différences de pratiques entre les sections, entre les procédures, mais le simple fait qu’il y ait une telle hétérogénéité entre les sections démontre bien qu’il y a des lacunes dans la procédure actuelle. Donc oui le véritable problème est effectivement la délivrance de doctorats qui ne valent pas ce que doit valoir le doctorat et qui poussent la qualification à se détourner de ses fonctions premières. Est-ce que la qualification est un bon rempart ? Peut-être pas, peut-être même qu’elle devient un rempart moyen mais quand même acceptable. Ça nous dispense de considérer sérieusement les moyens de lutte contre les mauvaises pratiques. Peut-être aussi et surtout que cette utilisation, qui encore une fois n’est pas la bonne mais qui existe en pratique, a fini par établir une hiérarchie entre les doctorats, par distinguer des « bonnes » et des « moins bonnes » thèses alors que la qualification devrait être uniquement le signe d’un choix de carrière spécifique. Les débouchés des docteurs sont multiples, il y en a un qui est d’être enseignant-chercheur et c’est là que la qualification doit intervenir, sauf qu’aujourd’hui les employeurs privés vont aller regarder si la qualification a été attribuée pour vérifier la qualité d’une thèse. Vous m’apprenez également qu’aujourd’hui certains pays la considèrent aussi comme une garantie de qualité et de compétences.
En définitive quelle image est propagée à ce stade ? C’est que le doctorat n’est pas un grade qui établit strictement un niveau de compétences à lui seul, et on voit des labels qui apparaissent de plus en plus. Combien de couches faudra-t-il avant que le doctorat ait cette valeur ? On voit aussi que les candidats non qualifiés peuvent être parfois considérés comme des candidats qui ne sont pas de qualité, sans prendre en compte qu’ils n’ont peut-être seulement pas souhaité être qualifiés et sans prendre en compte que peut-être ils avaient des profils variés, pluridisciplinaires. Cela peut avoir aussi comme conséquence négative d’orienter les doctorants à rechercher avant la fin de leur thèse la qualification, à orienter leurs recherches de manière biaisée non en fonction des exigences scientifiques de leur travail mais en vue de l’obtention de la qualification dans une section précise. Vous avez dit qu’il y avait une réflexion en ce moment sur ce sujet et c’est une très bonne chose car les recherches transversales pluridisciplinaires sont évidemment un levier pour l’innovation scientifique. On voit donc toutes les conséquences négatives de ces emplois détournés de la qualification et il est nécessaire de trouver un moyen de garantir le recrutement des enseignants chercheurs contre ces emplois abusifs. La prise en compte des dérives possibles du recrutement local ne doit pas empêcher de revoir la procédure de qualification tout en conservant son caractère national, transparent, objectif.
Quelles sont les pistes possibles ? Monsieur Denis les a évoquées tout à l’heure. On peut imaginer faire intervenir le CNU à un autre moment de la procédure de recrutement, par sa participation à la sélection des dossiers de candidats pour un poste, par sa présence au sein du comité de recrutement dans les établissements en gardant exclusivement des membres du CNU extérieurs à l’établissement concerné pour garantir cette dimension nationale. On peut garantir l’objectivité des interventions des membres du CNU par le fait que les chercheurs et les enseignants chercheurs, qui vont observer les compétences d’enseignement et de recherche des candidats, soient tous élus et non nommés comme cela peut aujourd’hui être le cas. Pour permettre une diffusion plus large auprès des candidats qui sont les premiers concernés, ceux qui souhaitent accéder à ces postes, les jeunes chercheurs, nous pourrions les voir assister en tant qu’observateurs aux sections du CNU pour savoir, comprendre et essayer pourquoi pas d’apporter des idées et des expertises. Je pense que toutes ces pistes vont être explorées dans les débats d’aujourd’hui. Je vous remercie.
Corinne Bouchoux
Merci beaucoup, je donne la parole à Monsieur Antonio Freitas, représentant du SNESUP, maître de conférences en informatique à l’Université d’Auvergne.
Antonio Freitas
Merci. Je suis là au nom du SNESUP. Le SNESUP estime que la LRU et les RCE ont confirmé dans la loi un changement de cap qui s’est opéré dans les universités françaises au début des années 2000 avec le processus de Bologne et qui s’est poursuivi avec la formule célèbre : « l’économie de la connaissance ». Nous estimons que l’ensemble des textes réglementaires pour la dernière décade de l’enseignement et de la recherche affecte de façon négative le service public, le statut de fonctionnaire d’État ainsi que les missions d’enseignement et de recherche. Nous considérons que l’éducation, le savoir, la création et la transmission des connaissances ne sont pas des marchandises qu’on présente sur un étalage. Nous devons nous placer dans une relation collective au savoir et non individuelle. Cela doit être un service public, chaque usager doit pouvoir y accéder sans barrière de coût et/ou sociale. C’est le principe d’égalité. Nous estimons que le développement et la défense du service public confirment et contribuent à la consolidation d’un modèle de société plus égalitaire où des espaces fondamentaux ne sont pas sous la pression marchande.
Depuis la LRU, le maillage universitaire sur l’ensemble du territoire est mis à mal en consacrant quelques pôles dits d’excellence. Un ensemble de dispositifs avec des suffixes en –ex, Labex, Equipex, Idex, participent à une opération de vases communiquant, concentrant des moyens importants sur quelques pôles et paupérisant quelques autres. Quand je fus recruté en 1997, c’était plutôt des considérations géographiques ou météorologiques qui pouvaient orienter mon choix vers une université de Paris, de Marseille ou de Clermont-Ferrand. Je pensais que chacune d’elles allaient pouvoir m’offrir les mêmes conditions pour mener à bien mes missions d’enseignement et de recherche. Je pense que ce n’est plus le cas et la nouvelle loi, qui s’appuie sur la régionalisation des universités, ne va pas corriger le phénomène puisque les considérations économiques vont aboutir à une refonte discriminante des formations et des activités de recherche.
Deuxième point impacté, la fonction publique d’Etat et l’enseignant-chercheur comme fonctionnaire public d’Etat. La RCE et l’autonomie budgétaire, dispositif sur lesquels prospère aujourd’hui l’austérité, font que le statut de fonctionnaire, l’égalité de traitement et l’indépendance des chercheurs sont menacés. Une part de plus en plus importante de la rémunération est liée à des primes qui ne correspondent pas à une activité supplémentaire. Par exemple, la PES qui distingue l’excellence scientifique, dont le montant est variable d’une université à l’autre, est prétendument liée à une valeur scientifique mais décidée par des experts désignés par les établissements. La PDER était elle une rémunération liée à une activité soutenue d’encadrement doctoral. Autre exemple, certaines universités mettent en avant des primes de recrutement pour attirer les meilleurs. Ce genre de « mercato » entraîne un classement des universités qui pour le coup n’est pas fait sur des valeurs scientifiques. Nous jugeons ces dispositifs indemnitaires discriminants. De bons résultats de recherche et de formation sont le fruit d’un travail collectif et collaboratif. Focaliser sur l’individualisation de la prime au résultat est, et sera, contre productif. Nous pouvons ajouter la procédure de recrutement locale avec des comités de sélection qui remettent en question la notion même de concours puisque bien trop souvent ces comités sont constitués en fonction du candidat choisi préalablement. L’indépendance sur les orientations de recherche nécessaire à la création scientifique est mise à mal par la faiblesse des financements récurrents et le financement massif par projet. Croire que l’on peut piloter la recherche est une erreur. La seule conséquence est une activité très portée par l’ingénierie pour une valorisation immédiate contre-productive à moyen terme. Et la nouvelle loi de l’enseignement supérieur nous pousse un peu plus vers le transfert et la valorisation. Le CNU est vu par le SNESUP comme un outil de régulation national pour le recrutement et la gestion des carrières des enseignants chercheurs. C’est un dispositif démocratique composé majoritairement d’élus. Les nommés sont choisis dans un objectif d’équilibrage disciplinaire et géographique. Nous sommes loin de l’idéologie néolibérale que certains veulent appliquer à l’université. Quelle entreprise recrute et promeut sur la base d’un consensus démocratique ?
Troisième point impacté, les missions d’enseignement et de recherche. Enseignant-chercheur est un métier qui ne doit pas se confondre avec le métier de chercheur dans les organismes de recherche ou d’enseignant dit du second degré. Le lien entre enseignement et recherche est fondamental à l’université. L’enseignant-chercheur fait le lien entre la recherche et la formation des étudiants. La valorisation pour nous est là. Demander aux agents de migrer vers l’une ou l’autre de ces missions est, et sera, contre-productif. La modulation du service d’enseignement apparaît comme une punition d’une activité de recherche qui n’est pas reconnue comme excellente. C’est avant tout une mesure comptable immédiate permettant une rémunération identique pour un service alourdi évitant au passage la création de postes d’enseignants-chercheurs et des autres personnels d‘université. Nous constatons que l’investissement dans une activité de recherche de l’agent est donc considéré comme improductif. De plus, les charges de travail au quotidien se sont accumulées. Par l’octroi de nouvelles missions mais aussi par le glissement vers des fonctions purement administratives pour compenser le manque de personnel. Une autre conséquence est la valse des contractuels qui ne permet pas d’assurer la continuité du service. La plupart des agents en poste sont obligés de palier l’inconvénient. Autre tâche chronophage en recherche, les appels à projet qui demandent un temps de rédaction qui n’est en aucun cas en rapport avec le taux d’occupation du financement. Il faut donc un plan pluriannuel ambitieux de création d’emplois. La gestion pédagogique des formations nécessite une expérience forte du métier. Il faut institutionnaliser la formation à l’enseignement des doctorants et la formation continue des enseignants chercheurs en poste, qui n’existe actuellement pas du tout.
La qualification est dont une étape importante, déterminante, dans la reconnaissance de l’activité d’enseignement et de recherche. Toute dérogation à ce principe participera à une stigmatisation du CNU. Une majorité des collègues estime que le CNU représente une garantie face aux dérives du localisme et aux cooptations possibles. Les agents sont donc attachés à un service public d’enseignement supérieur, défendront un statut de fonctionnaire d’Etat dans toute sa dimension et veulent une Université française qui leur permette de mener à bien leur activité de recherche et de la valoriser dans la formation de nos étudiants. Merci.
Corinne Bouchoux
Merci beaucoup pour la clarté de vos propos et pour avoir tenu les délais. Je vais donner la parole à Madame Florence Jany-Catrice, économiste, professeure à Lille 1 et membre de l’AFEP. Peut-être pouvez-vous nous présenter l’AFEP pour ceux qui ne la connaissent pas et nous donner votre éclairage sur le statut des enseignants-chercheurs six ans après la LRU.
Florence Jany-Catrice
Merci. Je tiens tout d’abord à vous remercier et à remercier Marie-Christine Blandin pour cette initiative qui est tout à fait salutaire. Je ne viens pas ici en mon nom mais je suis là pour représenter l’Association Française d’Economie Politique qui a été créée en 2009, je vais y revenir. Mon propos sera sans doute quelque peu disciplinaire mais il se voudra indiscipliné. A l’aune de ce que je viens d’entendre, je pense qu’il sera assez heuristique pour un certain nombre d’autres sections, que la section 05 dont je parlerai ici.
Nous avons vécu en 2007-2008 une crise, une crise économique et financière qui était aussi une crise de société, et qui, pour un certain nombre d’économistes, était considérée pas seulement comme une crise économique mais aussi comme une crise de la discipline « Economie ». Le propos n’est pas corporatiste: la crise économique n’impacte pas seulement les traders, elle impacte l’ensemble des citoyens. Elle doit alors resurgir sur la manière dont nous nous emparons de ces questions. La science économique en tant que discipline est particulièrement concernée parce qu’elle entretient un lien étroit depuis des décennies avec le pouvoir ; elle est un proche conseiller du prince. Ce n’est pas propre à cette discipline, mais celle-ci est bien concernée par ce rapport de proximité au pouvoir. Elle nourrit les politiques économiques et de très nombreux experts sont convoqués en tant qu’économistes, y compris pour aborder un certain nombre de sujets qui ne relèvent pas directement de l’économie, comme les sciences de l’éducation, les problèmes de banlieue ou autres. C’est donc une vieille tradition, mais ce qui s’est aggravé est que les conseillers du prince sont de plus en plus caractérisés par une pensée unique. Dans les propos liminaires qui nous ont été présentés ce matin, la question de la diversité a été soulignée. Or cette diversité intellectuelle est en passe de disparaitre en économie.
La pensée unique est le fruit direct du jeu des institutions de l’académisme aujourd’hui. C’est ce dont je voudrais parler maintenant. Cette pensée est légitimée par la discipline et ses dispositifs d’évaluation, qui fait progressivement mourir le pluralisme. Le « pluralisme » est le fruit d’une vieille tradition de l’économie politique des XVIIIe et XIXe siècles et dont la France était très fière dans les années 1950 à 1980. Cette accélération de la mort du pluralisme s’est accélérée dans les années 1990 et est aujourd’hui reprise par un ensemble de politiques autour de « there is no alternative ». Cela est véritablement un drame pour nos démocraties. L’AFEP, créée en 2009, c’est à dire au plus grand moment de la crise, regroupe aujourd’hui 600 adhérents ce qui représente une part non négligeable des enseignants en poste aujourd’hui. Elle porte depuis trois ans un diagnostic extrêmement précis des institutions et des dispositifs dans ces institutions qui justement produisent et sont de véritables verrous pour le renouvellement du pluralisme de la pensée en économie.
Parmi ces institutions, la section 05 du CNU oeuvre comme un frein. Depuis plusieurs décennies en effet, et en particulier depuis deux décennies, elle s’arc-boute sur l’idée que pour faire de la science économique il faut être issu du mainstream de la théorie néoclassique ou développer des travaux méthodologiquement très sophistiqués, notamment en matière économétrique. Dans le fond c’est une posture qui est devenue scientiste. Nous avons perdu progressivement l’idée que pour faire de la science économique on pouvait aussi travailler sur des débats théoriques fondamentaux : qu’est ce que la richesse, qu’est ce qui fait valeur dans une société, comment se construisent les prix, peut-on tout marchandiser ? Ce sont évidemment des questions que les économistes n’ont plus vraiment le droit de se poser, en tout cas sous cet angle d’économie politique.
Cette fin du pluralisme et cette posture scientiste sont produites par un certain nombre de dispositifs qui verrouillent ce pluralisme. Parmi ces dispositifs j’en distingue au moins deux. Le premier est l’agrégation du supérieur qui est une véritable anomalie dans six des sections du CNU. Ce sont les sections qui sont justement les plus proches du pouvoir comme la science politique, le droit, la gestion et l’économie. L’agrégation du supérieur produit des logiques de cooptation, de consanguinité. On est loin du pluralisme évoqué par Monsieur Fontanille tout à l’heure. Elle produit des professeurs qui ont à peine trente ans et qui n’ont jamais tenu aucune responsabilité, aucune thèse et qui n’ont jamais été engagés dans des collectifs de travail. Elle produit à peu près les deux tiers des professeurs dans les universités en France. Or, nous savons que les professeurs d’université, ceux-là même qui sont à l’origine de ce verrouillage institutionnel que constitue l’agrégation, sont ceux qui sont légitimes pour tenir les écoles doctorales, pour présider les universités, pour tenir les masters, pour présider les jurys de thèse. Au fond il suffit de verrouiller l’accès au rang de professeur pour verrouiller le pluralisme d’une pensée. Ce que l’on voit se produire c’est la production d’intellectuels très monocolores, très « confirmationnistes » si je peux m’exprimer ainsi, et qui ne préparent sans doute pas aux défis économiques que nous pose le XXIe siècle. La suppression de l’agrégation est donc une urgence, une urgence forte que porte l’AFEP mais elle est de notre point de vue insuffisante puisqu’il y a d’autres verrous au sein du CNU 05.
Le deuxième verrou est l’évaluation, déjà été évoquée par Monsieur Freitas, mais je vais la reprendre de notre point de vue. Nos sociétés sont malades de l’évaluation. Pas seulement nos universités, mêmes si elles se plient, elles aussi, à l’évaluation aigue. Le caractère quasi-juvénile dans le rapport obsessionnel que nous entretenons avec le benchmarking, avec le classement de Shanghai en particulier, mais aussi, j’y reviendrai, avec le classement des revues, est tout à fait étonnant, pour ce qui constitue la plus haute instance intellectuelle dans notre pays. Nos sociétés sont malades de la performance, et le pluralisme en économie, était bien plus vivant avec des dispositifs de coopération fondés sur la confiance. Nous avons absolument besoin de restaurer la confiance dans la recherche. Or, pour faire de la recherche authentique, nous ne pouvons pas toujours donner des gages de ce que nous allons trouver avant même d’avoir commencé nos recherches. Le temps de reporting et le temps de réponse à des appels d’offre réduisent durablement la performance individuelle et collective de nos institutions. La pensée unique s’est donc développée concomitamment à ce que l’on appelle la bibliométrie, très exacerbée dans le champ de l’économie. La mission de l’enseignant-chercheur est devenue aujourd’hui, en économie et particulièrement chez les professeurs, de produire des « publiants » (de rangs A). Cela est différent que de produire des « chercheurs ». Exit toutes les autres missions qui ont été amplement argumentées antérieurement, et qui sont particulièrement importantes. En économie, il s’agit aussi de savoir produire des étudiants qui vont ensuite entrer sur le « marché » du travail et non pas de devenir des citoyens éclairés sur la chose économique. Il faut aussi qu’on tienne compte des missions d’animation de filière et de direction de revue. Cela n’est plus le cas. Le verrouillage est aussi lié au fait que les bonnes revues sont seulement les revues anglo-saxonnes. Je n’ai rien contre l’internationalisme lorsqu’il sait raison garder. Nous avons aussi besoin de produire des communautés francophones, et il est important de ne pas lâcher sur cette position. Il faut aussi tenir compte de la diversité des langues, légitimer les langues hispaniques etc.
Les évaluateurs, du fait de cette bibliométrie, n’étudient plus les dossiers, ne lisent plus les articles, ne s’intéressent plus au contenu de ce que nous produisons, ils tendent à compter les étoiles des publications. On peut donc quasiment déléguer l’évaluation à des techniciens. Sur ce point-là, nous revendiquons a minima la publication de listes plates, ce qui est l’essentiel des sciences humaines et sociales. Je plaide aussi pour que les sciences humaines et sociales ne soient pas séduites par la hiérarchie des revues et qu’elles restent fermes sur l’idée de listes plates.
Dernier point et non des moindres, tout cela a des conséquences sur l’enseignement, qui est l’une de nos grandes missions. La fin du pluralisme en recherche sonne le glas du pluralisme dans l’enseignement. Le jour où nous n’aurons plus de chercheurs relevant des traditions de l’économie politique, du post-keynesiannisme, de la socio-économie, de l’institutionnalisme etc. il n’y aura plus de diversité dans les méthodes, dans les objets, telle que suggérée par Monsieur Fontanille. Cette déception produit des mouvements tels que PEPS dans l’enseignement supérieur, ce dont je me réjouis. On offre à nos étudiants des premiers cycles extrêmement formalisés, on fait d’eux des techniciens et non plus des citoyens cultivés capables de raisonner sur le monde qui les entoure. Ils doivent être capables d’employabilité bien sûr, mais aussi capables d’émancipation. .
L’urgence est là. Nous l’avons quantifiée à l’AFEP. Ainsi, entre 2000 et 2011, sur les 120 recrutements de Professeur des Universités, seuls six relevaient de l’économie politique hétérodoxe, soit 5%. Nous réclamons donc la création d’une nouvelle section, c’est une urgence. Nous considérons que l’économie est une science sociale et non une science exacte. Comme les autres, elle n’a aucune visée hégémonique. Nous voulons une section qui relèverait du droit commun parce que le CNU, lorsqu’il n’est pas verrouillé par un certain nombre d’instances, est une bonne instance.
Trois-cents enseignants chercheurs ont déjà affiché courageusement qu’ils seraient prêts à rejoindre cette nouvelle section, si celle-ci était créée. La création d’une nouvelle section pour 300 chercheurs (c’est-à-dire plus que l’ensemble de la section de science politique réunie aujourd’hui), c’est une section déjà importante. Ça serait une section peu coûteuse ; elle nécessiterait juste un peu de courage, et de soutien politique à sa création. On renouerait alors avec la diversité que réclamait Monsieur Fontanille. Je vous remercie.
Corinne Bouchoux
Merci beaucoup Florence Jany-Catrice. Je vais donner la parole maintenant, avant d’avoir un temps de débat partagé dont je vous donnerai les règles, à Madame Isabelle This Saint-Jean, vice-Présidente du Conseil régional d’Ile-de-France chargée de l’enseignement supérieur et de la recherche, dont elle pourra nous préciser le volume mais qui doit être énorme à l’échelle du pays, et qui est toujours enseignante à l’Université Paris 13. Vous avez la parole pour dix minutes.
Isabelle This Saint-Jean
Merci, je voudrais également vous remercier pour avoir pris cette initiative et je remercie Marie-Christine Blandin également. Avant de prendre au sérieux l’intitulé de la table ronde sur le statut des enseignants chercheurs je vais prendre un peu de recul et essayer d’identifier les grands objectifs politiques qu’on doit poursuivre quand on se pose ces questions là. Quand on essaye de réfléchir, on se dit que les objectifs qu’on doit atteindre sont d’amener un plus grand nombre possible de jeunes à un niveau de qualification et de faire en sorte que le processus de démocratisation de l’enseignement supérieur se remette en marche. On est dans un moment de recul de la démocratisation de l’enseignement supérieur. On doit permettre la réussite du plus grand nombre parce que notre pays en a besoin, parce que notre avenir s’inscrira si on est en capacité d’amener le plus grand nombre de jeunes à un niveau de qualification. A côté de ça il faut qu’on sorte de la chape de plomb qui nous est tombée dessus, qui s’est accentuée ces dernières années et qui est une société complètement reproductrice et coincée par un certain nombre de considérations, j’y reviendrai, et en particulier cette dualité entre Ecole et Université. Je ne dis pas Grande Ecole à dessein. A l’intérieur des Ecoles la question des Grandes Ecoles se pose également mais il y a une dualité. C’est le premier grand objectif, la réussite et la réussite des jeunes issus de milieux défavorisés.
Deuxième objectif, la recherche et la capacité de notre pays à rester un immense pays de recherche, parce que nous sommes un immense pays de recherche. Nous avons un potentiel scientifique absolument extraordinaire qui a été insulté par Nicolas Sarkozy en 2009, ce qui a aidé au mouvement de ras-le-bol généralisé qu’il y a eu dans les universités. Au moment de ses voeux il expliquait que les Prix Nobel étaient les arbres qui cachaient la médiocrité de la science française, que les gens étaient dans les laboratoires et les amphithéâtres parce qu’il y avait de la lumière et du chauffage. On a tous été atterrés et ça a participé à cet incendie qu’il y a eu dans les universités et les laboratoires. La recherche et la connaissance ont valeur en elles-mêmes, et ça il faut le rappeler en permanence. Le savoir et la connaissance sont des valeurs émancipatrices qu’il nous faut poursuivre et mettre au coeur de nos politiques. Il faut que ce savoir sorte des laboratoires, qu’il diffuse dans la société, qu’il diffuse dans l’économie. Je n’ai pas peur de parler de valorisation de la recherche, je n’entends pas par valorisation uniquement la valorisation économique de la recherche mais j’entends aussi valorisation économique parce que la valorisation est la condition de mise en place d’un nouveau modèle de développement économique créateur d’emplois qui soit plus durable. Je crois que beaucoup d’entre vous ici souhaitent cela et en tout cas je le souhaite personnellement. Nos grands objectifs vont aussi avec une volonté de faire en sorte que la France devienne à nouveau ce secteur de l’enseignement supérieur et de la recherche rayonnant et ouvert, que les échanges, qui sont au coeur de la recherche et de l’enseignement supérieur, puissent se redévelopper, qu’on soit en capacité d’envoyer nos chercheurs et nos étudiants et de recevoir des chercheurs et étudiants venus de la planète entière et en particulier de l’Europe. Pour construire l’Europe, l’Europe du savoir et de la connaissance sera un élément déterminant. Voilà nos grands objectifs.
Quand on a ça et qu’on regarde la situation de l’enseignement et de la recherche publique française on voit une chose formidable, je l’ai dit tout à l’heure, c’est ce potentiel scientifique et le prestige de ses institutions, de certaines de ses institutions. Et puis on voit une autre chose formidable, l’engagement des personnels de la recherche et de l’enseignement supérieur dans leur métier. C’est quelque chose d’absolument précieux et qu’il nous faut préserver. C’est probablement là où on a la principale difficulté aujourd’hui. Toute une série de raisons font qu’on a un épuisement de ce milieu. Je suis assez en accord avec ce que disait Jean-Luc Vayssière, on a un épuisement de la société française. Mais en particulier, dans le milieu de l’enseignement et de la recherche, on atteint une limite inquiétante. Vous avez des gens qui travaillent comme des fous. On est extrêmement loin des 35h. Vous avez des gens qui ont choisi ce métier par passion, et c’est bien de ça dont il s’agit. Pour un décideur public, pour un homme ou une femme politique, c’est quelque chose d’extraordinaire, d’être en capacité d’avoir des gens dans les services publics qui sont là par passion et qui sont prêts à y passer leurs soirées, leurs week-ends et leurs vacances, dans un engagement fort. C’est quelque chose d’absolument précieux et qu’il nous faut préserver, retrouver.
Le deuxième élément qu’il nous faut maintenir, c’est l’avenir de ce secteur. C’est là que la question de l’attractivité auprès des jeunes devient majeure. Nous avons en ce moment une situation de perte d’attractivité accélérée des carrières pour plusieurs raisons. La première est une question d’attractivité financière effectivement. Etre enseignant-chercheur aujourd’hui, c’est être à bac+8, pour faire vite. La réalité est beaucoup plus compliquée car dans beaucoup de disciplines l’âge d’entrée est de 32 ans en moyenne. Vous rentrez à 32 ans avec des conditions de rémunération qui ne sont pas terribles, avec des conditions d’exercice qui sont hautement dégradées et particulièrement ces dernières années avec le passage de 150h à 192h. Vous avez du coup des enseignants qui ont beaucoup plus d’enseignement que dans d’autres pays. En plus, très souvent vous avez des heures complémentaires subies pour faire tourner les maquettes. Vous avez un pays où le taux de personnel administratif par enseignant chercheur est l’un des plus bas. On était il y a quelques années en 27e position alors qu’on est le 4e ou le 5e pays de recherche et d’enseignement supérieur. Vous voyez que ça pèse sur les enseignants chercheurs qui sont obligés de faire quantité de tâches administratives au détriment de la recherche, de la politique scientifique et de la science, voire de la diffusion de la connaissance. On a quelque chose de complètement inopérant. On a donc une dégradation des salaires, une dégradation des conditions d’exercice, et, pour les jeunes, une situation où ils ont été amenés en situation d’enchainer les post-docs parce que les robinets de l’emploi public ont été fermés.
Simone Bonnafous l’a souligné, et je suis complètement d’accord avec elle sur ce point, il y a un problème de reconnaissance du doctorat en France lié à cette dualité entre Ecole et Université. On a quelque chose d’atypique par rapport à ce qui se passe dans d’autres pays où les gens mettent « docteur des universités » sur leur carte d’invitation. En France, quand vous discutez avec les entreprises, le docteur est vu comme quelqu’un d’un peu trop spécialisé et un peu aigri parce qu’il n’a pas été embauché dans le public. Ça change mais ça reste encore vrai, notamment dans les PME. Cette vision existe alors que les docteurs sont des gens extrêmement bien formés et que les entreprises auraient absolument intérêt à embaucher ces jeunes pour travailler avec eux. Il y a un énorme problème parce que même si on arrive à emmener des jeunes dans le doctorat, s’ils ne sont pas pris dans l’emploi public alors ils sont dans une situation extrêmement préoccupante parce qu’ils n’arrivent pas à trouver la place qu’ils méritent dans le secteur privé. On a là un verrou qu’il faut absolument faire sauter. Il faut recréer l’emploi public, ce qui nécessite au passage, qu’on redonne une marge de manoeuvre aux universités parce que pour l’instant les universités n’arrivent pas à réellement créer des postes. Je me suis réjouie de l’annonce de création d’emploi, ce sont 4000 postes annoncés mais le problème c’est qu’ils ne sont pas complètement créés car il y a fongibilité asymétrique dans le budget des universités et que les budgets sont tels qu’elles ne créent pas de poste. C’est un vrai problème. On continue à ne pas créer d’emplois publics. Il faut vraiment qu’on crée de l’emploi public. Il faut qu’il y ait un effort financier fait sur la recherche et l’enseignement supérieur. On est aujourd’hui à 1,5% du PIB, c’est à dire qu’on est en dessous de la moyenne des pays de l’OCDE. Ça n’est pas possible, nous ne pouvons pas continuer comme ça, nous devons augmenter. Il faut créer de l’emploi public, faire en sorte que l’emploi soit revalorisé. Une fois qu’on a ça on pourra donner à l’enseignant-chercheur la possibilité de travailler et que la question de son statut deviendra secondaire. Le statut doit être fonctionnaire, titulaire de la fonction public car nous sommes très attachés au service public de l’enseignement supérieur, c’est un fait majeur. Le jeu concurrentiel n’est pas nouveau. Lorsque j’ai été recrutée il y avait déjà des endroits où on avait plus envie d’aller qu’ailleurs, mais ça s’est très nettement dégradé. Il y a des risques de voir l’université française se dissoudre et se dissocier en plusieurs universités différentes. Ce n’est peut-être pas la problématique de la régionalisation mais en tout les cas c’est une problématique de dissociation et je pense qu’il faut lutter contre ça. C’est là que des procédures nationales sont importantes. Il faut qu’il y ait un moment où l’enseignant n’est pas recruté simplement localement mais que témoigne, dans son recrutement, le fait qu’il a une dimension nationale. Je pense que c’est quelque chose d’extrêmement important. A côté des problématiques de localisme, qui sont des problématiques réelles, il faut garder quelque chose qui ait une dimension nationale, il faut garder un autre principe. Je suis effectivement d’accord, les comités locaux se posent cette question qui est la problématique du principe électif. Le principe électif est le moins mauvais principe pour garder quelque chose qui est fondamental pour nous, dans le milieu de la recherche et de l’enseignement supérieur, pour son efficacité, c’est le principe de collégialité. Si vous voulez avoir de la collégialité en oeuvre vous ne pouvez pas échapper au principe électif. Le CNU est une instance fondée sur ce principe électif, c’est important, même si bien sûr il faut aussi de la désignation pour combler les endroits où, dans les disciplines, il y a des trous. Et certes il y a des disciplines où la désignation pose problème, comme en économie, où elle a une composante politique, et en sciences humaines et sociales également.
Voilà les quelques éléments que je voulais donner. J’ai peut-être été un peu loin, plus loin que la problématique de la qualification mais je pense qu’on ne peut la penser que si on la remet dans cet ensemble là. La problématique est de défendre le service public d’enseignement supérieur où les universités jouent un rôle fondamental, d’autant plus aujourd’hui qu’il y a une fragilisation liée à la montée des Ecoles, non pas des Grandes Ecoles. Le problème n’est plus Ecole ou Université, même s’il faut travailler à la convergence entre elles pour arrêter avec cette spécificité française qui nous freine en termes de reproduction des élites. Sur un milieu, 0,057% d’une classe d’âge est dans les cabinets ministériels ou dans les conseils d’administration des grands groupes, ça pose un problème au dynamisme français. Mais surtout, ce qu’on voit monter depuis dix ans d’une manière irrépressible sont les petites et moyennes écoles, où les parents issus des classes moyenne et supérieure dont les enfants n’ont pas été pris dans les écoles les plus sélectives, pour éviter l’université, l’endroit où l’on a les gens quand même les plus qualifiés, envoient leurs enfants. Et cela même si l’on n’a aucune garantie de qualité sur ces écoles. C’est avec ces grilles là qu’il faut ensuite reprendre les questions centrales de la qualification, du recrutement. Quand on dit les choses comme ça on voit que c’est essentiel pour les enseignants chercheurs mais on n’arrivera à se faire entendre que si on repolitise les choses et qu’on ne se crispe pas. Je pense que ça a été l’un des problèmes en 2009, on a défendu nos statuts et qu’on a été, au bout d‘un moment, inaudible à l’égard du grand public car on ne réaffirmait pas assez les grands objectifs et les grandes réclamations. On n’est pas dans une défense corporatiste. Quand on défend les conditions de travail dans notre milieu et la capacité à faire de la recherche, on défend la société française et on défend la France.
Corinne Bouchoux
Merci Isabelle This Saint-Jean. Concernant les règles du jeu, un micro vous sera proposé après que vous ayez levé la main. Je vous demande de faire des questions courtes, précises, si possible de décliner votre identité car nous aurons des actes de ce colloque. Merci également de signaler à qui s’adresse votre question. Je propose de donner la parole, j’avais vu tout à l’heure une main se lever.
Heidi Charvin
Heidi Charvin, Université de Rouen, en psychologie, je suis à la CP-CNU et également co-responsable du secteur recherche du SNESUP. Je pense qu’il y a beaucoup de choses qui ont été abordées et qui touchent un peu les trois tables rondes. Je vais essayer de rester sur la première qui concerne le statut.
Sur cette question du statut, il me semble qu’il y a un débat de fond qui a été évoqué par les différents intervenants mais qui n’est pas nommé, c’est le problème d’embauche par rapport au problème de la qualification. La qualification serait-elle vraiment un problème si on avait le niveau d’embauche nécessaire pour les doctorants ?
Le deuxième élément qui n’est pas abordé dans le cadre de l’embauche est si on est dans le cadre d’une embauche en tant qu’enseignant-chercheur ou d’une embauche de chercheur. Or, le problème majeur qui se pose actuellement par rapport aux critères d’évaluation est qu’on n’évalue plus les établissements que sur de la recherche, sur du quantitatif médiocre et non pas du qualitatif. Il est plus facile de comptabiliser que de mettre des déterminants beaucoup plus fins. Un certain nombre d’établissements sont en train de se transformer en agence bis de recherche au détriment de la formation, or, à ce moment là, la thèse suffit pour embaucher des chercheurs. Dans le texte de loi et dans les propositions qui sont faites sur le statut des enseignants-chercheurs, et qui est malheureusement problématique, il est question qu’un certain nombre de chercheurs de Grandes Ecoles etc. n’aient pas besoin de qualification pour être embauchés dans les universités. Ça veut donc dire que les universitaires sont la voie secondaire après le reste. Comment demander à de jeunes chercheurs d’être embauchés puisque, même en termes d’avancée de carrière, les postes de PU, seront pris par les chercheurs collègues des grands organismes?
Sur la question je pense donc qu’il faut maintenir la qualification et on n’a pas parlé de la HDR mais ça fait partie de ces éléments là. La HDR n’est pas la condition nécessaire et suffisante pour devenir professeur des universités, c’est la compétence à encadrer les docteurs, c’est avoir eu un travail d’analyse, de synthèse, de réflexion, qui permet d’encadrer à haut niveau.
Corinne Bouchoux
Merci, on va prendre encore quatre questions.
Florent Olivier
Bonjour, Florent Olivier. J’ai une question pour Monsieur Denis. Dans le cadre de l’objectif évoqué par Madame This Saint-Jean de démocratisation de l’enseignement supérieur, vous avez argumenté au nom de la CP-CNU autour de deux points, la protection contre le localisme, mais également et surtout pour moi la qualité pédagogique. J’aimerais vous suivre là-dessus sauf que je ne comprends pas du tout l’argument. J’aimerais comprendre comment vous pouvez être garant de la qualité pédagogique alors qu’il n’y a pas de formation initiale ni pour les doctorants, ni pour les maitres de conférences, ni encore de formation continue. Je ne vois vraiment pas sur quoi vous vous basez pour justifier cela.
Michel Gay
Bonjour, Michel Gay, Secrétaire général de Sup Autonome. Il faut replacer aussi les problèmes de recrutement des enseignants chercheurs par rapport à la condition de l’enseignant chercheur. Ces dernières années il y a eu des multiples réformes portées par des majorités différentes qui ont eu très peu de résultats mais qui ont toutes aggravé la condition des enseignants chercheurs. Ce qu’on voit aujourd’hui c’est que les enseignants chercheurs sont la variable d’ajustement des difficultés de l’enseignement supérieur et des universités.
Lorsqu’on fait des études sur un grand nombre d’universitaires il y a deux éléments particuliers qui reviennent. Le premier est le fait qu’ils sont complètement absorbés par les tâches administratives et le deuxième est le développement de la bureaucratie aggravé par la mise en place dans les établissements de théories du management héritées du XIXe siècle. Par rapport à ça, il y a une autre question c’est celle du financement des universités. Ce qui est sous-jacent c’est que s’il y a une multiplication des tâches c’est qu’il y a de moins en moins de financements correspondant à des missions qui sont affectées aux universités. La Ministre a déclaré il y a quelques temps, à l’Assemblée Nationale je crois, que les universitaires se déconsidéraient en demandant en permanence des financements. C’est une méconnaissance de la réalité des universités. Il suffit de venir voir sur le terrain pour voir que ça n’est vraiment pas le cas et que les universitaires n’ont pas les moyens pour assurer les missions qu’on leur demande, missions qui sont parfois contradictoires. Le mouton à cinq pattes n’existe que dans l’esprit de ceux qui y croient et dans l’université ça n’existe pas. Donc les universitaires c’est ça aussi. On parlait d’attractivité du métier mais c’est déjà un problème financier. La question du salaire a été évoquée mais la réalité de la manière dont les enseignants chercheurs peuvent faire leur mission, c’est le manque de moyen. Quel corps de fonctionnaires accepterait d’être traité de telle façon ? Les enseignants-chercheurs n’ont même pas d’ordinateur mis à leur disposition par les UFR pour remplir leurs missions, c’est inacceptable. Ce sont des considérations générales mais je m’étonnais d’entendre un certain nombre de participants s’étonner que les universitaires soient si sensibles à la suppression de la qualification. Ces dernières années on a touché à ce qu’ils aimaient, les établissements, leur discipline et leur statut. Il ne faut pas s’étonner aujourd’hui qu’ils n’aient plus confiance et qu’ils soient très attachés à des éléments qui ont un caractère national de défense de leur statut d’universitaire et de scientifique.
Laurent Audouin
Laurent Audouin, je suis délégué national EELV sur les questions d’enseignement supérieur et de recherche. Je ne rappellerai pas toutes les excellentes choses qui ont été dites sur la question des valeurs, l’attachement à un service public de l’éducation, la formation du plus grand nombre dans les meilleures conditions, tout cela a été très bien exposé par Isabelle This Saint-Jean et par Monsieur Freitas.
En revanche, j’ai plus de difficulté sur le cheminement logique notamment de Monsieur Denis qui conduit à une défense mordicus de la procédure de qualification, en particulier, sur la question du statut des enseignants-chercheurs et de son caractère national. Je vais vous faire un raisonnement par l’absurde extrêmement simple sur la base d’une hypothèse que j’abhorre, c’est à dire demain la privatisation des universités et le passage de l’ensemble des enseignants sous statut de droit privé. Vous pouvez garder le CNU, il n’y a pas de problème. Vous pouvez continuer à sélectionner les personnes autorisées à passer le recrutement local pour obtenir ces CDI de droit privé, le CNU ne protège en rien le caractère national des enseignants-chercheurs.
Ensuite, au niveau du localisme, on dit que le CNU est un rempart contre le localisme. Mais enfin, tout le monde aujourd’hui connaît des cas de recrutements locaux qui sont, on va dire, pour le moins borderline. Donc de fait, ce rempart contre le localisme ne donne pas toute satisfaction parce qu’au final la décision est bien purement locale. En particulier sur ce point là il faudrait souligner à quel point la réforme des comités de recrutement a été un recul considérable en termes aussi bien de collégialité que de transparence. La réforme Pécresse a en fait aggravé le mal et une solution serait certainement de remettre une véritable pluralité dans ces comités en introduisant une présence de doctorants qui offrent toujours un regard beaucoup plus neutre que simplement un échange entre collègues. Je regrette que l’amendement qui avait été déposé par les élus et les parlementaires écologistes n’ait pas été repris dans cette loi, ça sera peut-être le cas dans le futur. Pourquoi pas en proposant à des membres du CNU soit de nommer les extérieurs, soit d’être eux-mêmes les extérieurs du comité de recrutement ? Pour le coup on avancerait vers la voie d’une transparence, d’une pluralité et d’une collégialité réelle.
Et puis juste un mot sur le statut des enseignants-chercheurs. Moi j’aurais bien aimé qu’au lieu d’enfiler des généralités sur les travaux du Ministère, les représentants du Ministère développent leur travail sur la réforme du décret. De quoi peut-on parler si on n’a pas les éléments du débat en cours ? Or il semble qu’un certain nombre d’évolutions prévues sont inquiétantes voire franchement problématiques. Manque de chance je ne vois plus nos amis du Ministère donc on va rester dans un certain flou sur ce point là. Je le regrette et j’espère que les conclusions de cette journée ne serviront pas à caler une table de plus comme ça a été le cas du rapport Berger car quand je vois le résultat de la loi Fioraso je suis quelque peu sceptique sur son lien réel avec le rapport Berger. Merci.
Corinne Bouchoux
Je vais donner la parole a celui qui a été le plus interpellé par les questions. Juste une idée provisoire que je retiens de nos échanges de ce matin : et si la question que nous avons peut-être maladroitement posée était le symptôme de problèmes beaucoup plus profonds et dont nous avons dit le nom autrement que ce que vous souhaitiez? C’est une hypothèse. Monsieur Denis je vous donne la parole puisque vous avez été questionné deux fois.
Gilles Denis
Les deux questions mettent le doigt sur des choses auxquelles nous sommes sensibles. Pour la question de la protection contre le localisme vous n’avez pas posé la question, vous semblez être assez d’accord sur ce que nous avons dit ici.
Concernant les qualités pédagogiques, c’est vrai que c’est une question qui n’est pas simple et qui est abordée de façon assez différente selon les sections. Il y a des sections pour lesquelles c’est une part assez importante, pour d’autres cela l’est beaucoup moins. Moi quand je parlais de qualité pédagogique, je ne parlais pas vraiment de la qualité pédagogique au sens strict même si on essaie de l’évaluer. Je vais vous expliquer. Au sens strict on essaie d’abord de l’évaluer en s’appuyant par exemple sur le fait que le postulant a déjà un certain nombre de cours, que lors de sa thèse il a été associé à un cours. Ce sont des choses de ce genre mais ce n’est pas tout et ce n’est pas exactement ce à quoi je pensais. C’était plutôt la capacité à être enseignant dans une discipline donnée. J’ai pris l’exemple de la littérature tout à l’heure, je vais le reprendre. On avait une thèse en littérature et la personne avait travaillé sur la représentation de la médecine dans le cadre de cette approche là. La question qui se posait à nous, car c’était sérieux et solide, était si cette personne pouvait enseigner l’Histoire de la biologie et de la médecine. Ça nous était apparu insuffisant. Elle avait une très bonne connaissance de la représentation des maladies et de la médecine au XVIe siècle en Italie à travers cette littérature mais ça nous paraissait largement insuffisant pour parler par exemple de la façon dont la peste était représentée au XVIIIe siècle. Elle n’avait pas les armes pour faire un cours là dessus. Je me souviens vaguement, c’était il y a trois ou quatre ans. C’est ça que j’ai voulu dire, la capacité d’enseigner sur une chose précise. Même si cette chose là est abordée par un certain biais, est ce que cette façon de l’aborder est suffisante pour donner un véritable cours d’Histoire de la biologie ou d’histoire de la médecine ? C’est dans ce sens là que je l’entendais.
Sinon il est vrai que nous n’avons pas assez d’éléments pour évaluer les compétences pédagogiques au sens strict. Il y a des appréciations qui varient entre les sections mais aussi par rapport au type de candidat qu’on reçoit. Quand on a un dossier qui vient d’un candidat qui vient de passer sa thèse on ne l’analyse pas exactement de la même manière qu’un candidat qui a passé sa thèse il y a trois ou quatre ans, où là l’aspect pédagogique et même l’aspect publication n’est pas aussi fortement étudié. On demande plus à quelqu’un qui a fait une thèse il y a quatre ans d’avoir publié, on étudie aussi ses conditions de vie, on tient compte de ce qu’il a fait depuis quatre ans, s’il a fait de l’enseignement, s’il a publié. Il y a donc des différences entre sections mais aussi entre les dossiers très divers que nous avons. Je pense que je n’ai pas répondu pleinement à votre question parce qu’il est vrai que la pédagogie est quelque chose de compliqué pour les qualifications. On y travaille.
Pour la question que vous souleviez tout à l’heure, c’est vrai. Je ne disais pas que le système actuel était génial, loin de là. J’ai des propositions à faire qui vont d’ailleurs dans le même sens que vous. Notre groupe de travail sur les disciplines a fait un document qui a été envoyé aux établissements dans lequel nous disons que le CNU est prêt à être une instance de conseil pour constituer les comités de sélection. Pour l’instant, avec la loi, nous ne pouvons pas aller plus loin. C’est déjà une proposition que nous avons faite. Je suis tout à fait d’accord avec vous, c’est insuffisant, le localisme existe toujours mais ce que je voulais simplement dire c’est que cette tendance que nous avons dans ce système là semble complètement oubliée dans les projets de loi actuels et même si on allait jusqu’à la suppression de la qualification on accentuerait ce travers. C’est ce que j’ai voulu dire. Si vous voulez qu’on change aussi le système en place je suis d’accord, en particulier sur cette question là.
Pierre Seppecher
Pierre Seppecher, vice-Président du conseil scientifique de l’Université de Toulon. J’ai une question sur toutes les interventions qui ont été très denses mais je vais me limiter à une question à propos de l’endo-recrutement et du localisme. Déjà on a des objectifs qu’on a mis dans notre contrat sur l’endo-recrutement mais on n’a pas de moyens règlementaires d’atteindre ces objectifs. C’est un véritable problème. On a le même problème vis-à-vis du handicap, on a le même problème si on veut avoir des objectifs de parité. On peut avoir des velléités mais ça s’arrête là.
D’autre part, on a de temps en temps des candidats maîtres de conférences qui font un excellent travail et pour lesquels une promotion sur place est nécessaire pour le maintien d’une activité ou parce qu’ils ont un niveau scientifique très important et qu’ils ne sont pas mobiles pour une raison ou pour une autre. Dans ces cas là on est très embêtés, on n’a pas de moyens autres que de détournement des procédures pour faire ce genre de choses. Je pense qu’au contraire il faudrait avoir une procédure nationale pour régler ce type de problème, je pense que cela fait partie du statut des enseignants chercheurs. Il faut trouver un moyen de promotion des maîtres de conférences sur le corps des professeurs qui nous enlève les problèmes de subjectivité locale, surtout dans les petits établissements. Nous avons besoin d’une aide de ce point de vue là et je pense que le CNU pourrait faire ce type de travail.
Gilles Denis
Oui, je suis d’accord.
Isabelle This Saint-Jean
Ça existe, il y a des procédures nationales de recrutement local, comme le 46.3. Mais là où je suis d’accord avec vous c’est qu’il faut vraiment dissocier la problématique du localisme pour la promotion entre maître de conférences et professeur et la problématique du localisme pour les primo-entrants, où là à mon avis le localisme est beaucoup plus problématique. Je pense en effet que les trajectoires où les gens partent de la licence, sont recrutés sur place et ne sortent jamais peuvent poser des problèmes. Ce n’est pas forcément le cas mais dans des entités plus petites ça peut poser problème et notamment dans le relationnel et la capacité de notre milieu à être parfois un peu mandarinal si vous me permettez de le dire. Je pense que c’est un problème beaucoup plus important pour les jeunes que pour le passage de maître de conférences à professeur.
Oui, Laurent, il y a du localisme et le CNU, avec la qualification, n’est pas une garantie absolue contre le localisme, mais posons nous la question dans l’autre sens. Si on supprime ce type de procédure, est-ce qu’on ne risque pas encore d’aggraver la situation ? C’est ce que je disais tout à l’heure en disant que c’est peut-être le moindre mal. Evidemment il faut le travailler, continuer à faire évoluer les choses et je me réjouis de voir que la CP-CNU fait des propositions dans ce sens. Il faut absolument faire en sorte que la partie enseignement puisse trouver sa place dans l’évaluation et c’est une responsabilité du milieu académique qui est que trop souvent on a négligé l’enseignement. On regarde toutes nos procédures en termes uniquement de recherche et pas assez de pédagogie. C’est compliqué parce qu’évaluer la pédagogie c’est compliqué mais, sans aller vers l’évaluation par les étudiants qui à mon avis pose un problème, il y a quand même un certain nombre de signes qui montrent que quelqu’un est un enseignant, la publication de manuels, l’animation d’équipes pédagogiques. On a plusieurs signes qu’on peut regarder. L’un des signes, et c’est là qu’on peut peut-être faire évoluer le CNU et la qualification, c’est sa capacité à l’oral. Un enseignant c’est quelqu’un qui est à un moment face à un auditoire et qui a la capacité soit de l’endormir et de le faire fuir, soit de l’accrocher et de faire en sorte qu’il vous écoute. Le CNU a ce défaut qui est de ne travailler que sur dossier et que ça on n’est pas en capacité de le tester. Evidemment je ne prône pas une agrégation nationale parce que quand je vois ce qui se passe dans la discipline 05 et les autres ça ne fait pas forcément envie, même si c’est un cas très particulier. On voit bien que ça pose des difficultés, mais c’est vrai que la procédure d’audition est quand même un moment très important pour juger de quelqu’un. On se prive avec le CNU de cette possibilité là et on la délègue à ces comités là. Quand on voit ce que sont les comités de recrutement effectivement ça pose des problèmes.
Antonio Freitas
Oui, effectivement il y a de nombreux collègues qui ont une activité pleine et entière en formation et recherche, beaucoup sont qualifiés HDR c’est à dire qu’ils ont une activité semblable à un poste de professeur mais qu’ils ne peuvent pas y accéder. Beaucoup de ces collègues sont des femmes qui, pour des raisons diverses et variées, ne souhaite pas ou n’ont pas la possibilité de changer d’endroit géographique pour postuler sur d’autres postes ailleurs. Ensuite il y a le phénomène que compte tenu des contraintes, même en local il n’y a pas d’issue. Certains collègues qui ont la quarantaine n’ont pas de perspectives de libération d’emploi sur des dizaines d’années, parfois même jusqu’à la retraite. Il y a une démotivation, fondamentalement, alors que les collègues font une activité semblable à un niveau de professeur. C’est un vrai problème, il faut se pencher sur la question. Il faudrait qu’ils puissent accéder, sur le même emploi, à un poste de professeur.
Geneviève Sellier
Geneviève Sellier, Professeure à l’Université Michel de Montaigne, Bordeaux 3. Je voudrais revenir sur la question du premier recrutement. Il y a vingt ou trente ans Pierre Bourdieu avait fait une tribune dans Le Monde demandant, pour lutter contre le localisme, à ce que les jeunes docteurs ne puissent pas être recrutés dans les universités dans lesquelles ils avaient fait leur thèse. Je ne comprends pas pourquoi cette mesure de salubrité publique n’a pas été adoptée depuis ce temps et pourquoi on tourne en rond. Dans la discipline dans laquelle j’enseigne, les études cinématographiques, les effets de ce localisme sont absolument calamiteux, y compris sur la qualité scientifique des thèses. Lorsqu’on fait sa thèse dans des universités dans laquelle on a fait tout son cursus, dans des universités éloignées de Paris, le centralisme joue aussi un rôle dans le niveau scientifique des étudiants malheureusement. Et y compris parce que, par exemple chez nous, les meilleurs étudiants partent à Paris après la licence parce qu’il y a le fantasme de la cinémathèque etc. Ces fantasmes qui ont des effets matériels. Le résultat est qu’actuellement seuls les doctorants ayant fait leur thèse dans une université parisienne ont une chance d’être recrutés dans une université de région et sont mobiles. Les docteurs issus des universités de région n’ont qu’un espoir, celui d’être recrutés dans leur université sinon ils n’auront jamais de postes. Cela entretient des ressentiments divers, un niveau scientifique très problématique souvent. Il me semble que si on revenait à ce principe très simple de ne pas pouvoir recruter les docteurs dans leur université d’origine, ça rendrait obligatoire la mobilité et ça relèverait la qualité scientifique des dossiers. Cela n’empêche pas la qualification nationale, mais la qualification sans cette mesure ne sert à rien.
Question
Je voudrais revenir sur le thème de ce matin qui est le statut des enseignants-chercheurs. Quand on a un statut de fonctionnaire on a en principe droit à la mutation. C’est même un droit reconnu alors que pour les enseignants-chercheurs, compte tenu de la montée du localisme, le droit à la mutation devient particulièrement réduit. Ceci est particulièrement vrai pour les maîtres de conférences, où avant on regardait en priorité les maîtres de conférences qui voulaient muter, ce qu’on ne fait plus. Le comité de sélection n’examine plus les dossiers. L’avantage d’un statut national c’est de pouvoir bénéficier des droits des fonctionnaires, on devrait réfléchir à l’affirmation de ce droit à mutation. Cela pourrait répondre aussi au problème de mutation. Le souci de la première embauche existe mais les gens qui veulent bien être embauchés ailleurs, qui tiennent à leur région, veulent partir pour acquérir une expérience qui est très formatrice mais veulent pouvoir revenir pour pouvoir sécuriser leur carrière et leur emploi.
Corinne Bouchoux
Je vous remercie tous de la qualité de vos propos et d’avoir tous tenu, avec une grande courtoisie, des propos assez clairs. Je vous donne rendez-vous cet après-midi pour la suite des discussions.
FIN DE LA MATINÉE
Télécharger la partie 1 des Actes du Colloque "La procédure de recrutement des enseignants-chercheurs, enjeux et perspectives (Programme, Ouverture et introduction, Table ronde 1 : « Six ans après la LRU, quel statut pour les enseignants-chercheurs ? », Ouverture de l’après-midi) et la partie 2 des Actes du Colloque "La procédure de recrutement des enseignants-chercheurs, enjeux et perspectives (Table ronde 2 : « Le système universitaire français : un système unique en son genre ? », Table ronde 3 : « Quelles pistes de réflexion à privilégier pour un recrutement de qualité au sein de l’université française ? », Conclusion, Index).
ACTES du Colloque « La procédure de recrutement des enseignants-chercheurs en France : enjeux et perspectives ». Télécharger la partie 1 des Actes du Colloque "La procédure de recrutement des enseignants-chercheurs, enjeux et perspectives (Programme, Ouverture et introduction, Table ronde 1 : « Six ans après la LRU, quel statut pour les enseignants-chercheurs ? », Ouverture de l’après-midi) et la partie 2 des Actes du Colloque "La procédure de recrutement des enseignants-chercheurs, enjeux et perspectives (Table ronde 2 : « Le système universitaire français : un système unique en son genre ? », Table ronde 3 : « Quelles pistes de réflexion à privilégier pour un recrutement de qualité au sein de l’université française ? », Conclusion, Index).
Ouverture et introduction
Marie-Christine Blandin
Mesdames et Messieurs j’ai le plaisir de vous accueillir pour cette journée de travail intitulée « la procédure de recrutement des enseignants chercheurs en France : enjeux et perspectives ».
Tout d’abord je vous dois de vous donner un très bref résumé des circonstances qui ont amené à ce colloque. Il est le fruit d’une promesse. Lors du débat sur la loi ESR, à l’Assemblée Nationale puis au Sénat, a été promue une batterie d’amendements au sein desquels se trouvaient un amendement qui visait à enlever cette mission de procédure de qualification par le CNU et un autre qui proposait une autre méthode pour travailler. Dans un hémicycle quasi désert d’une assemblée fatiguée après la loi « Refondation de l’école », le premier amendement qui supprimait la procédure de qualification est passé et le second, qui offrait des possibilités alternatives n’est pas passé. Nous étions donc dans une impasse législative que la rencontre des sept députés et sept sénateurs mandatés pour faire une commission mixte paritaire allait résoudre.
Entre le moment où le Sénat a sorti son texte de loi, différent du texte de l’Assemblée, et l’installation de la CMP a démarré une vague de colère contre cette suppression qui a donné lieu à une énorme pétition. Dans un deuxième temps, sachez que nous avons aussi été destinataires d’une vague de protestation contre le maintien en l’état de la procédure de qualification, et j’ai été très frappée par les propos enflammés d’un côté comme de l’autre. Chacun rivalisait de signatures, d’arguments, d’arguments très développés de fond ou alors de slogans très populistes. Nous avons donc fait une promesse, nous allions réfléchir ensemble de façon plus apaisée. C’est pour ça que nous sommes là, c’est pour ça que vous êtes là et je vous en remercie.
Comme à chaque colloque que nous ouvrons ici je vous précise que vous êtes dans un colloque organisé par des sénateurs sans sponsor. C’est utile car sachez que le Palais du Luxembourg loue des salles ou les prête gracieusement mais parfois avec l’aide de sponsors. Certains colloques, sur la santé par exemple, sont bien aidés par l’industrie pharmaceutique etc. Nous travaillons avec transparence et nous tenons à préciser à chaque colloque que ceci se fait sur nos propres fonds avec nos propres moyens et nous sommes fières de pouvoir vous le dire.
Je vous remercie. Ma collègue, Corinne Bouchoux, membre de la Commission de la Culture, de l’Education et de la Communication, qui a été très active sur cette loi, va vous livrer un propos introductif.
Corinne Bouchoux
Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, Mesdames, Messieurs, bonjour. Merci d’avoir répondu à notre invitation. Les circonstances un peu particulières de la démarche vous ont été rappelées. Ce que nous souhaitons pour aujourd’hui est d’avoir un débat posé, serein, qui pose les vraies questions, les vrais enjeux, et qui puisse être un jalon pour une réflexion ultérieure dans le cadre ou non d’un travail législatif sur l’évolution et le statut des enseignants chercheurs. Nous avons préparé ce colloque pendant deux mois et je voudrais remercier même si elle n’est pas ici, Anaïs Le Bouffant Dubreucq, qui a rencontré un grand nombre d’entre vous, qui a été entendre la parole de colère que nous avons entendue, prise à sa juste valeur.
Je veux juste vous livrer un certain nombre de questions, les questions que nous nous sommes posées. Elles sont modestes, peut-être incomplètes et vous pourrez les compléter. Elles sont un peu la trame de cette journée qui s’est vraiment voulue une discussion sereine, argument contre argument pour essayer d’avancer sur ce dossier que nous savons crucial et sensible. La première question qui nous a été posée est venue des jeunes docteurs et d’un certain nombre de doctorants. Je vais simplement lister quelques questions avant de pouvoir accueillir nos premiers hôtes avant la première table ronde.
La première question qui nous a été posée est de savoir si la procédure telle qu’elle existe actuellement, n’est pas perçue par certains, à tort ou à raison, comme un nouveau jury de thèse où les critères pour le coup seraient plus implicites qu’explicites et donc peut-être inégalitaires, c’est une question.
Deuxième question, comment se fait la prise en compte des dossiers de candidature ? Nous avons étudié tous les comptes rendus depuis cinq ans de toutes les sections, rencontré un grand nombre d’acteur pour mieux comprendre le mode d’emploi de cette « boîte noire » qui est extrêmement complexe, où il y a beaucoup de travail mais aussi de complexité, qui peut-être gagnerait à être explicitée. L’autre question qui est venue mais qui n’était pas posée en amont est la question de la qualification pour les professeurs des universités. Nous avons travaillé dans un premier temps uniquement sur l’entrée dans le métier. Est-ce que cette qualification a vraiment des raisons d’exister, qu’est ce qui marche bien, qu’est ce qui ne marche pas ? Nous avons aussi entendu un certain nombre de vos réponses. L’autre sujet qui nous a préoccupé, c’est la question du taux d’évaporation. Nous avons observé sur les cinq dernières années ce que sont devenus les qualifiés et nous avons simplement pu noter qu’il y avait là aussi une part mystérieuse. Pour les profanes, puisque tout le monde n’est pas spécialiste voici les données : en 2007, 30,9% des qualifiés n’ont pas candidaté à un recrutement au poste d’enseignant chercheur, en 2012 on arrivait à 41,5%. Que veut dire ce taux d’évaporation ? Même si le suivi d’une cohorte sur une année peut montrer certaines tendances, là aussi c’est plus complexe. On peut postuler la deuxième année mais pas la première année pour des raisons de stratégie personnelle par exemple. Donc cela nous a aussi intrigués.
Troisième question qui nous a permis de travailler aussi : que se passe-t-il pour les personnes qui ne rentrent pas dans les cases ? C’est une préoccupation pour nous écologistes. Que se passe t’il quand on n’est pas dans la bonne boîte, dans la bonne section, quand on est dans la lisière de deux sections, comment fonctionne actuellement l’intersection, est ce que ça marche plutôt bien, est ce que c’est bien compris des candidats et éventuellement qu’est-ce qu’on peut améliorer ? Autre question que nous nous sommes posée, et là aussi nous avons reçu un volume de courrier intéressant, quid des candidats étrangers, ceux qui ont fait leur thèse en France et qui ont peut-être une bonne connaissance du système, et de ceux qui n’ont pas fait leur thèse en France et qui veulent postuler ? On s’est aperçu qu’il y avait peut-être pour certains un manque de clarté, et donc cela a posé la question de l’attractivité du système français puisque, vous le savez comme moi, en 2011-2012 42,2% des doctorants étaient des étudiants nés à l’étranger, alors que dix ans plus tôt 22% des doctorants étaient nés à l’étranger. C’est quelque chose qui nous semble particulièrement important et à encourager. Pour éviter les « pas entendus » ou les « malentendus » vis-à-vis des étudiants étrangers, comment mieux communiquer sur le système français qui, je le répète, n’est pas compris par tous ?
Enfin dernière question, et là nous ne pouvons l’éviter, le débat qui s’est posé selon nous est dû aussi au contexte de la LRU qui a été acceptée par les uns, farouchement combattue par les autres, acceptée avec résignation par certains. Le contexte évidemment de la LRU pose avec une acuité particulière cette tension entre le souhait très fort que nous avons ressenti dans la pétition d’un statut national, de garantie forte d’une vision politique et scientifique pour une recherche de qualité, et d’un autre côté les aléas de la LRU sur le terrain qui peuvent ne pas donner toujours l’impression que les moyens sont au rendez-vous. Donc cette question des moyens est revenue énormément dans vos communications, dans vos questions et dans les messages qui nous ont été envoyés.
Dans un premier temps nous allons ce matin entendre ceux qui « sont avec les pilotes dans l’avion ». J’appelle à la tribune Monsieur Jacques Fontanille, Directeur de cabinet de Madame Geneviève Fioraso, Ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche, et par ailleurs Madame Simone Bonnafous, Directrice Générale pour l’Enseignement Supérieur et l’insertion professionnelle. Je vais les inviter à nous rejoindre. Dans un second temps nous aurons un certain nombre de tables rondes où vous aurez la parole. Mon rôle sera de limiter le temps de parole des personnes en tribune pour permettre un dialogue, je le répète approfondi, serein avec la salle. Les actes de cette journée seront faits et nous espérons que, pour la prochaine discussion d’un texte portant sur l’avenir des enseignants chercheurs, nous serons au plus près de l’idée que nous avions d’une évolution nécessaire et des attentes sur le terrain qui peuvent, nous l’avons senti, être différentes. Nous voulons être au plus près de vos questions à tous.
Je vous remercie donc de venir à la tribune, Monsieur Jacques Fontanille et Madame Simone Bonnafous.
Jacques Fontanille
Je vous remercie, je remercie la Commission Culture du Sénat, je remercie Madame Blandin et Madame Bouchoux, pour cette occasion qui nous est donnée d’évoquer un sujet essentiel concernant l’avenir de l’enseignement supérieur et de la recherche, et des universités en particulier.
Je voudrais commencer par rappeler que cette question épineuse des modalités de recrutement des enseignants-chercheurs, qui a été soulevée au cours des débats parlementaires et dont Madame Bouchoux s’est faite l’écho tout à l’heure, n’a pas été soulevée par le gouvernement, par notre ministère et qu’elle est apparue au cours des Assises de l’enseignement supérieur et de la recherche, assez vigoureusement exprimée. Le motif qui était invoqué était très précis. Ce n’était pas une mise en cause des modalités de recrutement en général, ce n’était pas une mise en cause de la procédure de qualification en particulier. Cela procédait d’une réflexion sur le temps de latence, d’autres disent de galère et d’indécision, qui sépare l’obtention de la thèse et l’entrée dans le métier. C’était sur la base de cette réflexion, je crois, que les participants des Assises considéraient qu’il y avait un certain nombre de dispositifs dans notre système d’accès à l’emploi scientifique et à l’emploi dans les universités qui retardait cette entrée, et que la qualification pouvait être considérée comme un des dispositifs qui participait de ce retard. Ce n’est pas le seul. Je voulais rappeler cette situation. Ensuite bien sûr la question a été reprise sous la forme d’un amendement et je ne referai pas l’histoire, elle a été rapidement esquissée tout à l’heure.
Je voudrais plus généralement rappeler quel est pour nous, pour Madame la Ministre en quelque sorte, que je représente ici avec Simone Bonnafous, l’enjeu de la question du recrutement des enseignants-chercheurs et peut-être plus largement des modalités de leur choix et de leur formation. Pour nous, cela forme un tout par rapport aux objectifs que nous assignons à notre action et qui se sont traduits en particulier dans la loi du 22 juillet.
Le premier objectif, vous le savez déjà mais je le rappelle très fortement, c’est la réussite étudiante, la réussite de tous les étudiants, la réussite depuis le choix de la filière de formation jusqu’à la qualité de l’insertion professionnelle en passant bien entendu par ce qui est, dans la représentation la plus ordinaire, la réussite par excellence c’est-à-dire la réussite dans l’obtention des diplômes au sein même du cursus. Mais c’est toute la chaine qui nous intéresse. En matière de choix et de formation des enseignants-chercheurs, cela implique d’abord que nos enseignants-chercheurs aient des compétences, ou acquièrent des compétences, pour garantir la diversité et la qualité dans la diversité des méthodes pédagogiques. On a beaucoup dit au cours des Assises qu’il fallait en finir avec les grands amphis et les cours magistraux. Je ne suis pas convaincu qu’il faille en finir avec ce type d’activité pédagogique et nous croyons beaucoup plus à la diversification des méthodes, à la diversification des supports, à la diversification des approches, des contenus et des savoir-faire, de façon à ce que cette diversité puisse être un facteur de meilleure adaptation à la diversité des profils des publics, que nous espérons renforcer. Il faut bien entendu que ces enseignants-chercheurs puissent s’approprier les outils qui servent de support à cette diversification, cela va de soi.
Quand on parle, comme facteur de réussite, de la spécialisation progressive en licence, on entend que la palette des enseignements offerts aux étudiants en licence doit être plus large au début qu’à la fin. Excusez-moi de cette lapalissade, mais cela implique d’une certaine manière que les enseignants-chercheurs eux-mêmes aient une culture disciplinaire suffisamment large et approfondie pour pouvoir contribuer à cette spécialisation progressive dans la meilleure connaissance qu’ils auraient ainsi de chacune des spécialités qui sont combinées dans la spécialisation progressive.
Quand on parle de réussite par l’insertion professionnelle, cela suppose aussi que les équipes pédagogiques, pas forcément chacun des enseignants-chercheurs, mais que les équipes pédagogiques aient une capacité à anticiper l’insertion professionnelle dans toute sa diversité. Il y a déjà une capacité à anticiper l’insertion professionnelle et à l’intégrer dans les cursus, dans les méthodes, dans les exercices académiques qui sont proposés mais souvent d’une manière qui est très mono-disciplinaire, mono-métier, mono-professionnelle. Je pense qu’il est très important que dans chaque filière les enseignants aient une vision de toute la diversité, de la palette entière des débouchés professionnels de leurs étudiants et qu’ils en tiennent compte, qu’ils soient en mesure d’en tenir compte dans la manière dont ils conduisent leurs enseignements.
On rappelle par exemple que sur une centaine d’étudiants en psychologie moins de 10 deviendront psychologues professionnels. Les autres feront beaucoup de choses fort intéressantes et utiles pour la société mais ils sont tous préparés à devenir psychologues professionnels même s’ils ne le deviendront pas. De même, dans des filières d’humanité, sur une centaine d’étudiants qui sont dans une filière d’histoire il y en aura une dizaine qui seront professeurs d’Histoire. On peut espérer que ce nombre augmente avec le nouvel attrait des métiers de l’enseignement, mais il y en aura toujours suffisamment qui ne seront jamais historiens professionnels pour qu’on s’inquiète de leur sort si je puis dire, et ceci avant qu’ils trouvent eux-mêmes la diversité des débouchés qui s’offrent à eux. Je pense que ce type de questionnement doit faire partie des compétences des enseignants-chercheurs. Par conséquent, de ce point de vue-là, nous avons le devoir d’encourager la motivation pour l’engagement pédagogique dans la diversité que je viens d’évoquer très rapidement.
L’autre grande priorité de notre action c’est bien sûr l’excellence en recherche mais une excellence en recherche qui soit capable de répondre aux grands défis du XXIe siècle à travers d’abord la recherche fondamentale, mise en perspective dans la réponse aux grands défis sociétaux, et bien sûr toutes les autres formes qui vont permettre de répondre à ces grandes questions. Pour parvenir dans le monde de la recherche du XXIe siècle à ce type d’objectif, il faut avoir des enseignants-chercheurs qui soient capables d’animer des équipes, de construire des équipes mobiles, de travailler en mode projet sur des propositions de recherche. Bien entendu, les enseignants chercheurs sont capables de conduire une haute qualité de publication mais, dans certaines disciplines, il faudra bien que nous les soutenions et que nous les accompagnions pour internationaliser leurs publications, pour les aider à percer dans les grandes revues internationales et en particulier en Sciences Humaines et Sociales. Je pense aussi que cela suppose d’anticiper les retombées sociales ou sociétales, c’est-à-dire être en mesure de mettre en perspective les recherches les plus spécialisées, les plus fondamentales, par rapport à ces horizons d’attente que nos concitoyens portent. Et là aussi il faut que nous soyons en mesure d’encourager la motivation des enseignants-chercheurs pour cette dimension de leur métier qui peut se traduire, par exemple, par l’encouragement à la pratique du transfert et de la recherche appliquée, mais bien au-delà, par cette mise en perspective permanente en mode projet vers la réponse aux défis sociétaux, qui ne relève pas spécifiquement du transfert et de l’application en soi.
Dans un dernier temps, je voudrais rappeler brièvement quelles sont les différentes mesures dans la loi du 22 juillet qui touchent directement ou indirectement à ces questions et aux enseignants-chercheurs. D’abord, rappelons que l’essentiel ne peut pas être dans la loi, n’a pas de raison d’être dans la loi, puisque la plupart des mesures sont de nature réglementaire et touchent le décret statutaire qui est en cours de concertation et de discussion. Dans la loi que trouve-t-on ? On trouve que la loi a transféré au conseil académique, en formation restreinte, c’est à l’article 50, tous les actes relatifs aux questions individuelles et en particulier celles touchant aux carrières des enseignants-chercheurs, le recrutement, l’affectation etc. C’est d’ailleurs cet élément de la loi qui impose que soit révisé le décret statutaire. Je rappelle que le conseil académique est constitué par la réunion d’une commission spécialisée dans la recherche et d’un autre spécialisé dans la formation, que ces deux commissions sont constituées par élection parallèlement, séparément, et qu’il en résulte que désormais, toutes les décisions, mesures, délibérations, qui seront prises à titre individuel seront prises par un ensemble en formation restreinte qui aura à la fois la balance recherche et la balance formation, à la fois la préoccupation de l’excellence en recherche et la préoccupation des compétences pédagogiques.
Deuxième modification qui touche au recrutement mais qui n’a pas nécessairement d’incidence sur les orientations dont je parlais tout à l’heure : la loi supprime le droit de veto des présidents sur le recrutement des enseignants-chercheurs et le transfère à la formation restreinte du conseil d’administration. C’est une mesure qui était attendue, une mesure qui touche à des questions de principe, qui touche à une certaine conception de la vie démocratique et de la collégialité dans les universités. Cela ne change pas grand-chose sur l’orientation des choix en matière de profil d’enseignant-chercheur.
Autre point, et je pense que ce colloque est dans cette perspective, il est prévu à l’article 74 que le gouvernement devra remettre un rapport au Parlement pour formuler des propositions en vue d’améliorer le recrutement, la formation, le déroulement de carrière des enseignants-chercheurs. Il a été rappelé tout à l’heure que c’était quelque chose qui était apparu au moment où la suppression de la qualification avait été elle-même supprimée, mais nous sommes dans le cadre, je pense, de la préparation de ce rapport. Il y a une disposition qui va toujours dans le même sens évoqué tout à l’heure, celui de nos grandes orientations, le Haut Conseil de l’évaluation, clairement, c’est mentionné dans la loi, doit s’assurer que dans les évaluations des enseignants-chercheurs soient prises en compte toutes leurs missions. C’est à l’article 90. Ce n’est pas formulé de la même manière mais c’est exactement l’esprit.
Concernant la formation, ce n’est pas dans la loi du 22 juillet 2013 mais dans la loi de refondation de l’école. Il est très clairement prévu que les écoles supérieures du professorat et de l’enseignement sont destinées à la formation de tous les professeurs, y compris ceux de l’enseignement supérieur et que leur installation, soit dans les universités soit dans les regroupements d’université, doit s’accompagner de projets de formation des enseignants -chercheurs. On pense par exemple, dans ce qui se discute le plus souvent actuellement, à la formation à l’utilisation de l’enseignement numérique, mais ce n’est évidemment pas le seul niveau d’intervention que l’on souhaite pour les ESPE en matière de formation ou d’accompagnement de la pratique pédagogique des enseignants-chercheurs. Donc le décret statutaire qui est en cours de discussion est destiné en quelque sorte à rassembler les quelques sujets qui viennent de la loi pour les traiter en termes réglementaires. C’est le cas de la disposition sur le rôle du conseil académique mais c’est aussi le cas de quelques autres mesures.
Autrement dit la révision du décret statutaire ne remet pas en cause les équilibres dans le statut des enseignants chercheurs. L’avenir des orientations que j’évoquais tout à l’heure est un avenir à travers des actions, à travers des mesures concrètes, des dispositifs contractuels et pas à travers des mesures réglementaires. Le texte qui est en cours de discussion, je le signale, prévoit, et c’est une discussion qui est loin d’être achevée, la possibilité d’introduire, lors de la procédure d’audition des candidats, une mise en situation professionnelle, pédagogique, puisque déjà c’est une mise en situation professionnelle que d’exposer ses recherches comme c’est le cas actuellement. Et on peut penser que c’est un des leviers au moment du recrutement qui permettrait de s’assurer ou d’améliorer la préparation des candidats au poste d’enseignant-chercheur dans le domaine de la pédagogie. Je vous remercie.
Corinne Bouchoux
Merci, je donne la parole à Madame Bonnafous.
Simone Bonnafous
Je vous remercie, Mesdames les Sénatrices, de nous accueillir dans cette belle salle du Palais du Luxembourg. Je tiens d’abord à vous exprimer ma satisfaction, en tant que Directrice pour l’enseignement supérieur et l’insertion professionnelle, de voir que le Sénat s’empare à nouveau de la question de la procédure de recrutement des enseignants-chercheurs. J’ai eu l’occasion à de multiples reprises dans ma carrière, et en particulier lors de la Conférence des Présidents que j’animais à une époque avec Jacques Fontanille et Lionel Collet, d’apprécier le travail de fond que mène le Sénat sur un certain nombre de sujets. C’est la diversité et l’écoute des points de vue exprimés en Commission qui enrichit la réflexion sur les sujets d’intérêt commun et profite à tous, décideurs et citoyens.
Je suis personnellement d’autant plus heureuse de cette occasion que la loi n°2013-660 du 22 juillet 2013 nous impose l’obligation d’élaborer en un an – donc au cours de l’année 2014 –la Stratégie nationale d’enseignement supérieur. Vous savez qu’existe depuis une dizaine d’années une stratégie nationale de la recherche et de l’innovation, la SNRI, élaborée dans sa dernière version entre le Ministère et les alliances, qui elles-mêmes représentaient toutes les composantes de la recherche française, aussi bien la Conférence des Présidents que tous les organismes de recherche. La SNRI a été donc très articulée au programme européen 2020 pour définir les grandes lignes de l’action de la France dans le domaine de la recherche pour les années à venir. Mais la France ne disposait pas jusqu’ici d’un document équivalent dans le domaine de l’enseignement supérieur, ce qui en dit long sur notre vision des priorités nationales. Je suis donc personnellement très heureuse que le Parlement ait inscrit l’idée d’une part d’un document interministériel, car si notre Ministère est chef de file, la réflexion, portant sur l’enseignement supérieur français et ses objectifs à moyen et long termes, sera interministérielle, et d’autre part de rassembler les deux stratégies dans un livre blanc qui sera présenté au Parlement tous les deux ans afin d’en rediscuter les grandes orientations.
Nous sommes engagés dans un processus long mais qui va rencontrer de façon très heureuse le travail que vous allez entreprendre sur le recrutement des enseignants-chercheurs. Quelle stratégie et avec qui ? Quels doivent être les personnels de l’enseignement supérieur ? Quelle contribution selon les institutions concernées ? La Direction générale pour l’enseignement supérieur et l’insertion professionnelle a la charge des Universités et des Ecoles supérieures. Comment peut-on lier les objectifs que la France se donne dans le domaine de l’enseignement supérieur et la façon dont on voit l’évolution du personnel de l’enseignement supérieur, à commencer par les enseignants-chercheurs et en aval du recrutement ? Il est clair que la question du recrutement, que vous posez en tant que telle aujourd’hui, n’est que l’aboutissement d’une autre question : quel type de personnel souhaite-t-on dans les établissements d’enseignement supérieur, les écoles, les universités, les organismes de recherche, et pour quel métier ?
Je voudrais tout d’abord dire quelques mots du rapport de la Cour des Comptes sur la gestion des enseignants des universités dans un contexte d’autonomie. Le chapitre sur le recrutement se termine par « la Cour recommande au MESR de veiller à l’application de l’arrêté du 7 août 2006 relatif à la formation doctorale quant à la limitation du nombre de doctorants pouvant être encadrés par un directeur de thèse, de poursuivre la limitation drastique via les contrats quinquennaux des endo-recrutements, de mettre en place dans chaque université une procédure d’audition plus approfondie des candidats au recrutement. Ces conditions étant remplies, il est probable qu’avec l’expérience acquise les universités seront d’ici quelques années en mesure d’assurer et de garantir une procédure de recrutement qui ne soit pas sujette à critiques. Cela devrait alors permettre de réapprécier ce besoin de disposer de cette étape particulière de pré-recrutement que constitue la procédure de qualification, aujourd’hui confirmée par la loi ESR, justifiée principalement aujourd’hui par la volonté, via un système d’admissibilité à l’échelle nationale dans la procédure de recrutement des enseignants chercheurs, de conforter leur appartenance à la fonction publique d’Etat ».
Un certain nombre d’évolutions sont déjà engagées depuis plusieurs années, notamment sur la question de la réduction du nombre de thèses encadrées par un seul enseignant qui a à voir avec la question de la qualité de l’encadrement doctoral et j’ai vu de près comme universitaire l’évolution de ces quinze dernières années. Si des nuances s’imposent et si des marges de progression demeurent - la charte des thèses n’est pas forcément aussi bien appliquée qu’on le voudrait - , il faut reconnaître le chemin parcouru qui, même s’il en reste à parcourir, est considérable. La création des écoles doctorales et leur organisation ont beaucoup participé à ces changements. Concernant la limitation des endo-recrutements, je pense qu’il faut s’entendre précisément sur ce point : quelles définitions en donne-t-on ? Parle-t-on de ceux qui ont fait leur thèse, des ATER, des maîtres de conférences, des professeurs, de Paris 7 ou de Besançon ? Il faut être clair là-dessus sans quoi on prend le risque d’un discours incohérent. L’objectivité et le réalisme s’imposent sur ces sujets et il ne faut pas fixer les mêmes objectifs à toutes les situations. Ce qui compte fondamentalement c’est que les personnels qu’on recrute correspondent aux missions qu’on attend d’eux, qu’ils le fassent bien pour l’institution, pour les usagers et pour eux-mêmes.. La question connexe de ce qu’on appelle les « TGV Professeurs » est aussi à considérer dans un certain nombre de cas et il convient vraiment de mesurer ce phénomène de l’endo- ou de l’exo-recrutement de façon différenciée sur le territoire, même si les objectifs doivent rester des objectifs généraux. La Direction Générale est tout à fait disposée à consolider cela dans les contrats d’établissement, qui en tiennent compte d’ores et déjà, mais on sait très bien que Pau, Besançon et Paris ne sont pas dans la même situation.
Par ailleurs, dans le décret statutaire des enseignants-chercheurs figurent aussi des avancées en ce qui concerne l’ouverture de notre milieu. On a souvent dit que la France n’était pas, dans son mode de recrutement, ouverte sur l’extérieur. Or, on peut constater de grandes avancées sur ce point. Je tiens à signaler qu’on a aujourd’hui 15% de recrutement de MCF étrangers chaque année. Vers quoi doit-on tendre idéalement ? Est-il pertinent de se fixer un objectif ? Cette interrogation fait partie des discussions relatives à la stratégie nationale. Considère-t-on que l’enseignement supérieur est un secteur où la mobilité dans les deux sens, le fait de faire une partie de sa carrière à l’étranger et d’accueillir un grand nombre d’enseignants étrangers est un sujet important ? On observe que, d’année en année, le pourcentage d’enseignants chercheurs étrangers recrutés augmente, ce qui est plutôt intéressant et positif, et qui pose la question de savoir ce qui attire nos collègues étrangers. Il serait pertinent de mener une enquête sur les enseignants étrangers dans nos universités et d’analyser pourquoi des enseignants chercheurs étrangers choisissent la France, où les salaires ne sont pas ceux de l’Allemagne ou de la Suisse par exemple.
Un autre élément d’ouverture présent dans le décret, bien que très lent à mettre en place, est l’obligation de la parité dans les comités de sélection. Certes, il ne s’agit pas de l’obligation de parité de recrutement mais on peut espérer que progressivement cette disposition fasse évoluer le milieu universitaire. Car notre milieu n’est pas plus représentatif de la diversité de la France que d’autres et l’on compte donc effectivement peu de femmes aux postes les plus élevés.
Un autre problème se pose, c’est le faible effectif de personnes en situation de handicap, et vous savez que les universités vont bientôt « être mises à l’amende » pour cela. La fonction publique, pour que ses discours de principe soient entendus par le privé et que sa position prescriptive soit légitime, doit être exemplaire dans ce domaine. Les entreprises sont depuis longtemps assujetties à payer une taxe lorsqu’elles n’ont pas assez de personnel en situation de handicap. Et si le MESR y a échappé jusqu’à une date récente, ce ne sera plus possible et il est désormais indispensable de trouver des solutions. Le décret prévoit entre autres un mode de recrutement spécifique, ce qui signifie qu’il donne des éléments pour qu’on ait progressivement un corps universitaire qui soit plus représentatif de la diversité de notre société.
Pour le reste, je ne vais pas lancer le débat ici, je pense que les questions sont très ouvertes. La question en particulier de pouvoir concilier un attachement à des formes statutaires nationales tout en préservant la diversité des missions réelles des enseignants-chercheurs, des missions vécues, qui évoluent, est une question de première importance. On est encore au milieu du gué. Dans le cadre de votre réflexion, il semble nécessaire de mener un travail d’enquête, d’auditions, dans la mesure où tout se joue sur le terrain. Aujourd’hui, enseignement et recherche sont loin d’épuiser le temps de travail des enseignants-chercheurs et en particulier tout ce qui est de l’ordre de l’animation, de la responsabilité de filière est extrêmement important. Or, à ma connaissance, les universitaires n’ont pas l’intention de les déléguer à des administratifs, ni pour les directions d’UFR, ni pour les Présidences ou directions d’établissement de les déléguer à des énarques. Il faut donc en tirer les conséquences et clarifier notre discours. On continue encore trop à faire (dans le discours) comme s’il y avait seulement l’enseignement et la recherche. Ce discours est hypocrite, tout le monde sait que le fonctionnement réel n’est pas celui-là, et cet état des choses n’est pas sain pour l’équilibre des personnes en situation professionnelle. Ce milieu n’échappera pas à une réflexion sur les questions de fond, sur la façon de travailler dans le temps et selon les institutions, ou sur les risques psycho-sociaux. Je pense en effet que s’exerce une vraie pression culpabilisante sur les enseignants-chercheurs, due à la multiplicité des tâches qui ne sont ni affichées, ni reconnues sur le plan symbolique dans la mesure où l’on ne valorise que l’enseignement et la recherche. Ça n’a peut-être pas été compris et bien présenté, mais la « fameuse » modulation de service ne devrait pas concerner que le partage entre enseignement et recherche. On peut, à un moment donné, vouloir continuer à enseigner mais se consacrer aussi à l’internationalisation de son université ou au développement de sa stratégie numérique et non plus à la recherche. Ce débat n’est jamais posé de manière approfondie parce que tout le monde reste sur des positions assez formelles et les meilleurs défenseurs de l’égalité entre recherche et formation sont souvent ceux qui ne font plus de recherche parce qu’ils ont des activités, y compris publiques, très importantes et chronophages. Il est essentiel, selon moi, d’avoir une vraie réflexion à ce sujet.
Une autre question qui va prendre de l’importance est le rapport entre le public et le privé. 1/5 des étudiants du supérieur sont dans le privé. Cet état de fait pose un réel problème dans certains domaines comme la gestion parce que les facs de gestion, les IAE, sont en concurrence avec les écoles qui ont de toutes autres règles de gestion et où il est tout à fait acceptable de travailler deux jours par semaine à l’extérieur de l’établissement. On reconnaît le travail à l’extérieur, alors que c’est encore une question occultée à l’université où une bonne partie des activités libérales ou de consultance (en particulier en droit, en gestion, etc.) restent non dites. Il faut sortir là aussi de cette hypocrisie et reconnaître que des activités extérieures à l’université peuvent aussi contribuer à la qualité de la prestation enseignante ou à valoriser la recherche (sans parler de l’aspect « rémunération »). La distance des sénateurs à l’univers de l’enseignement supérieur et de la recherche permettra de poser quelques vrais sujets, pas forcément pour les résoudre dans l’immédiat mais pour leur réserver un traitement ultérieur à plus ou moins long terme. Je n’ai pas parlé du recrutement lui-même parce que je pense qu’il est l’aboutissement de cette réflexion mais mon souhait de directrice générale est qu’on traite les sujets de fond.
En ce qui concerne le doctorat, pour réagir à ce qu’en dit la Cour des Comptes, le vrai problème est que le doctorat n’est effectivement pas aujourd’hui, comme dans d’autres pays, le diplôme de la qualification maximum de l’enseignement supérieur. C’est en ces termes que doit se poser le problème. J’ai été déjà interrogée par les députés fin août, aussitôt la loi votée, et j’ai donc pu constater que l’Assemblée Nationale considère ce sujet comme primordial. Je me réjouis de voir qu’une réflexion s’engage sur le sujet, car il est capital de travailler sur le doctorat. La première question est celle de l’emploi des doctorants : il faut que l’on recrute des docteurs aux fonctions d’encadrement supérieur : la fonction publique doit encore une fois donner l’exemple et nous devons par ailleurs ouvrir la négociation avec les branches. La seconde question est celle de la diversification des formes du doctorat : nous sommes toujours plus fréquemment interpellés par différents milieux, dans les domaines de l’architecture, de l’art par exemple, sur ce point. Pour finir je voudrais indiquer que l’ENA se pose la question de l’accession des Enarques au doctorat. La directrice de l’ENA me faisait remarquer qu’il y avait un problème de débouchés des Enarques à l’international en partie dû au fait qu’ils sont considérés comme ayant un master.
Tout cela va dans le bon sens et je me réjouis de la tenue de votre colloque, qui contribuera à faire évoluer positivement ces thématiques. Bon travaux à vous.
Télécharger la partie 1 des Actes du Colloque "La procédure de recrutement des enseignants-chercheurs, enjeux et perspectives (Programme, Ouverture et introduction, Table ronde 1 : « Six ans après la LRU, quel statut pour les enseignants-chercheurs ? », Ouverture de l’après-midi) et la partie 2 des Actes du Colloque "La procédure de recrutement des enseignants-chercheurs, enjeux et perspectives (Table ronde 2 : « Le système universitaire français : un système unique en son genre ? », Table ronde 3 : « Quelles pistes de réflexion à privilégier pour un recrutement de qualité au sein de l’université française ? », Conclusion, Index).
ACTES - « La procédure de recrutement des enseignants-chercheurs en France : enjeux et perspectives », Colloque organisé par Marie-Christine Blandin, Présidente de la Commission de la Culture, de l’Education et de la Communication du Sénat et Sénatrice du Nord, et Corinne Bouchoux, membre de la Commission de la Culture, de l’Education et de la Communication du Sénat et Sénatrice de Maine-et-Loire, au Palais du Luxembourg, Salle Clemenceau – 15 rue de Vaugirard, le 8 novembre 2013 de 9h00 à 18h00.
Table des matières
Programme ........................................................................................................ 2
Ouverture et introduction .................................................................................. 4
Table ronde 1 : « Six ans après la LRU, quel statut pour les enseignants-chercheurs ? » ............... 14
Ouverture de l’après-midi ................................................................................ 36
Table ronde 2 : « Le système universitaire français : un système unique en son genre ? » ............................................. 39
Table ronde 3 : « Quelles pistes de réflexion à privilégier pour un recrutement de qualité au sein de l’université française ? » ............. 58
Conclusion ........................................................................................................ 84
Index ................................................................................................................ 86.
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Extraits
Programme
9h00-9h30 - Accueil des participants
9h30-9h45 - Discours d’accueil par Mme Marie-Christine Blandin, Sénatrice du Nord et Présidente de la Commission de la Culture, de l’Education et de la Communication du Sénat et Mme Corinne Bouchoux, Sénatrice de Maine-et-Loire
9h45-10h15 - Intervention de M. Jacques Fontanille, Directeur de cabinet de Mme Geneviève Fioraso, Ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche et Mme Simone Bonnafous, Directrice Générale pour l’enseignement supérieur et l’insertion professionnelle
10h15-12h00 - Table ronde 1 : « Six ans après la LRU, quel statut pour les enseignants-chercheurs ? »
Adoptée le 10 Août 2007, la LRU, Loi relative aux libertés et responsabilités des universités, a entrainé des évolutions au sein des établissements autonomes et a notamment engendré des changements dans la procédure de recrutement des enseignants-chercheurs. La loi E.S.R., parue au JO en juillet 2013, a fait apparaître de nouveaux débats sur le bien-fondé de l’existence de certaines étapes de ce processus comme la procédure de qualification, passage obligé du recrutement au poste de Maître de conférences et de Professeur. Cette première table ronde de la journée vise à établir un état des lieux de la situation depuis 2007 en adoptant plusieurs points de vue différents et complémentaires. Modératrice : Mme Corinne Bouchoux, Sénatrice de Maine-et-Loire. Intervenants : M. Gilles Denis, Vice-Président du CP-CNU, section 72, maître de conférences en Histoire et Epistémologie des sciences du vivant à l’Université de Lille 1, M. Jean-Luc Vayssière, Président de l’Université de Versailles-Saint Quentin, Mme Carole Chapin, Présidente de la Confédération des Jeunes Chercheurs, M. Antonio Freitas, Représentant du SNESUP, maître de conférences en Informatique à l’Université d’Auvergne, Mme Florence Jany-Catrice, Economiste, Professeure à l’Université Lille 1, membre de l’AFEP, Mme Isabelle This Saint-Jean, Vice-présidente du Conseil régional d’Ile-de-France chargée de l’Enseignement supérieur et de la Recherche.
12h00-14h00 - Pause déjeuner libre
14h00-14h15 - Ouverture de l’après-midi par Mme Esther Benbassa, Sénatrice du Val-de-Marne
14h15-15h45 - Table ronde 2 : « Le système universitaire français : un système unique en son genre ? »
Les enseignants chercheurs français sont partagés entre un statut de fonctionnaire d’état, qui leur offre la garantie de l’existence d’un corps national, et l’évolution de la gestion des universités qui tend vers toujours plus d’autonomie et donc vers une gestion de plus en plus locale. Cette dualité est parfois source de tension et semble être unique en son genre. L’étude comparative du système universitaire français classique et d’autres systèmes, français et étrangers, peut permettre de mettre en évidence les points communs mais surtout les différences qui peuvent exister entre eux et servir de départ à une réflexion plus ouverte sur les perspectives du recrutement dans les universités françaises. Modérateur : M. André Gattolin, Sénateur des Hauts-de-Seine. Intervenants : Mme Emmanuelle Picard, Maître de Conférences en Histoire à l’ENS Lyon, M. Emmanuel Salmon, Attaché scientifique et universitaire à l’Ambassade de France en Suède, M. Jean Cordier, Président de la CP-CNECA.
15h45-17h45 - Table ronde 3 : « Quelles pistes de réflexion à privilégier pour favoriser un recrutement de qualité au sein de l’université française? »
La conception de ce que peut être un recrutement de qualité fait souvent débat entre les différents acteurs de l’enseignement supérieur en France. Les prises de position qui ont été adoptées au moment du vote de la loi ESR l’ont bien mis en exergue. Néanmoins, nombreux sont ceux qui, malgré leur désaccord sur l’idéal à atteindre, insistent sur l’existence de nouvelles pistes de réflexions, innovantes ou importées d’autres modèles existants. Les différentes interventions de cette journée en ont posé les jalons, cette dernière table ronde se donne pour objectif de les exposer et de les ouvrir à la discussion. Modératrice : Mme Isabelle Attard, Députée du Calvados. Intervenants : M. Olivier Nay, Vice Président du CP-CNU et Président de la section 04 Sciences Politiques, M. Raphaël Romi, Professeur de droit à l’Université de Nantes, doyen honoraire de la faculté de droit de Nantes, M. François Garçon, Maître de Conférences en Histoire et Civilisation à Paris 1, M. Julien Hering, Membre du Collectif PAPERA, Mme Claire Guichet, Représentante de la FAGE au sein du CESE.
17h45 -18h00 - Conclusion par Mme Marie Christine Blandin, Présidente de la Commission de la Culture, de l’Education et de la Communication du Sénat et Sénatrice du Nord.
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Tuteur Pro est une formation à distance dédiée aux tuteurs chargés d'accueillir d'intégrer et d'accompagner le bénéficiaire d'un contrat de professionnalisation.
Cible
Entreprises adhérentes à Opcalia de la professionnalisation souhaitant former leur tuteur*
Interlocuteurs : Chef d’entreprises, DRH, Responsable formation
Bénéficiaires : Tuteur d’un salarié en contrat de professionnalisation devant justifier d’une formation de tuteur
Objectifs
- Garantir une intégration optimale des bénéficiaires d'un contrat de professionnalisation dans l’entreprise ;
- Apporter aux tuteurs les compétences pédagogiques et managériales nécessaires à la transmission des savoir-faire et des savoir-être en entreprise ;
- Sécuriser le parcours professionnel du bénéficiaire d'un contrat de professionnalisation.
Programme
14 h de formation comprenant :
- Des séquences de formation en ligne ;
- Des exercices pratiques réalisables en ligne ou à retourner par mail au formateur ;
- Des séances de formation en rendez-vous téléphonique.
Ces rendez-vous permettent de traiter les modules concernant :
- Le cadre réglementaire du contrat de professionnalisation ;
- Les fondamentaux de la fonction de tuteur ;
- Les pratiques tutorales.
Démarche
- Inscription en ligne
- Test de positionnement en ligne du tuteur
- Entretien téléphonique entre le formateur et le tuteur pour déterminer les modalités de progression pédagogique
- Formation en « blended learning » :
- 10 heures à distance et
- 4 heures d’accompagnement par le formateur. Suite...
Le FPSPP (Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels) a mis en place une Charte des bonnes pratiques à l'intention des OPCA et des entreprises.
A travers cette Charte, les partenaires sociaux manifestent leur volonté de développer, en lien avec les OPCA et OPACIF et au service des entreprises et de leurs salariés :
- des actions de formation qui répondent aux besoins des entreprises (en particulier les très petites, petites et moyennes entreprises) et des publics les plus en difficulté ;
- la lisibilité, la transparence et l'optimisation du fonctionnement des OPCA et OPACIF ;
- la qualité de l'offre de formation et son évaluation.
Cette Charte reste évolutive et pourra être aménagée et complétée avec les bonnes pratiques identifiées au sein des différents réseaux.
En savoir +
Le CNEI, le FAF.TT et Opcalia s’associent pour proposer une offre de services dédiée aux Entreprises d’Insertion et aux Entreprises de Travail Temporaire d’Insertion. Cette offre inclut un diagnostic « RH et Qualité », qui leur permettra de renforcer leurs pratiques RH et de s’engager dans la certification AFAQ EI/ETTI.
Pris en charge par le FAF.TT et Opcalia, le diagnostic « RH et Qualité » est basé sur une analyse du système de management global (projet social, gestion de parcours individuels d’insertion…) et du management des ressources (connaissance des enjeux Emploi du territoire, repérage des évolutions des emplois, besoins en compétences des salariés…) de l’entreprise.
En savoir +
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L’UDES et 4 confédérations syndicales de salariés (CFDT, CFE-CGC, CFTC, FO) ont signé le 21 février dernier un accord sur l’insertion professionnelle et l’emploi des jeunes dans l’économie sociale et solidaire.
L’Union des employeurs de l’économie sociale et solidaire (UDES) a signé, le 21 février dernier, avec quatre confédérations syndicales de salariés (CFDT, CFE-CGC, CFTC, FO) un accord sur l’insertion professionnelle et l’emploi des jeunes dans l’économie sociale et solidaire. Une délibération sociale avait déjà été engagée en février 2012, préambule à l’ouverture de la négociation.
Les points principaux de l’accord sont les suivants :
- Favoriser l’insertion des jeunes par la promotion de l’ESS, des dispositions relatives au le maintien des jeunes dans l’emploi, une réflexion sur l’alternance et le développement de l’apprentissage par voie d’accords multi-professionnels ;
- Développer l’emploi de qualité en mettant en place des parcours de qualité dans le cadre des emplois d’avenir, en faisant du contrat de génération un levier, et en encourageant la réflexion sur les différentes formes de mutualisation de l’emploi.
- Multiplier les dispositifs de formation en direction des jeunes, en faisant des jeunes en contrat précaire des publics prioritaires (ex. : CID CDD).
L’UDES considère que cet accord répond à "des enjeux majeurs pour l’économie sociale et solidaire : l’attractivité de ses métiers et secteurs d’activité (…), la gestion des âges et le renouvellement des équipes (…), l’emploi des jeunes."
Pour en savoir plus, consultez le communiqué de l'UDES.
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