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Formation Continue du Supérieur
14 novembre 2013

Loi de finances pour 2014 - Audition de Mme Geneviève Fioraso, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche

Sénat - Un site au service des citoyensLa commission procède à l'audition de Mme Geneviève Fioraso, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche sur le projet de loi de finances pour 2014.

Mme Marie-Christine Blandin, présidente. - Nous écoutons Mme la ministre Geneviève Fioraso sur son projet de budget pour 2014. Espérons que nous y retrouverons les ambitions de la loi pour l'enseignement supérieur et la recherche qu'elle a menée à bonne fin.

Mme Geneviève Fioraso, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche. - J'ai le plaisir de vous présenter un budget en progression, le troisième de l'État après l'éducation nationale et la défense, si l'on excepte le remboursement de la dette. C'est un budget sérieux, parce qu'il tient compte de la situation de nos finances publiques et comporte une programmation pluriannuelle des moyens. Cela dit, la meilleure programmation est la loi de refondation de l'école : plus de réussite scolaire en amont améliorera la réussite étudiante et grossira le flux de jeunes d'une même classe d'âge qui obtiennent un diplôme.

Le budget de la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur » (MIRES) dépasse pour la première fois les 26 milliards d'euros, en augmentation de 121 millions d'euros par rapport à 2013 et de 648 millions d'euros par rapport à 2012. Pour mon seul ministère, il s'élève à 23,04 milliards, soit une augmentation de 112 millions d'euros par rapport à 2013 et de 593 millions d'euros par rapport à 2012. Pour l'avoir suffisamment reproché à mes prédécesseurs, je n'additionnerai pas les ressources extrabudgétaires issues du grand emprunt à ces crédits budgétaires. Pour autant, il n'est pas inutile de rappeler que 5,3 milliards d'euros iront à l'enseignement supérieur et la recherche sur les 12 milliards du second programme d'investissements d'avenir, le PIA 2.

Notre objectif prioritaire est la réussite étudiante, surtout en premier cycle où elle est de 60 % en Allemagne, contre 33 % en France. Cela implique d'abord de revaloriser les bourses : 150 millions d'euros supplémentaires pour payer le dixième mois en 2012, promis mais jamais budgété par mes prédécesseurs, 149 millions en 2013 puis 158 millions en 2014. Voilà la première étape de la réforme : un effort de 457 millions d'euros en trois ans qui préfigure l'allocation d'études prévue par l'engagement n° 39 du Président de la République. Plutôt que de saupoudrer, nous avons dégagé trois priorités, concertées avec les organisations étudiantes. En premier lieu, les 57 000 étudiants les plus modestes parmi les 135 000 étudiants exonérés de frais de sécurité sociale et de droits d'inscription. Cette catégorie zéro bis recevra une aide à raison de 1 000 euros sur dix mois. Nous plaçons le curseur sur 15 heures de petit boulot par semaine ; au-delà, il devient difficile de mener des études. En deuxième lieu, les 35 000 étudiants les plus modestes, la catégorie sept, toucheront désormais 5 500 euros au lieu de 4 697 euros auparavant. En troisième lieu, nous renforçons l'aide aux 7 000 étudiants en rupture familiale : elle passera de 5 500 à 6 600 euros.

L'amélioration des conditions de vie passe également par un meilleur accès au logement, en particulier en Ile-de-France, et dans les cinq métropoles de Lille, Bordeaux, Toulouse, Grenoble et Lyon. À Paris, le loyer peut représenter jusqu'à 70 % du budget des étudiants. Nous avons consolidé, en base pour 2014, les 20 millions d'euros supplémentaires de subventions déjà accordées au réseau des oeuvres universitaires en 2013.

La réussite étudiante implique une profonde rénovation du premier cycle universitaire. Les moyens alloués aux universités augmenteront de 106 millions d'euros pour refléter une université en mouvement, loin de l'image misérabiliste qu'elle véhicule parfois. L'État assure 90 % des recettes des universités à travers la masse salariale : aucune ne mettra la clé sous la porte, malgré les difficultés liées au passage aux responsabilités et compétences élargies, les RCE, notamment celles liées à l'absence de prise en compte du glissement vieillesse technicité (GVT) positif. C'est pourquoi nous avons procédé à une programmation pluriannuelle en toute transparence avec la Conférence des présidents d'université (CPU). Nous poursuivons les créations d'emploi : 1 000 postes en 2013 et en 2014, tous fléchés sur le premier cycle. L'université devra faire avec les licences ce qu'elle a réussi avec les mastères sur lesquels l'effort doit se prolonger. Au premier clic sur Admission post-bac, on vous propose 11 000 parcours de mastères. Ce n'est ni lisible ni sérieux pour les étudiants et leurs familles. Simplifions leurs intitulés, mutualisons-les, voire redéployons-les vers les licences. Il existe encore trop de mastères, hors disciplines rares, qui comptent moins de quinze étudiants.

Nous poursuivons le plan de déprécarisation dans le cadre de la mise en oeuvre de la loi « Sauvadet » : après 1 775 agents en 2013, dont beaucoup de catégorie C indispensables au fonctionnement des universités, 2 200 agents par an en bénéficieront à partir de 2014, grâce à un abondement annuel de 40 millions d'euros. Nous reparlerons des difficultés d'une quinzaine d'universités. Elles sont plus prégnantes depuis le passage aux RCE. En cause, la saturation des plafonds d'emplois, des recrutements trop nombreux ou trop rapides, une offre de formation trop dispersée et trop coûteuse, la mauvaise anticipation de la rénovation des locaux. Accompagnons-les : l'apport en ingénierie de mon ministère peut éviter de faire appel au rectorat et à une mise sous tutelle déresponsabilisante. L'immense majorité d'entre elles se redressent, comme Le Havre, Paris-VI ou encore Angers qui avait embauché 98 personnes la première année de passage aux RCE.

Je ne voudrais pas éluder le délicat problème du GVT positif, sur lequel les établissements ont une prise limitée. Il aurait fallu prévoir un lissage dès 2007. À mon arrivée en 2012, j'ai tenu à ce que le ministère le finance pour moitié, à hauteur de 18 millions d'euros. Je ne peux pour l'instant prendre l'engagement ferme de reconduire cette mesure pour les trois ans à venir, j'en discute avec le ministère du budget qui me renvoie encore au fonds de roulement des universités et à leur trésorerie, qui sont souvent très importants, ce dont je me félicite. Un effort conjoint, j'en suis persuadé, serait bienvenu pour accompagner les établissements vers la responsabilité.

De nouveaux financements partenariaux et territoriaux viennent s'ajouter à ces perspectives avec les prochains contrats de plan État-régions. L'année 2014 sera de transition : nous redéployerons 100 millions d'euros d'autorisations d'engagement provenant d'anciens partenariats public-privé (PPP) abandonnés au profit de projets urgents mais qui ne sont pas encore programmés. Les opérations Campus entrent en régime de croisière : de 158 millions d'euros seulement débloqués cinq ans après la première vague, elles passent à 255 millions d'euros en 2014. C'est la fin du tout PPP, puisque 61 % des opérations y échappent ; on utilise désormais d'autres outils : la maîtrise d'ouvrage définie par la loi relative à la maîtrise d'oeuvre publique ou encore les fameuses sociétés de réalisation avec la Caisse des dépôts et consignations, comme l'a fait l'université de Bordeaux. Cette diversification des procédures juridiques a débloqué les plans Campus.

Concernant la recherche, nous avons engagé l'agenda stratégique autour de dix grands axes prioritaires, en cohérence avec la stratégie européenne Horizon 2020, les trente-quatre projets des nouveaux investissements d'avenir présentés par le Président de la République et les perspectives à 2030 du rapport de Mme Anne Lauvergeon. L'enseignement supérieur et la recherche doivent être au coeur de la stratégie de redressement de notre pays et non pas une île en dehors de la vie réelle. Dans les pays dynamiques, ils sont au service du projet politique, du projet de développement, du projet de croissance. Les réussites d'Airbus, le robot intelligent Nao sont la face émergée de l'iceberg. La France est le deuxième pays au monde en termes de publications sur le sida, le deuxième contributeur au fonds mondial qui le combat et la patrie du prix Nobel décerné à Françoise Barré-Sinoussi et à Luc Montagnier. Pour autant, aucune de ces avancées ne serait possible sans une industrie de la robotique, qui nous manque, ou une industrie du numérique qui se déploie. Contre le retour de vieilles lunes, telles que la dichotomie entre recherche et usages, entre hardware et software, ayons une vision plus systémique, plus moderne et plus dynamique de la recherche et de l'innovation.

Les crédits budgétaires du ministère consacrés à la recherche représentent 7,77 milliards d'euros, comme en 2012, soit 82 millions d'euros de moins qu'en 2013. La baisse est concentrée sur les programmes de l'Agence nationale de la recherche (ANR). Nous n'irons pas plus loin. Il s'agit, en effet, d'un juste dimensionnement de son budget en rapport avec sa capacité. Tous les programmes seront maintenus. Sa trésorerie, de 300 millions d'euros, atteste qu'elle accumulait du retard dans la réalisation de ses projets. Or un programme non réalisé est un programme dépassé. Avec plus de 600 millions d'euros, elle revient à son niveau de 2008-2009. Nous n'avons pas sorti ces propositions de notre chapeau : les Assises de l'enseignement et de la recherche ont appelé à un rééquilibrage entre appels à projet et crédits récurrents et au rétablissement des programmes pluriannuels pour la recherche fondamentale. Les chercheurs ont mieux à faire que de se préoccuper de la paperasserie administrative. Ils pourront davantage se consacrer aux financements européens, que nous mobilisons cinq fois moins que sous le quinquennat précédent. Les dotations récurrentes aux organismes seront supérieures de 3 % par rapport à 2012.

La hausse du budget du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) n'est qu'apparente, elle résulte du provisionnement pour le démantèlement de centrales nucléaires dans le cadre de la transition énergétique. La baisse réelle de sa subvention se justifie par le fait que le CEA fait largement appel à des recettes extérieures, sa direction de la recherche technologique fonctionne d'ailleurs à plus de 50 % avec des financements privés. Cela ne doit pas nous chagriner. La part du privé dans les 2,2 % du PIB consacrés à la recherche et développement est faible parce que notre appareil productif a fondu, avec 750 000 emplois en moins. La différence est patente avec l'Allemagne où les crédits consacrés à la recherche atteignent 2,9 % du PIB grâce à l'investissement privé. Nous devons mieux irriguer l'industrie via la recherche technologique et continuer d'investir dans la recherche publique.

Les crédits de l'ANR baissent de 82 millions d'euros pour se stabiliser à 605 millions. La recherche spatiale, qui intéresse beaucoup d'entre nous, voit son budget augmenter de 58 millions d'euros pour atteindre 1,43 milliard d'euros. La légère baisse du budget du Centre national d'études spatiales (CNES) est complètement artificielle ; nous abondons les crédits de l'Agence spatiale européenne (ESA - European Spatial Agency), pour atteindre les objectifs fixés au dernier Conseil interministériel de Naples. Cela s'est fait en bonne intelligence avec le CNES, son directeur m'a même adressé une lettre de remerciements.

Ne mélangeons pas crédits budgétaires et ressources extrabudgétaires. Si j'avais ajouté à mon budget le crédit d'impôt recherche, le PIA 1 et le PIA 2, j'aurais pu afficher une hausse de plus de 30 %. Mais je ne le ferai pas, bien sûr !

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