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Formation Continue du Supérieur
1 décembre 2013

Les universités au coeur de la formation professionnelle et de l'apprentissage

Colloque de la C.P.U. sur la formation professionnelle et l'apprentissageGeneviève Fioraso s'est exprimée en clôture du colloque de la C.P.U. organisé les 28 et 29 novembre sur le thème : "Les universités au cœur de la formation professionnelle et de l'apprentissage". 
Discours - 29.11.2013 - Geneviève Fioraso 
Je tenais à vous remercier pour votre invitation à conclure ce colloque. Il ne s'agit pas de remerciements formels, mais d'une reconnaissance sincère que je tenais à vous exprimer, car j'ai la conviction que les universités doivent se saisir pleinement des enjeux de la formation professionnelle et de l'apprentissage. Et parce que je crois que l'organisation d'un colloque sur ce thème est une première pour la C.P.U. depuis très longtemps. 
L'enseignement supérieur est au service des jeunes et de leur avenir. Il porte aussi une responsabilité vis à vis de la société et de ses besoins en emplois, en qualification, en innovation. Mon ambition, celle du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, c'est d'inscrire l'action de l'enseignement supérieur et de la recherche au cœur du projet de redressement national que conduit le Gouvernement. 
Ce que nous voulons, c'est conforter la mission de service public de l'enseignement supérieur et de la recherche, au sens noble du terme, c'est à dire au service de l'intérêt général. Cette mission de service public des universités exige que leurs portes soient ouvertes à tous les publics, qu'elles soient à l'écoute des besoins de tous les territoires, et que les formations supérieures préparent à tous les emplois. Plus que jamais, l'université de tous les savoirs doit aussi être celle de tous les métiers. 
Le contexte actuel ne nous laisse d'ailleurs pas le choix. La crise économique qui dégrade la situation de l'emploi exige un effort particulier pour la formation des salariés et de tous ceux qui se retrouvent sans activité. La formation professionnelle a longtemps été assimilée à une dépense plutôt qu'à un investissement : la crise est en train de changer cette idée reçue, et il faut s'en féliciter. Quant au chômage, il frappe aussi les diplômés de l'enseignement supérieur, même si c'est dans une moindre proportion que les autres. 
Développer la formation professionnelle, c'est une nécessité pour préparer l'après-crise, anticiper les mutations des filières (numérique, chimie verte...) et former les salariés aux compétences et emplois de demain. Développer l'apprentissage, c'est une réponse indispensable pour mieux armer les jeunes qui entrent sur le marché du travail. Vous l'avez démontré durant ces deux jours, les universités sont déjà dynamiques en matière de formation professionnelle continue. 
En 2010, 61 400 diplômes de l'enseignement supérieur, dont 38 200 diplômes nationaux et 23 200 diplômes d'université, ont été obtenus en formation continue dans l'enseignement supérieur. Pour les diplômes nationaux, cela représente 10,4% du nombre de diplômes obtenus en formation initiale. Environ 4 000 validations des acquis de l'expérience (V.A.E.) sont obtenues tous les ans dans les universités, dont presque 60% concernent des diplômes complets. 
Le chiffre d'affaires de l'activité de formation continue des établissements d'enseignement supérieur, écoles et universités confondues, s'élève à 388 millions d'euros, ce qui correspond à moins de 5% du marché de la formation professionnelle continue, tous niveaux confondus. C'est peu, mais si l'on compare l'action des établissements d'enseignement supérieur en matière de formation continue aux seuls organismes qui dispensent des formations supérieures, la part des écoles et universités s'élève alors à 15%. Nous pouvons mesurer, ensemble, l'ampleur du chemin restant à parcourir. 
Différents modèles d'établissements se distinguent, quand on considère la structure de leurs ressources, les types de publics accueillis et la nature des formations offertes. Je voudrais par exemple mentionner l'investissement de l'Université de Lille 1, qui offre une majorité de formations conduisant à des diplômes nationaux et accueille de nombreux demandeurs d'emploi, ou encore l'Université de Strasbourg 1 ou l'Institut d'études politiques de Paris, qui adressent plus des trois quarts de leur offre à des salariés au titre du plan de formation pour des formations non diplômantes et tirent la majorité de leurs ressources de conventions passées avec des entreprises. Je tiens évidemment à dire un mot du CNAM et de ses réussites : l'expérience et l'ingénierie de formation professionnelle continue que cette belle et ancienne institution possède est une ressource précieuse pour l'enseignement supérieur. C'est aussi un gage de qualité pour les entreprises qui bénéficient de salariés motivés, dynamiques, soucieux de la progression collective au delà de leur progression personnelle. 
Les missions de formation continue des universités ne sont pas nouvelles. A la suite des instituts de promotion sociale du travail créés dans les universités au début des années cinquante, la loi Faure a pour la première fois reconnu en 1969 la formation continue comme une mission fondamentale des universités, laquelle sera placée en 1984 par la loi Savary au même rang que la formation initiale. C'est d'ailleurs depuis cette période que les universités sont des établissements publics à caractère scientifique, culturel ET professionnel. Par la suite, le décret du 18 octobre 1985 a déterminé les règles budgétaires encadrant les services de formation continue et les modalités de rémunération des enseignants investis dans des actions de formation continue. Enfin, la modularisation de l'offre de formation accentuée par la mise en œuvre de la réforme L.M.D. et la possibilité d'élaborer des parcours diplômants flexibles, qui peuvent être effectués au rythme de chacun, ainsi que l'optimisation de ces parcours grâce aux dispositifs de validation des acquis professionnels et personnels et des acquis de l'expérience, ont constitué autant d'outils personnalisés, adaptés au développement de la formation continue. 
La loi reconnaît donc les missions des universités, l'édifice réglementaire existe et il est complet. Pourtant, l'activité de formation professionnelle peine à décoller. Il est donc grand temps d'agir, et le projet de loi sur la formation professionnelle à venir constitue une opportunité à ne pas manquer.

En matière de formation professionnelle, les universités disposent d'atouts incontestables.

Au premier rang de ceux-ci figure leur activité de recherche. La valorisation de la recherche universitaire à travers la formation continue permet à des entreprises de faire accéder leurs salariés à des connaissances et des compétences de pointe. C'est d'ailleurs l'une des conditions de réussite du transfert technologique, que l'on ne doit pas résumer aux enjeux de valorisation de la propriété intellectuelle.

L'innovation dans les entreprises dépend aussi de l'accès des salariés à la qualification et de leur capacité à s'emparer des nouveaux savoirs, des nouvelles connaissances, des nouvelles technologies. C'est enfin nécessaire pour conduire la réflexion sur l'émergence de nouveaux métiers, à laquelle je souhaite que les universités puissent participer activement.

Le caractère diplômant des formations dispensées constitue également un avantage comparatif des universités et écoles, dont ils sont les seuls à disposer. Les diplômes de l'enseignement supérieur bénéficient d'une bonne image auprès du grand public et des entreprises. L'accent mis sur leur lisibilité, leur professionnalisation et leur traduction en compétences concourt à les rendre plus attrayants aux yeux des entreprises et des individus. La formation continue, dans l'optique de la loi de 1971, concourt à un objectif de promotion sociale : l'obtention d'un diplôme national d'un niveau supérieur à celui avec lequel on est sorti de formation initiale demeure le meilleur moyen de stimuler l'évolution des qualifications d'un salarié au cours de sa vie professionnelle.

Mais les faiblesses de notre système universitaire sont aussi bien réelles. Et c'est tout l'intérêt d'un colloque comme celui que vous venez d'organiser de dire clairement quels sont les verrous, afin que nous puissions tous ensemble relever le défi du développement de la formation professionnelle dans l'enseignement supérieur.

L'hétérogénéité des situations que nous rencontrons dans les établissements n'est pas seulement source de confusion. Elle illustre les difficultés qui existent pour que les universités s'approprient pleinement les enjeux de la formation continue, et en fassent un axe stratégique de leur politique d'établissement.

L'organisation de cette activité au sein des établissements obéit à différents modèles en fonction du degré d'autonomie des composantes par rapport au service commun de formation continue. Le rôle d'impulsion et de coordination de la gestion de cette activité au niveau de l'établissement de ces derniers n'est pas toujours suffisant pour créer les synergies indispensables, notamment en matière d'ingénierie de formation.

Enfin, l'atout que représente le diplôme est parfois aussi une difficulté ou un inconvénient, car les besoins de formation professionnelles courtes, d'adaptation au poste de travail ou d'actualisation des compétences, sont mal adaptés au "tout diplômant" de l'offre de formation universitaire : la modularisation de l'offre de formation doit sans aucun doute encore faire des progrès, car tout ce qui n'est pas diplômant doit néanmoins être validable.

Mais soyons justes avec les universités. Pour être enfin pleinement considérées comme des acteurs à part entière de la formation professionnelle, elles doivent être reconnues par tous les acteurs du secteur pour ce qu'elles sont : des opérateurs publics de formation de grande qualité, légitimes pour former tous les publics.

Si le M.E.S.R. est représenté au sein du Conseil national de la formation professionnelle tout au long de la vie (C.N.F.P.T.L.V.), l'intégration des universités à la gouvernance régionale et leur participation à l'élaboration des contrats de plan de développement des formations professionnelles, est encore insuffisante. En règle générale, l'enseignement supérieur est d'ailleurs traité, dans les services des conseils régionaux comme au niveau des élus, en lien avec la recherche et parfois le développement économique et le plus souvent séparément de la formation professionnelle et de l'apprentissage, ce qui nuit incontestablement à son dialogue sur ces sujets avec les régions. Une plus grande présence des établissements supérieurs leur permettrait incontestablement de bénéficier du diagnostic régional sur les besoins et de mettre leur offre de formation en cohérence et complémentarité avec l'offre disponible au niveau régional.

Plus fondamentalement, au delà de ces questions d'organisation sur lesquelles vous avez formulé des propositions qui seront naturellement étudiées dans le cadre de la loi sur la formation professionnelle et l'apprentissage que prépare au nom du Gouvernement mon collègue Michel Sapin, d'autres difficultés plus profondes peuvent expliquer la situation actuelle.

L'idée que l'université doit être un centre de ressources pour tous ne va pas de soi. Pire : la méfiance à son égard de la part de personnes qui ont pu connaître l'échec au cours de leur propre formation initiale est bien réelle. C'est aux universités de changer cette image parfois élitiste, car j'en suis persuadée, elles ont les ressources et disposent des outils pour le faire. Nous le savons, formation initiale et continue sont complémentaires. Les premiers bénéficiaires de la formation continue sont d'ailleurs aujourd'hui les cadres et les salariés disposant du niveau de formation initiale le plus élevé.

C'est la raison pour laquelle, la loi sur l'enseignement supérieur et la recherche du 22 juillet dernier a défini explicitement, et pour la première fois, la "Formation tout au long de la vie" (F.T.L.V.) comme l'une des missions du service public d'enseignement supérieur.

La formation tout au long de la vie n'est pas un concept nouveau. Il est conforme à ce que Condorcet indiquait en 1792 dans son rapport sur l'organisation générale de l'Instruction publique, lorsqu'il affirmait que " l'instruction ne doit pas abandonner les individus au moment où ils sortent de l'école, elle doit embrasser tous les âges", car "la seconde instruction est d'autant plus nécessaire que celle de l'enfance a été resserrée dans des bornes plus étroites". Il s'est développé depuis les années 1980. Mais il souffre parfois de définitions hétérogènes, qui ont longtemps conduit les établissements à identifier la F.T.L.V. à la seule activité de formation continue. Or, plus qu'un changement sémantique, c'est à un changement d'approche que la loi du 22 juillet appelle.

La F.T.L.V. doit offrir de nouvelles perspectives pour les établissements d'enseignement supérieur qui, d'établissements de formation initiale "qui font de la formation continue", doivent devenir à terme de véritables établissements d'apprentissage tout au long de la vie.

Cette évolution est tout sauf neutre. Elle marque la volonté de penser l'organisation de la formation dans l'enseignement supérieur autrement : comme un ensemble de dispositifs coordonnés, aptes à répondre à la diversité des publics accueillis à l'université tout au long de leur parcours de vie.

Cela suppose des universités qu'elles déploient une offre de formation pleinement modulaire et qu'elles en tirent tous les avantages, pour devenir des universités de la formation tout au long de la vie accueillant aussi bien des jeunes en formation interrompue que des personnes engagées dans la vie professionnelle. La mixité des publics est d'ailleurs un enjeu décisif. La gestion active des âges et la transmission des compétences, cela ne vaut pas seulement dans les entreprises pour préserver l'expérience des seniors. La mixité des publics en formation permet aussi d'intégrer les nouvelles compétences qu'apportent les jeunes, c'est donc une autre forme de contrat de génération que peuvent proposer les universités !

Faire des universités de véritables établissements de formation tout au long de la vie, cela suppose aussi de faire évoluer les parcours de formation, pour qu'ils comprennent des séquences plus ou moins importantes de professionnalisation, conçues en liaison avec les milieux professionnels, en fonction des objectifs d'insertion visés et des niveaux de qualification concernés.

C'est ainsi que l'on mettra fin au procès permanent fait aux filières universitaires d'être trop "théoriques" et de ne pas préparer à la vie professionnelle. Parler de F.T.L.V., c'est aussi considérer désormais que toutes les formations universitaires doivent aussi avoir composante professionnelle.

Faire des universités de véritables établissements de formation tout au long de la vie, cela suppose une meilleure articulation des moyens et des dispositifs permettant de progresser en qualification ou d'adapter les compétences aux évolutions du monde du travail dans une stratégie coordonnée au niveau d'un site, et concertée au niveau régional pour une meilleure adaptation aux besoins économiques. Les analyses conduites par l'AERES des contrats quinquennaux établis entre le ministère et les établissements montrent en effet que la F.T.L.V. occupe une place minime dans la stratégie des établissements, quand elle n'en est pas complètement absente.

Pour y parvenir, les nouveaux outils offerts par la loi du 22 juillet pour redynamiser la négociation contractuelle avec les contrats de sites donneront plus d'importance non seulement à la prise en compte des besoins économiques et des besoins du territoire, mais aussi à la formation tout au long de la vie qui doit désormais devenir un axe stratégique de la politique des sites et des établissements. Je souhaite également que la procédure d'accréditation intègre dans son évaluation de l'offre de formation les dispositifs mis en place pour ouvrir les formations à tous les publics, et pour construire de véritables cursus de formation tout au long de la vie.

La formation tout au long de la vie a pour ambition d'ouvrir l'université, à des nouveaux publics, mais aussi aux besoins de la société et du territoire. Elle donne toute sa portée à la responsabilité sociale de l'enseignement supérieur en le faisant participer pleinement au développement social, économique et culturel du territoire et de la région.

Je n'ignore pas que l'avancée de la loi du 22 juillet sur la formation tout au long de la vie a suscité des attentes. Il nous revient désormais de la décliner et de la mettre en œuvre concrètement au sein des établissements.

Sur l'un des aspects de ce sujet, je vous informe qu'un travail interministériel a été engagé au mois de juillet, sous la responsabilité du ministère du travail, afin de dynamiser les dispositifs de validation des acquis de l'expérience, car nous ne pouvons pas nous satisfaire du faible recours à ce dispositif unique qui permet à toute personne, quels que soient son âge, son niveau d'études ou son statut, de faire valider les acquis de son expérience pour obtenir une qualification. On ne peut se satisfaire ni de la stagnation du nombre de V.A.E. à environ 4 000 par an à l'université, ni du taux d'abandon très élevé en cours de procédure, qui témoigne de procédures trop complexes, d'un manque d'accompagnement, ou de découragement  des candidats contre lesquels il faut agir.

Mais au delà de ce dispositif, c'est le défi de la formation tout au long de la vie qu'il faut relever. C'est un travail qui débute, et je crois que ce colloque et que les propositions que vous formulez sont une étape importante.

C'est un travail que nous devons mener ensemble, ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche et établissements, qui associera pleinement le ministère du travail. La loi sur la formation professionnelle qui sera présentée à l'issue de la négociation entre les partenaires sociaux, sera en effet l'un des débouchés naturels de cette réflexion.

Pour mener ce travail à bien, j'ai demandé, dans le cadre de la modernisation de l'action publique, qu'une mission d'évaluation conjointe entre l'I.G.A.E.N.R. et l'Inspection générale des finances (I.G.F.) soit menée. Elle a un objet simple mais ambitieux: identifier les blocages réglementaires, statutaires, gestionnaires, organisationnels qu'il faut lever, ainsi que les innovations de rupture qu'il faut engager pour que les établissements d'enseignement supérieur soient enfin de véritables et acteurs de la Formation tout au long de la vie. Afin d'y associer les acteurs concernés, un comité de pilotage associant la C.P.U. et la C.D.E.F.I. sera mis en place. Ses résultats sont attendus pour le printemps 2014.

Plus largement, c'est à un dialogue renouvelé avec les forces vives de la société autour de ces enjeux que je vous invite, qu'il s'agisse des milieux professionnels, des partenaires sociaux, des collectivités, à commencer par les régions, et l'Etat.

Les établissements d'enseignement supérieur doivent savoir s'adapter ou tirer profit des réformes en cours. Je pense notamment à la mise en œuvre du compte personnel de formation, innovation majeure issue de la négociation interprofessionnelle, qui doit à terme se substituer au Droit individuel à la formation (D.I.F.). Destiné à permettre à chacun de progresser d'au moins un niveau de qualification au cours de sa vie professionnelle, il s'adressera en particulier aux personnes qui ont quitté le système scolaire de manière précoce ou qui n'ont pas obtenu de qualification professionnelle reconnue à l'issue de leur formation initiale. Les universités sont particulièrement bien placées pour répondre à la demande de formation qu'il va générer, car elles sont un centre de ressources, un réservoir de compétences nécessaires aux formations et aux qualifications d'avenir.

Mais au-delà, il est de la responsabilité de l'enseignement supérieur de prendre un temps d'avance, et de montrer la voie en matière de formation tout au long de la vie, car c'est aussi au sein des universités que se conçoivent les emplois, les métiers, les savoirs et les compétences de demain.

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