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Formation Continue du Supérieur
21 avril 2013

Les "humanités" au cœur de l'excellence

http://www.strategie.gouv.fr/system/files/imagecache/vignette_multimedia/istock_000010899389xsmall.jpgPar Jean-François Pradeau. Document de travail (N° 2013-02) - Les "humanités" au cœur de l'excellence scolaire et professionnelle.
L’ensemble des études et des rapports qui ont été consacrés ces quinze dernières années à l’enseignement des langues et cultures de l’antiquité ont fait le diagnostic d’un déclin accéléré des humanités classiques, que ne fréquente plus aujourd’hui qu’un bachelier sur vingt. Le latin et le grec, et avec eux la connaissance de l’antiquité gréco-latine, deviennent des terres inconnues. L’enseignement des langues anciennes et la découverte des cultures anciennes occupent une place désormais marginale. La situation des humanités est pourtant paradoxale, dans notre pays comme dans la plupart des pays occidentaux.
* Les "humanités" au cœur de l’excellence scolaire et professionnelle - Pistes pour l’enseignement des langues, de la culture et de la réception de l’antiquité

Car autant la situation scolaire paraît sombre, tant le latin et le grec y sont marginalisés et abandonnés par la plus grande majorité des élèves et des familles, autant bon nombre d’expériences et de pratiques dans l’enseignement supérieur comme dans le domaine culturel attestent que le "besoin social" des humanités classiques est une réalité. Une réalité culturelle, pour des sociétés européennes qui se sentent toujours héritières de l’antiquité gréco-latine; une réalité professionnelle, dans un monde où certaines entreprises prennent conscience des compétences remarquables de jeunes adultes formés à la rigueur littéraire et linguistique des savoirs de l’antiquité.
Les formations qui ont su faire une place de choix aux humanités peuvent voir leur caractère d’excellence reconnu à travers des collaborations originales entre entreprises et universités. Ce document de travail propose des pistes pour faire connaître et développer l’insertion de la culture classique dans les formations, pour montrer combien les humanités fécondent l’apprentissage scolaire des langues européennes, combien elles restent au principe de notre culture nationale et européenne, combien enfin elles sont précieuses dans la formation rigoureuse de jeunes adultes appelés à exercer des métiers variés.
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Document de travail (N° 2013-02) - Les "humanités" au cœur de l'excellence scolaire et professionnelle.
Introduction
Nous avons besoin des « humanités »

Ce que l'on appelle les « humanités » peut s’entendre en un sens restreint ou plus large. Il peut s’agir de certains savoirs particuliers ou bien de tout ce que doit connaître l’être humain pour atteindre ce qui fait sa valeur. C’était le sens qu’avait déjà le latin humanitas. Aujourd'hui, le terme s'est enrichi de significations nouvelles: les humanités peuvent ainsi désigner de manière très générale la culture littéraire, et l’on hésite de moins en moins à employer ce terme comme synonyme de « sciences humaines », par opposition aux sciences dites « dures ».
Mais les humanités ne sont pas n’importe quel savoir littéraire. Elles ne sont pas même un savoir: elles sont avant tout un détour, qui affecte la façon dont nous nous percevons nous-mêmes aujourd’hui. Pour que les humanités fassent sens, il faut avoir compris qu’Athènes et Rome ont existé et que savoir le grec, le latin, l’histoire ou encore la philosophie antiques nous aide à devenir ce que nous voulons être maintenant. Pour qu’il y ait humanités, il faut que le rapport à l’antiquité ait un intérêt intellectuel et moral pour l’homme d’aujourd’hui. Or tel est bien le cas, quels que soient les chiffres, bons ou mauvais, de l’enseignement du latin et du grec dans les lycées français.
Mais les difficultés que connaît cet enseignement ont des conséquences: ils privent notre jeunesse d’un détour qu’elle aura besoin d’accomplir. Et c’est la raison pour laquelle nous devons désigner des pistes et autant de remèdes susceptibles de maintenir une présence des humanités, qu’elle soit scolaire, universitaire, culturelle ou même professionnelle...
2. Les humanités dans l’enseignement supérieur: un besoin sans réponse

La situation pédagogique qui prévaut dans le secondaire s’impose également dans l’enseignement supérieur, où l’on tente depuis une quinzaine d’années de remédier aux lacunes linguistiques. L’introduction d’enseignements de grec et de latin pour « grands débutants » est devenue courante. C’est une solution qui permet de former au latin et au grec des étudiants qui comptent donc parmi les 95% de bacheliers n’ayant pas appris de langue ancienne au Lycée. C’est par ce biais que l’Université essaie de donner à ses étudiants de lettres, d’histoire ou de philosophie les outils linguistiques que le secondaire ne leur a pas donnés. Aux autres étudiants, dans les filières scientifiques d’un côté, ou bien de droit-économie-gestion de l’autre, tout comme dans l’ensemble des formations supérieures professionnelles, aucun enseignement de ce type ne sera délivré. C’est dire que, dans le supérieur, l’enseignement des langues anciennes relève encore et seulement d’un choix optionnel. Un choix encore plus restreint qu’il ne l’était déjà dans le secondaire.
Apprendre le latin ou le grec n’est proposé (en aucun cas imposé), qu’aux étudiants qui suivent un cursus de Lettres ou de Sciences humaines. Proposé car le latin (et depuis quelques années le grec) n’est à ce jour une obligation que pour les candidats à l’agrégation de lettres modernes. Si cette faiblesse ou cette disparition sont alarmantes, c’est relativement à certains de leurs effets sur les autres savoirs, sur la langue, sur la pensée. L’enseignement des langues anciennes fait entrer dans l’apprentissage des langues et de la littérature d’aujourd’hui une profondeur et une histoire. Les langues anciennes inscrivent dans notre propre langue une forme d’altérité et d’héritage, lorsque l’on comprend d’où vient notre langue et sur quoi elle repose; et elles inscrivent dans la perception que nous avons de nous-mêmes un rapport à des ancêtres, à des parents qui avaient des exigences et qui ont fait des oeuvres. Des prédécesseurs, par rapport auxquels nous nous situons. Si ce passé et cette altérité sont soustraits de l’apprentissage de notre propre langue et de notre propre histoire, alors nous parlerons un français sans histoire, nous vivrons dans une Europe sans profondeur. Nous savons que l’apprentissage du latin et du grec féconde l’apprentissage des autres langues, la nôtre en tout premier lieu. Que l’étymologie grecque ou latine ne peut faire de mal à un futur médecin et que la connaissance de la littérature et des arts anciens s’avèrera indispensable à un historien de l’art. Peut-on se plaindre qu’une langue morte soit morte et qu’elle ne s’enseigne plus? Trois arguments nous semblent plaider pour une meilleure reconnaissance de la place des humanités dans les parcours d’excellence scolaire et professionnelle.
2.1. L’existence d’une « demande sociale » d’humanités

L’avenir des humanités n’est pas sombre. Notre modernité la plus ordinaire est curieuse d’Antiquité, et on se rend compte qu’elle accomplit de diverses manières son détour humaniste. Parce qu’elle réécrit des oeuvres antiques ou les adapte, parce qu’elle multiplie les séries télévisées ou les films qui prennent l’Antiquité pour objet, parce que la mythologie gréco-latine reste un objet d’intérêt et un matériau culturel on ne peut plus actuel. Ce que l’on cherche dans l’Antiquité, ce sont des réponses et des modèles, sur les modes de vie, les vertus, la vie citoyenne, les comportements héroïques, et tout ce qui nourrit encore aujourd’hui un goût pour le théâtre antique, pour la mythologie, y compris sous ses formes de divertissement populaire (ce qu’attestent tous les films consacrés depuis dix ans à l’antiquité ou à la mythologie grecque). Et si on les cherche dans l’Antiquité, c’est parce que l’on sait qu’on va les y trouver. Ce qui veut dire que nous ne les cherchons pas ailleurs et que nous continuons spontanément à nous tourner vers Athènes et vers Rome. Nous ne leur avons pas donné congé. L’avenir n’est pas sombre dans l’ensemble d’une société qui plébiscite les sagesses antiques, qui lit du Platon comme jamais (Platon en poche, ce sont des succès de librairie avec des ventes qui dépassent les 150 000 exemplaires), qui tourne des péplums, des séries télévisées sur Rome, ou bien encore qui réfléchit aux vertus ou à la conception de la démocratie des penseurs antiques.
2.2. La nécessité des humanités dans les parcours scolaires et universitaires

Comment se familiariser avec l’oeuvre de Platon si l’on ne possède pas quelques rudiments de grec ancien? Comment consulter des documents historiques médiévaux si l’on ne sait pas un peu de latin? Comment, dans les mêmes conditions, suivre un enseignement d’ancien français? Les étudiants vont se trouver réduits à ne travailler qu’avec des traductions et à se mouvoir toujours dans un univers de seconde main. Ils feront alors, et par défaut, l’expérience du caractère à la fois séminal et instrumental des langues anciennes. Et de la même manière, ils comprendront, par défaut là aussi, que l’antiquité est moins éloignée qu’il n’y semblait. La France a une tradition savante et culturelle d’une grande vigueur. L’Université française, à la fin du XIXe et au début du XXe siècle, s’est dotée d’une culture philologique de très haut niveau, qui lui permet aujourd’hui de rester parmi les pays européens et occidentaux qui portent la possibilité d’un nouvel humanisme. Les outils scolaires, les moyens de former la jeunesse, les bibliothèques et les centres de recherche sont encore là. Il faut redonner à l’école les moyens de mieux le faire, en permettant à l’enseignement des langues et cultures de l’antiquité de ne plus être des options de second rang dans les différentes séries du lycée. La demande scolaire existe. Lorsque des classes de grec sont ouvertes dans les collèges, les familles y envoient leurs enfants.
À l’image de ce qui se fait en Allemagne, on pourrait permettre que les collégiens et lycéens optent pour le latin ou le grec en guise de seconde langue. Cette suggestion devrait prévaloir pour toutes les séries des lycées, sans être restreinte aux seuls élèves des séries littéraires. Car à l’heure actuelle, ce ne sont pas eux mais bien les élèves des classes scientifiques qui constituent les principaux effectifs latinistes et hellénistes. Aussi faudrait-il réserver aux séries littéraires, et à tout le moins à l’une d’entre elle, cette démarche spécifique: inscrire dans l’une des séries littéraires au lycée un enseignement obligatoire de langue et culture de l’antiquité, de façon à lui rendre une cohérence littéraire forte ferait de cette série un parcours d’excellence attractif.
Les institutions d’enseignement supérieur et de recherche ont pris conscience des enjeux, d’autant plus qu’elles sont confrontées aux lacunes littéraires, culturelles ou linguistiques de leurs étudiants, et qu’elles éprouvent le besoin de mieux les former à la maîtrise de la langue française. La filière « monodisciplinaire » de lettres classiques, qui rassemble en même temps qu’elle les isole le latin et le grec avec le français, est en grande difficulté. Vouloir la restaurer ou la protéger en l’état semble insuffisant. Il est en revanche nécessaire de protéger une formation aux langues anciennes qui assure, au terme des études supérieures, le recrutement de professeurs de langues anciennes et la formation de chercheurs en langue comme en littérature anciennes. Mais cette formation peut être élargie, sous la forme de Licences pluridisciplinaires au sein desquelles les langues anciennes ne seraient plus une option mais un élément constitutif. À l’instar de la « licence humanités ».
Inciter les universités à inscrire dans leurs maquettes de licences littéraires (lettres, langues vivantes latines, histoire et philosophie) un enseignement de langue et culture de l’antiquité serait souhaitable. Le succès de formations récentes comme la Licence humanités de l’Université de Nanterre montre que les langues anciennes peuvent prendre leur place dans un cursus universitaire d’excellence susceptible de déboucher sur une spécialisation en Lettres Classiques après deux ou trois ans de premier cycle universitaire. L’intérêt d’un dispositif de ce type est de former des spécialistes classicistes, mais aussi et surtout d’assurer à d’autres étudiants une formation au sein de laquelle les humanités auront été structurantes.
Sans doute peut-on se demander, entre un label « attrape-tout » et un label authentique, lequel va l’emporter. Lequel dessine au mieux l’avenir des humanités? Si la solution d’un enseignement pluridisciplinaire impliquant obligatoirement un enseignement de langue ancienne et une vraie formation antiquisante s’impose, alors c’est l’expérience nanterroise qui sera généralisée. Si le modèle d’une formation complémentaire s’impose, il ne faut pas que ce soit au prix de la fin des études littéraires. Quant aux formations de droit, économie, gestion ou commerce, on les priverait de toute fréquentation des humanités en limitant ces dernières aux seules filières littéraires.
2.3. L’intérêt de certaines entreprises pour les étudiants issus des parcours littéraires
Le monde de l’entreprise reconnaît la qualité de la formation reçue par des étudiants littéraires (au sens large) qui ont une aptitude sans équivalent au travail intellectuel méthodique, à la lecture et à l’écriture. Et c’est un constat qui est aujourd’hui vérifié, à une échelle restreinte, dans un projet mené conjointement par des entreprises et des universités partenaires, l’opération Phénix. Dans un article récent, le philosophe Michel Serres expliquait pourquoi les visées à courtterme des formations spécialisées sont en définitive inadaptées aux besoins des entreprises innovantes d'aujourd'hui (voir le Nouvel Économiste, 2011):
« Si l’on demande à la recherche – comme on le fait aujourd’hui en Amérique ou même en France– d’avoir des résultats rapides ou à l’enseignement de préparer à des métiers précis, on n’obtient pas les résultats souhaités. Le pragmatisme utilitaire est contre-productif. On ne peut préparer les gens à un résultat immédiat. Tandis que si vous leur apprenez à puiser dans une culture extérieure, dans un domaine où il y a de l’inutilité – les textes classiques, la littérature ancienne, l’art, la musique… – des choses absolument nouvelles pourront être inventées. C’est pourquoi j’affirme que le court terme, et c’est vrai pour l’entreprise comme pour la recherche ou l’enseignement, est toujours inutile. Si vous voulez former quelqu’un à être vraiment adapté à ce qui va se passer demain matin, vous êtes sûrs de faire de lui un inadapté et de rendre sa technicité désuète dès son arrivée sur le marché. Car ce qui se passera demain matin sera nécessairement nouveau. On est donc certain de rester en retard par rapport à la marche de la société si l’on cherche à l’anticiper. »
L’opération Phénix aura fait, à son échelle, une démonstration importante. D’autres indices indiquent de la même façon que les entreprises ont besoin de recruter des salariés cultivés, méthodiques, et intelligemment adaptables à des métiers qui changent. Que le recrutement des écoles de commerce ait été étendu aux classes préparatoires littéraires et qu’il s’ouvre désormais aux étudiants des universités indique également un regain d’intérêt pour des formations en lettres et sciences humaines qui ne sont plus considérées comme étant parfaitement étrangères aux carrières de l’entreprise, comme le soulignait récemment Jean-François Fiorina, directeur adjoint de Grenoble École de Management et président de l’association Passerelle. En ce qui concerne les humanités au sens strict, il est assez frappant aussi, en Grande- Bretagne comme aux États-Unis, de voir comment celles-ci peuvent s’inscrire dans des parcours universitaires d’excellence et ouvrir aux métiers les plus estimés socialement (tel n’est pas le cas en France, où l’élite sociale reste formée dans les grandes écoles).
En Grande-Bretagne comme en Amérique du Nord, une formation initiale supérieure en Lettres classiques (au niveau correspondant à la Licence) permet une poursuite d’études dans les domaines à forte employabilité que sont les masters d’économie, de finances ou encore d’affaires publiques. C’est ce que souligne l’analyse des poursuites d’études et des débouchés professionnels que présente le département « Classics » de l’Université d’Oxford, en rappelant que: « Les employeurs apprécient la façon dont les études classiques favorisent un développement intellectuel pluridisciplinaire et rendent possible une grande souplesse d’esprit. À une époque de changement social et économique rapide, la capacité à réagir en s’y adaptant aux changements les moins perceptibles fait des étudiants classicistes les diplômés dont les employeurs ont justement le plus besoin: des diplômés qui disposent d’une aptitude d’adaptation et d’une capacité à apprendre sans équivalent. »
En ce qui concerne les humanités au sens strict, il est assez frappant aussi, en Grande- Bretagne comme aux États-Unis, de voir comment celles-ci peuvent s’inscrire dans des parcours universitaires d’excellence et ouvrir aux métiers les plus estimés socialement (tel n’est pas le cas en France, où l’élite sociale reste formée dans les grandes écoles).
En Grande-Bretagne comme en Amérique du Nord, une formation initiale supérieure en Lettres classiques (au niveau correspondant à la Licence) permet une poursuite d’études dans les domaines à forte employabilité que sont les masters d’économie, de finances ou encore d’affaires publiques. C’est ce que souligne l’analyse des poursuites d’études et des débouchés professionnels que présente le département « Classics » de l’Université d’Oxford, en rappelant que: « Les employeurs apprécient la façon dont les études classiques favorisent un développement intellectuel pluridisciplinaire et rendent possible une grande souplesse d’esprit. À une époque de changement social et économique rapide, la capacité à réagir en s’y adaptant aux changements les moins perceptibles fait des étudiants classicistes les diplômés dont les employeurs ont justement le plus besoin: des diplômés qui disposent d’une aptitude d’adaptation et d’une capacité à apprendre sans équivalent. »
Il est grand temps de permettre à la société dans son ensemble, et à l’entreprise en particulier, de s’intéresser aux humanités. Parce que la situation est nouvelle, parce que nous avons besoin que l’initiative privée s’empare de cet enjeu. Pour que le rendez-vous ne soit pas manqué, il faut que l’entreprise rencontre les humanités en temps que telles, et non pas simplement leur nom. C’est-à-dire qu’elle puisse prendre comme salariés des jeunes gens qui ont une culture historique et littéraire, et qui ont un rapport moral au savoir, en ce sens qu’ils pratiquent une forme d’érudition dont ils ont la conviction qu’elle va les rendre meilleurs. Et qu’elle a un sens pour eux. Une forme d’érudition qui va leur permettre de mieux comprendre le monde qui les entoure et de mieux agir.
Il y a deux façons de faire entrer les humanités dans l’entreprise. D’abord, avec les étudiants qui ont suivi des études de lettres ou de sciences humaines: soit en donnant à ces étudiants un complément de formation qui doit les rendre « opérationnels » dans l’entreprise; soit en les encourageant à y entrer, comme le fait l’opération Phénix, sans même les astreindre à un complément de formation managériale. Ensuite, avec les étudiants qui ne sont pas dans les cursus littéraires, en militant pour que leur formation puise davantage à la source ancienne. C’est dans ce sens que vont certaines des formations pluridisciplinaires évoquées plus haut et dont on peut penser que les entreprises gagneront à les soutenir.
Les entreprises veulent en effet des collaborateurs qui sachent écrire et penser avec rigueur ce qu’ils écrivent. Dans un monde de service et d’information, où le temps de lecture quotidienne sur écran est devenu considérable, les entreprises savent que l’écrit redevient essentiel, et elles ont compris que la formation en lettres était indispensable. Et un étudiant formé en lettres, c’est un étudiant qui a fait du latin ou du grec, qui sait qu’Athènes et Rome ont existé et qui est en mesure de faire quelque chose de ce savoir.
L’État et l’école ont fait des choix discutables, dont nous ne sortirons que lorsque les langues anciennes ne seront plus confinées, y compris dans les filières littéraires les plus classiques, au rayon des options de second rang. D’ici-là, les entreprises peuvent prendre la main. Elles sont mieux placées que quiconque pour investir dans les humanités. Parce qu’elles en ont les moyens, par ce que les fonds de dotation et les fondations leur en donnent le cadre institutionnel Et qu’elles peuvent également les intégrer à la formation de leurs propres collaborateurs. La connaissance de l’Antiquité, par l'apprentissage de ses langues dans toutes ses composantes culturelles, parce qu’elle est un rapport réellement enrichissant et utile, doit avoir sa place dans l’entreprise.
Voilà qui plaide en faveur de deux objectifs: il faut qu’une dimension réellement humaniste soit inscrite au coeur des formations universitaires professionnalisantes qui mènent à l’entreprise. Par « humaniste », nous entendons un enseignement historique et littéraire des cultures européennes anciennes. Un enseignement qui serait également un enseignement d’histoire des idées. Il faut ensuite que les entreprises mettent au menu de leur formation continue des enseignements qui puissent satisfaire le besoin d’humanités. C’est un double objectif qu’une fondation d’utilité publique pourrait atteindre: encouragée par différentes universités, la création d’une « Fondation pour les Humanités » aurait pour ambition de mettre en valeur les ressources linguistiques, historiques et philologiques des universités françaises, pour intéresser l’ensemble de la société aux humanités. Une Fondation qui soit un levier d’encouragement pour les jeunes gens qui se forment aux humanités, et à qui l’on pourrait offrir des bourses et des moyens de travail. Une Fondation qui remette la France au coeur de l’Europe humaniste. Une Fondation qui soit un instrument de diffusion et de promotion des humanités, ouvert et adapté à ceux qui en ont besoin: la recherche, l’académie, les élèves, les étudiants, mais aussi les actifs et les entreprises.
La « demande d’humanités » doit recevoir une réponse des pouvoirs publics. Sur le terrain scolaire et universitaire, bien sûr, mais également à destination des familles et du monde professionnel. L’État peut rappeler que de jeunes adultes formés aux humanités s’avèrent des professionnels compétents dans des domaines extrêmement variés. La capacité de travail, les aptitudes linguistiques, les compétences historiques et le rapport privilégié à l’écrit, font de ceux qui les possèdent des candidats au recrutement des entreprises de tout premier plan. C’est ce qu’indiquent différents exemples : la façon dont les écoles de commerce recrutent dans les premiers cycles littéraires leurs élèves, ou encore le succès considérable de l’opération Phénix. À chaque fois, on vérifie que la formation via les humanités permet aux recrutés d’exercer avec talent des métiers qui étaient a priori éloignés de leur formation (dans l’audit, dans le conseil, dans la finance, dans l’administration). Encore faut-il qu’ils soient recrutés. Encore faut-il que l’on indique aux employeurs et aux familles que les humanités peuvent constituer des voies d’excellence, au même titre que les sciences et bien davantage que les filières « professionnalisantes » que promettent les formations commerciales ou de management. C’est le message que les pouvoirs publics pourraient opportunément adresser aux familles et aux entreprises.
Les leçons de Phénix
Lancée en 2006 à l’initiative de Serge Villepelet, président de PwC France, cabinet d’audit et de conseil, l’opération Phénix lie des universités et des entreprises partenaires qui s’engagent à offrir chaque année des postes de niveau cadre en CDI aux étudiants de master 2 en lettres et sciences humaines. Une trentaine de jeunes diplômés sont ainsi intégrés dans ces entreprises, sans formation « managériale » ou financière préalable.
Cette opération est un succès. 165 diplômés d'un master de Lettres et sciences humaines ont été recrutés par les grandes entreprises partenaires de l'opération et la plupart d'entre eux y poursuivent un beau parcours au point, pour certains, d'être l'objet des sollicitations de cabinets de "chasse de têtes". La démonstration a été faite que les formations en lettres et sciences humaines dispensées au sein des universités ont vocation à être une source du recrutement des cadres pour les entreprises françaises. Une source qui n’a rien à envier aux formations « professionnalisantes » que les écoles de commerce ou les universités elles-mêmes ont promu ces dernières années.
Ag Jean-François Pradeau. Páipéar Oibre (Uimh. 2013-02) - An "daonnachtaí" ag croílár an barr feabhais acadúil agus gairmiúil.
Gach na staidéir agus tuarascálacha a bheith caite thar na cúig bliana déag anuas teangacha agus cultúir de antiquity teagaisc a diagnóisíodh le meath luathaithe sna daonnachtaí clasaiceach, atá coitianta lá atá inniu ann go Baitsiléir is fiche. Laidin agus Gréigis, agus leo an t-eolas ar ársa na Gréige agus Laidin, a bheith tailte anaithnid. Múineadh teangacha ársa agus an teacht ar chultúir ársa áitiú anois áit imeallach. Is é an staid, áfach daonnachtaí paradoxical sa tír ár mar i bhformhór na dtíortha an Iarthair. Níos mó...

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