Orientation - les pratiques d'information des jeunes changent la donne
Jeunesses : études et synthèses n°9 - Orientation: les pratiques d'information des jeunes changent la donne.
Que savons-nous sur l’information des jeunes dans le domaine de l’orientation? Les études réalisées par l’INJEP sur ce sujet donnent à voir des pratiques hétérogènes, selon les profils et les parcours, où l’estime de soi et les relations de proximité jouent un rôle essentiel.
Si certains jeunes se montrent autonomes dans leurs recherches, certains « manifestent des difficultés (…) à décoder ou à exploiter des informations ». Les spécificités de l’adolescence, l’importance de l’estime de soi, la place d’Internet et des réseaux sociaux jouent également sur les usages, et ce, de façon déterminante. Enfin, ces études pointent un système d’information trop descendant, trop cloisonné, imposant aux professionnels de repenser leurs pratiques. Télécharger Etudes et synthèses n°9 - Orientation: les pratiques d'information des jeunes changent la donne.
Depuis 2006, l’INJEP a réalisé plusieurs études principalement qualitatives dans le domaine de l’information sur l’orientation. À ces enquêtes ont succédé des évaluations, conduites dans le cadre du Fonds d’expérimentation pour la jeunesse, autour du même sujet.
Ces différents travaux concernent d’une part les jeunes et leurs pratiques, d’autre part les pratiques professionnelles qui y sont liées, au sein des politiques publiques de l’éducation, de l’orientation, de l’information, de la jeunesse…
L’orientation des jeunes est étudiée dans la globalité de leur parcours personnel: mobilité, accès au logement par exemple. Ces études ont permis de poser un diagnostic, mais aussi de présenter des préconisations en lien avec les contextes locaux identifiés. Nous exposons dans cette synthèse quelques enseignements tirés de ces travaux.
Stratégies d’information: des jeunes autonomes, d’autres dépendants
L’âge, le genre, le contexte familial, l’environnement (le territoire), mais aussi – et de manière très significative – le parcours scolaire jouent un rôle essentiel dans les stratégies. Ces déterminants se conjuguent avec l’envie de construire un projet personnel et donc d’accéder à l’information et de se l’approprier. La question de l’appétence est ici fondamentale.
Cette diversité des profils nécessite des modes d’intervention différents partant d’une bonne connaissance des publics (et des non-publics) et de leurs caractéristiques, ainsi qu’une observation fine et actualisée. Une prise en compte des jeunes dans la globalité de leur parcours est indispensable. Elle appelle une réponse institutionnelle interactive et partenariale favorisant la présence d’acteurs sollicités dans le cadre scolaire et extrascolaire.
Lors d’une enquête réalisée dans l’agglomération du grand Angoulême auprès de professionnels de jeunesse et d’éducation, deux portraits de jeunes ont été ainsi distingués:
- les « jeunes stratèges » qui combinent différentes pratiques dans un temps donné et de manière organisée: sélection des premières informations recherchées sur Internet, maîtrise des ressources informatives ou documentaires, recherche de contacts avec des professionnels… Dans le parcours des jeunes stratèges, les professionnels n’interviennent de manière significative que dans la phase de confirmation de l’information et d’accompagnement et de conseil dans son exploitation;
- à l’opposé, les « jeunes dépendants » ont un parcours plus chaotique en matière de recherche d’information.
Leur démarche varie selon leur capacité à contrôler les différentes étapes du processus d’information. Ils manifestent des difficultés à rechercher, à décoder ou à exploiter les informations ou les propos de leurs proches ou de médias, souvent peu à même de délivrer une information fiable et pertinente.
Dans ces conditions, le rôle des professionnels de l’information et des personnes ressources apparaît déterminant ainsi que leur capacité à adapter leur posture en fonction des publics.
Le rôle crucial des pairs et des proches
Les enquêtes réalisées par l’INJEP mettent l’accent sur la priorité donnée aux adultes de confiance et aux pairs dans les stratégies d’information des jeunes. Les adultes rencontrés au quotidien sont concernés (parents, proches, enseignants, animateurs, éducateurs, entraîneurs sportifs…). Ils sont notamment sollicités par les jeunes qui privilégient les relations interpersonnelles, la qualité de l’accueil, la mise en confiance, la disponibilité, l’écoute. Ce mode d’accès à l’information pose néanmoins le problème de la qualité des renseignements reçus (champ trop limité, subjectivité…).
Toutes les enquêtes réalisées, qu’elles soient qualitatives ou quantitatives, insistent sur le rôle des pairs. À tout âge, pour les garçons et les filles, les pairs sont une source majeure d’information en vue du choix des études et des formations. Selon les moments du parcours et les situations, cette information a plus ou moins de poids. Parfois, c’est la seule ressource, en particulier pour les jeunes dont les familles ont elles-mêmes peu de moyens ou pour ceux qui se trouvent dans une période de décrochage.
Si le choix des pairs comme source unique d’information peut comporter un risque quant à la qualité des renseignements reçus, il n’en reste pas moins que la place de ces derniers doit être prise en compte dans les pratiques professionnelles (par exemple recevoir des groupes d’amis, guider les pratiques de transmission entre pairs).
Les évaluations en cours conduites par l’INJEP confirment l’intérêt porté par des lycéens lorsque des étudiants récemment engagés dans un cursus viennent témoigner de leur parcours.
Les spécificités de l’adolescence et l’importance de l’estime de soi
Les spécificités de l’adolescence et l’estime de soi sont des questions qui reviennent de manière récurrente dans les différentes études réalisées par l’INJEP. Dans une période de construction identitaire, la difficulté à trouver sa voie peut constituer un obstacle majeur à un parcours d’information actif ; ceci indépendamment des sources disponibles. Certains professionnels ont même pointé une montée de l’anxiété face aux échéances proches ou lointaines. Cette anxiété peut se traduire par un déni de toute nécessité à s’informer. C’est dire si la place de l’estime de soi est ici essentielle. L’évaluation de programmes centrés sur l’accompagnement des jeunes dans leur parcours d’orientation, tels que le programme Pollen de l’École supérieure des sciences économiques et commerciales (ESSEC)3, nous montre qu’au-delà des apports de connaissances sur des filières ou des métiers, les jeunes apprécient tout particulièrement la qualité des rapports qu’ils peuvent nouer avec les adultes. Ces rapports permettent ainsi de faire évoluer la confiance en soi4, qui est essentielle pour s’informer et se mobiliser dans un parcours de formation choisi. La présence humaine, le professionnalisme, le travail sur l’estime de soi, la disponibilité sont déterminants lorsque les jeunes vivent un parcours difficile.
La place d’Internet et des réseaux sociaux
Les enquêtes montrent qu’Internet constitue l’une des principales sources d’information des jeunes. Cette pratique n’est néanmoins pas homogène. Elle est étroitement liée aux compétences des jeunes dans leur accès à l’information. Par ailleurs, une recherche d’information s’articule généralement avec l’utilisation d’une autre source. Beaucoup de jeunes doutent aussi de la fiabilité d’Internet, même s’ils utilisent cette ressource de manière régulière. « Avec Internet, l’inconvénient, c’est qu’il faut savoir sur quel site aller, parce que sinon, il y a tellement de choses qui sortent, on sait jamais si c’est vrai ou pas vrai », note un jeune de 15 ans, interrogé lors d’une enquête menée en Savoie.
L’utilisation d’Internet influe sur la posture et la compétence des acteurs de l’information et du conseil de l’orientation. Beaucoup de jeunes font une première recherche sur Internet qu’ils viennent vérifier auprès d’un professionnel. Leur demande devient plus pointue, plus ciblée. Ils sont plus critiques sur ce qu’on leur propose. La recherche de conseil prime, le jeune ayant l’impression d’être déjà informé. Les réseaux sociaux sont aussi des lieux où les jeunes échangent et s’informent auprès de leurs pairs.
Une conception élargie de l’information sur l’orientation
La complexité du rapport à l’information implique, de la part des professionnels, de décliner une panoplie d’outils différents. Il est nécessaire de développer chez les jeunes la capacité d’anticiper, de construire une culture de l’information vécue et désirée, et non plus subie et contrainte. Un professionnel de l’éducation spécialisée rencontré dans l’agglomération du grand Angoulême a élaboré des outils très concrets, préalables à un accès puis à une appropriation de l’information: « Nous avons mis en place un chantier éducatif pour que les jeunes restent en contact avec les adultes, qu’ils se confrontent aux questions auxquelles ils se posent. Le monde leur paraît incohérent… nous faisons un travail avec les familles, avec les institutions extérieures. Il faut les mettre en situation de réussite. » À Tours, l’évaluation d’un programme d’accompagnement dans le domaine de l’information des jeunes en classe de 3e (option découverte professionnelle 3h, dite DP3) a démontré qu’ils étaient avant tout demandeurs d’un contact privilégié avec le monde de l’entreprise. Ils souhaitent voir les métiers en action: les visites d’entreprises sont les plus appréciées par 70% des jeunes interrogés sur les activités proposées dans le cadre de leur option. L’organisation de rencontres avec de jeunes apprentis ou étudiants et l’immersion en entreprise sont par ailleurs suggérées en priorité par les jeunes parmi les activités non proposées.
Améliorer la lisibilité du service public de l’orientation et l’articulation entre ses acteurs
La mise en place du service public d’orientation tout au long de la vie vise à mieux articuler l’intervention des structures du champ de l’information et de l’orientation. Nos enquêtes ont révélé des situations contrastées dans ce domaine. Les acteurs ne connaissent pas toujours les modes d’intervention respectifs. Des projets très concrets favorisent de meilleures coopérations sur un territoire. Cela s’est vérifié lors d’actions de type forum des métiers ou dans le cadre des conseils d’éducation à la santé et à la citoyenneté (CESC) mis en place dans les collèges et lycées. Le bassin de vie est apparu comme un niveau de territoire pertinent pour développer des partenariats. L’une des dernières évaluations réalisées par l’INJEP porte sur la pertinence d’un outil partagé entre les différents acteurs de l’accueil de l’information et de l’orientation sur un territoire6. Elle confirme notamment l’importance de la durée et de la stabilité des acteurs pour la bonne construction d’un partenariat.
Un système d’information sur l’orientation trop centré sur l’offre
Si l’on s’interroge sur l’information en tant que « système », la synthèse des analyses menées montre que ce dernier reste très dirigé par l’offre. La réflexion des acteurs, rencontrés dans le cadre de nos études, est prioritairement centrée sur l’offre et moins sur les utilisateurs dont les pratiques demeurent floues. Il en résulte une information globalement descendante et l’on observe parfois une confusion entre information et communication. Beaucoup de professionnels estiment que, au vu de la richesse de l’offre, les jeunes sont bien informés. Les questions liées à la situation des jeunes, à leur parcours, à leur appétence, mais aussi à l’utilisation, l’accessibilité et l’appropriation de l’information restent en arrière-plan.
On retrouve cette « loi de l’offre » dans les forums d’information sur les métiers où se regroupent des filières de formation et des branches particulièrement dotées en moyens de communication. Un cadre au sein duquel beaucoup de jeunes ne se retrouvent pas.
Il paraît donc nécessaire de connaître et de reconnaître le rôle des jeunes dans la transmission, la production et la diffusion d’informations.
1. Remerciements à Cécile Delesalle et Jean-Pierre Halter pour leur contribution rédactionnelle et leurs précieux conseils.
2. Halter J.-P., Marquié G., avril 2009, « Les jeunes et l’information dans leur orientation et leur parcours personnel », INJEP. Enquête réalisée auprès de professionnels.
3. Le programme Pollen, mis en place par l’ESSEC, est un « outil d’accompagnement collectif » qui vise à « développer des capacités de coopération, d’initiative, de créativité et d’autonomie chez des lycéens issus de milieu modeste et à leur permettre d’aller au plus loin de leurs capacités en choisissant une orientation adaptée et ambitieuse ».
4. Analyse de focus groups constitués de l’ensemble des bénéficiaires du programme, ainsi que des entretiens réalisés avec les équipes éducatives des différents lycées concernés.
5. La loi n° 2009-1437 du 24 novembre 2009 relative à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie a instauré le Service public de l’orientation tout au long de la vie (SPOTLV). Il comprend un service dématérialisé multimédia (SDM) et la labellisation d’organismes locaux.
6. « Espace métiers info, un lieu partagé et un lien entre les acteurs de l’accueil, information, orientation, accompagnement (AIOA) ». Cette expérimentation est portée par le bureau information jeunesse d’Indre-et-Loire dans le cadre du Fonds d’expérimentation pour la jeunesse. Télécharger Etudes et synthèses n°9 - Orientation: les pratiques d'information des jeunes changent la donne.
Mládež: štúdie a syntézy č 9 - Orientácia: informačné praxe mladých ľudí zmeniť zmluvu.
Čo vieme o informovanosti mládeže v oblasti poradenstva? Štúdie podľa INJEP na túto tému dá vidieť rôznorodé postupy, podľa vzorov a chodníkov, kde sebaúcta a blízke vzťahy sú dôležité. Viac...