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Formation Continue du Supérieur
16 juin 2012

Evaluation des universitaires

 

http://sciences.blogs.liberation.fr/.a/6a00e5500b4a6488330176157a2f75970c-250wi Le débat continue sur le blog {Sciences²} à propos de l'évaluation des universitaires. Après la lettre de Christophe Mileschi, la réponse de Frédéric Dardel (président de l'Université Descartes), voici la réponse à la réponse, écrite par Alain Herreman, Maître de conférences en histoire des sciences Université de Rennes-1. Pendant ce temps, deux pétitions ont été lancées (ici celle de l'ex-Coordination, et là une autre), qui réclament l'abrogation du décret sur l'évaluation des universitaire.
Voici le texte d'Alain Herreman:

«En réponse à l'annonce dans laquelle Christophe Mileschi déclarait refuser de se soumettre à l'évaluation systématique des universitaires imposée depuis 2009 par la loi (mais pas encore mise en place), Frédéric Dardel a écrit pour déclarer son soutien à une évaluation qu'il juge pour sa part "salutaire et républicaine". La question des modalités de définition des politiques scientifiques est évidemment cruciale et complexe. Cette définition ne saurait bien sûr être laissée aux seuls scientifiques, aux seuls responsables politiques, aux seuls dirigeants économiques, aux seuls associations et partis écologiques, etc. Cette complexité se retrouve inévitablement dans la question de l'évaluation des enseignants-chercheurs. Cependant, depuis que les techniques de "management" ont gagné les milieux politiques, l'évaluation n'est plus seulement une composante d'une politique publique: elle en tient en grande partie lieu. C'est le principe du "benchmarking": les indicateurs eux-mêmes définissent une politique qui se trouve de ce fait à peu près réduite à éliminer les éléments qui "sous-performent". L'évaluation peut ainsi tenir lieu de politique, et en particulier de politique scientifique. Ici comme ailleurs, une partie du pouvoir est alors transférée aux "agences de notation".
Les arguments "sur les principes" donnés par Frédéric Dardel pour défendre l'évaluation systématique des enseignants-chercheurs sont difficilement contestables. Mais il ne s'en tient pas aux principes et il est bien obligé de considérer aussi la pratique, et cela au moment même où il pose la question des objectifs de l'évaluation. Ce moment est significatif si l'on pense qu'avec le benchmarking la détermination des objectifs et l'évaluation se confondent, ou peu s'en faut. Ainsi, au moment de déterminer les objectifs de l'évaluation, Frédéric Dardel se tourne vers son expérience personnelle, celle d'un chercheur du CNRS...
Depuis que les enseignants-chercheurs se sont mobilisés contre la réforme de leur statut, et en particulier l'introduction de l'évaluation obligatoire, ils ont été confrontés comme ici à l'incompréhension de nombre de chercheurs du CNRS. Mais ces derniers, habitués et attachés à une certaine évaluation, confondent l'évaluation qu'ils connaissent avec l'évaluation à laquelle les enseignants-chercheurs s'opposent: le mot est le même, la chose est différente.
Entre l'évaluation pratiquée au CNRS et celle envisagée pour l'université, il y a d'abord une différence de nombre. La massification de l'évaluation, c'est comme la massification de l'enseignement supérieur: cela en change la nature. Mais il y a surtout une différence de destinataire. Les évaluations des enseignants-chercheurs ne sont pas destinées aux enseignants-chercheurs. Elles ne sont pas non plus destinées aux directeurs d'UFR ni aux directeurs de laboratoires. Les évaluations sont destinées AUX PRESIDENTS D'UNIVERSITE. Ce n'est pas un fantasme: c'est dans le texte du décret.
Un président d'université, ne serait-ce que par le nombre de dossiers qu'il a à considérer, mais aussi parce qu'il est bien obligé de comparer un enseignant-chercheur en droit avec un enseignant-chercheur en mathématiques, n'est intéressé que par des critères simples, simplissimes, du quantitatif, et encore: des tout petits chiffres. Pas trop nombreux non plus. Genre: A, B, C. Pas plus. Les enseignants-chercheurs ou le CNU peuvent lui remettre ce qu'ils veulent comme dossier, cela sera transformé en du A, B, C. C'est d'ailleurs là à mon avis la grande naïveté de nombre de collègues du CNU qui croient pouvoir définir et contrôler une évaluation qui n'en restera pas moins destinée aux présidents d'université.
Si les évaluations du CNRS étaient destinées au directeur général du CNRS, je dis bien au directeur du CNRS, les chercheurs du CNRS y seraient-ils toujours aussi favorables?! Et si les résultats de cette évaluation devaient servir à faire enseigner un peu plus certains chercheurs du CNRS (par exemple, parce que le ministre l'aurait demandé au directeur du CNRS...)? J'ai comme l'impression que l'évaluation perdrait à leurs yeux beaucoup de son caractère "salutaire et républicain".
Que peut faire aujourd'hui un directeur de laboratoire avec les évaluations des chercheurs du CNRS? Faire faire aux chercheurs plus de recherche ?! Un président d'université a lui un problème majeur: trouver des enseignants pour faire les enseignements. C'est son problème. Sa priorité. Et son université est déjà en déficit. Ce qui est premier c'est le besoin d'enseignants. Ce n'est pas le besoin d'évaluation. Pas même le besoin de recherche à l'université: le besoin d'enseignants. Il convient de réintégrer cette petite contrainte toute économique. Les grands principes républicains n'ont pas grand chose à faire ici. Malheureusement.
En bref, l'évaluation pratiquée au CNRS est un examen, l'évaluation à l'université est un concours. Cette fois les mots sont bien différents (surtout quand les épreuves ne sont pas exactement les mêmes pour tous et que l'on n'a pas des correcteurs compétents pour tout le monde...). C'est un concours parce qu'on a impérativement besoin de désigner des "derniers" pour les faire enseigner plus. Mais après les "derniers", il y a les suivants. Chacun connait l'histoire/poème attribué à Martin Niemöller : Lorsqu'ils sont venus chercher les communistes Je n'ai rien dit, je n'étais pas communiste. Lorsqu'ils sont venus chercher les syndicalistes Je n'ai rien dit, je n'étais pas syndicaliste. Lorsqu'ils sont venus chercher les Juifs Je n'ai rien dit, je n'étais pas Juif. Puis ils sont venus me chercher Et il ne restait plus personne pour protester.
Avant il y avait les laboratoires classés "A". Nombre de membres de ces laboratoires s'accommodaient des sanctions subies par les laboratoires moins bien classés. Là aussi, l'évaluation des laboratoires par l'AERES ressemblait beaucoup au début à celle pratiquée au CNRS. Et puis le classement "A+" a été introduit. Certains se sont retrouvés classés seulement "A" quand d'autres ont été classés "A+". Ces "A" se sont alors sentis un peu "B", voire "C". Ils ont éprouvé des sentiments qu'ils avaient jusque là ignorés... Et puis sont venus tous les "Ex" : Labex, Idex, etc. Être "A+" ne suffisait plus. Et il ne restait plus personne pour protester.
Mon appréciation des forces en présence diffère un peu de celle de Frédéric Dardel. Il défend l'évaluation des enseignants-chercheurs parce qu'il l'imagine sur le modèle qu'il a connu au CNRS. Rien pourtant ne justifie qu'il en soit effectivement ainsi. Le risque me semble plutôt que l'évaluation pratiquée au CNRS, généralement appréciée par ceux qui y sont soumis, ne soit bientôt qu'un souvenir et soit rendue conforme au modèle managérial qui aura été mis en place dans les universités. N'y en a-t-il pas déjà des signes avant-coureurs?
Face à ce pari, et dans le contexte actuel, refuser l'évaluation systématique des enseignants-chercheurs destinée aux présidents d'université et demandée par eux apparaît une position très raisonnable.»
http://sciences.blogs.liberation.fr/.a/6a00e5500b4a6488330176157a2f75970c-250wi The debate continues on the blog Sciences about the evaluation of academics. After the letter from Christopher Mileschi, the answer to Frédéric Dardel (Descartes University President), here is the answer to the response, written by Alain Herreman, Lecturer in History of Science University of Rennes 1. Meanwhile, two petitions have been launched (here that of the former Coordination, and then another), who demand the repeal of the decree on the evaluation of university. More...
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