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Formation Continue du Supérieur
6 décembre 2011

Diplômés étrangers : cette circulaire qui ne passe pas

Les EchosPar Isabelle Ficek et Marie Bellan. Depuis la circulaire du 31 mai dernier, l'embauche des étrangers non communautaires de haut niveau se heurte aux refus administratifs. Milieux universitaires et entreprises craignent une fuite des jeunes diplômés vers d'autres pays plus accueillants.
J'aime la France et je la quitte. »
C'est sur ce constat amer que Salma est retournée au Maroc, son pays natal, il y a quelques jours à peine. Diplômée de Sciences po et malgré une promesse d'embauche dans un cabinet de conseil en ressources humaines, cette jeune Marocaine, qui a fait ses études au lycée français de Rabat, n'a pas reçu l'autorisation de rester séjourner en France pour y travailler. En cause, une circulaire du 31 mai dernier, signée des ministres de l'Intérieur et du Travail (voir ci-dessous), qui rend plus difficile l'embauche de salariés étrangers non communautaires, qu'ils soient jeunes diplômés ou expérimentés. Le texte a suscité une telle levée de boucliers dans les milieux universitaires, à la Conférence des grandes écoles (CGE) et à celle des présidents d'université (CPU) notamment, que le gouvernement a infléchi sa position, acceptant de faire réexaminer au cas par cas pour certains étudiants l'application de la circulaire. Après plusieurs semaines de discussions, le Premier ministre François Fillon a fini par sortir du bois, il y a quinze jours, dans une lettre rappelant l'attachement de la France à sa « tradition d'accueil des étudiants étrangers ». Sans oublier de souligner les objectifs du gouvernement de « mieux maîtriser l'immigration professionnelle ». Côté entreprises cependant, on reste vigilant car de nombreux dossiers de jeunes étrangers diplômés en France et ayant reçu des promesses d'embauche attendent encore dans les préfectures.
« C'est une décision d'un autre temps, ça ne fait aucun sens »
, tempête le directeur du recrutement d'un groupe du CAC 40. Les 500 dossiers « bloqués » ou carrément refusés par les préfectures, et recensés par le Collectif 31, qui soutient ces étudiants, ne sont que la partie émergée de l'iceberg car beaucoup ne se sont pas fait connaître. Jusqu'à présent, près de la moitié ont finalement reçu une réponse positive pour rester en France. Pour les autres, c'est une fin de non-recevoir avec obligation de quitter le territoire. Un peu plus de 120 demandes de changement de statut sont encore arrivées ces trois dernières semaines jusqu'au cabinet de Claude Guéant. Le problème est donc loin d'être réglé, même si le gouvernement souligne que la France a déjà délivré plus de 6.000 changements de statut en 2011.
Dossiers débloqués au cas par cas

« Nous recrutons chaque année une cinquantaine de jeunes diplômés étrangers, certains sont brésiliens, chinois ou viennent du Moyen-Orient. Ces profils sont stratégiques pour notre entreprise car ce sont les marchés sur lesquels nous avons les plus grosses perspectives de croissance. Notre chiffre d'affaires se fait déjà à 90% hors de France », explique François de Wazières, directeur international du recrutement de L'Oréal. Actuellement, une dizaine de dossiers d'étudiants, ayant reçu une promesse d'embauche du groupe de cosmétique, sont encore en suspens. D'autres grandes entreprises sont concernées, qu'il s'agisse d'Alcatel, Total ou de grandes banques françaises. Difficile pour autant de communiquer trop ouvertement sur le sujet: la plupart d'entre elles espèrent faire débloquer les dossiers en souffrance au cas par cas, sans faire de vague.
Pour les groupes internationaux, une des solutions consiste, faute de mieux, à recruter ces jeunes diplômés via leurs filiales à l'étranger, avec des contrats locaux, « mais cela ne correspond pas à notre stratégie. Nous avons besoin de former ces jeunes pendant au moins trois ans dans nos centres de recherche en France afin qu'ils connaissent bien leur métier et notre entreprise. Ce n'est qu'une fois bien formés qu'ils peuvent retourner dans leur pays d'origine », confie un responsable d'un grand groupe industriel, qui embauche chaque année entre 20 et 30 jeunes ingénieurs non européens. Il s'agit souvent de profils très diplômés (polytechniciens, ingénieurs des Mines...) dont les niveaux de salaire d'embauche dépassent les 40.000 euros annuels. « C'est-à-dire des profils stratégiques pour notre groupe, qui sont les futurs cadres dirigeants de nos filiales étrangères », continue ce responsable.
Pénurie de candidats

En rendant plus difficile l'accès au marché de l'emploi pour les salariés étrangers, le gouvernement espère faire repartir l'emploi des nationaux. Un calcul à courte vue selon Jean-Marc Mickeler, associé, responsable de la marque employeur du cabinet de conseil et d'audit Deloitte : « Si ces recrutements restent bloqués, nous n'embaucherons pas des jeunes diplômés français pour les remplacer car ils n'ont pas le profil que nous recherchons. Nous n'avons pas seulement besoin d'un HEC ou d'un Essec, mais aussi d'une personne qui a une double culture. C'est ce que nous demandent nos clients lorsqu'ils ont des projets de développement à l'étranger. Cette diversité de points de vue n'a pas de prix. » Et pour cause, recruter un salarié étranger est non seulement chronophage et lourd administrativement, mais cela a aussi un coût, qui, pour ce genre de profil, dépasse souvent les 2.000 euros de taxe à payer à l'Etat. Chez Deloitte, où une équipe des ressources humaines travaille spécifiquement sur ces recrutements, une soixantaine de diplômés étrangers devaient être embauchés cette année: 35 ont reçu une réponse positive, 20 sont encore en cours de traitement, et 2 ont été refusés alors que l'entreprise les destinait à son activité d'audit, un métier réputé en tension.
D'autres secteurs font, eux aussi, face à des pénuries de candidats: « Il y a un déficit structurel d'ingénieurs en France qui nous oblige à recruter des candidats étrangers », témoigne Jacques Adoue, directeur des ressources humaines de Capgemini en France, dont une centaine de dossiers sont actuellement bloqués. « Par ailleurs, que peut-on dire à un manager qui a pris du temps pour former un stagiaire pendant six mois, qui veut l'embaucher et qui, au bout du compte, ne peut pas ? » Ou qui l'embauche, puis doit jeter l'éponge, comme vient de le vivre ce jeune Marocain, diplômé en juillet de l'Efrei Paris Sud (Ecole d'ingénieurs des technologies de l'information et de la communication). Recruté début septembre en CDI dans une société de conseil, il a essuyé début novembre un refus de changement de statut avec, à la clef, une rupture de son contrat. En cause? Son poste d'« ingénieur en production et exploitation des systèmes d'information », décrit par l'entreprise comme « consultant ingénieur » ainsi qu'elle le faisait chaque année, ne figure pas, au contraire de l'intitulé exact, dans la liste des métiers en tension. Pour certaines SSII, ces refus administratifs peuvent mettre en péril l'activité de l'entreprise. « Nous sommes effectivement passés à côté de certains contrats commerciaux à cause de la circulaire », admet Eric Decalf, PDG de la société Additeam. Au niveau national, cette circulaire risque d'entamer l'attractivité de la France, comme le souligne Lionel Ragot, économiste au Cepii: « La France a déjà des difficultés à attirer des salariés étrangers expérimentés de haut niveau. Elle compense avec les étudiants étrangers diplômés des grandes écoles qui restent sur le territoire quelques années, or c'est justement ce mécanisme qu'on est en train de remettre en cause. »
L'attractivité, c'était aussi l'un des principaux chevaux de bataille des grandes écoles et des universités. Si elles sont satisfaites du geste politique de François Fillon comme du message passé dans les ambassades pour tenter de rectifier le tir, elles estiment que le mal a été fait. Et qu'il faudra du temps pour rassurer et réparer une image écornée. « Un véritable gâchis », s'emporte Nabil Sebti, porte-parole du Collectif 31, qui y voit « un frein au potentiel de croissance des entreprises françaises à l'étranger » et « des jeunes qui choisiront d'autres pays d'études ». Ou iront exporter leurs compétences acquises dans l'Hexagone. Selon lui, le gouvernement du Québec, qui vient justement recruter ce mois de décembre à Paris et à Lyon, a fait savoir à ces diplômés hautement qualifiés que ses portes étaient grandes ouvertes.
Au-delà des prises de parole du gouvernement, le collectif réclame un retrait de la circulaire. « Le cas par cas n'est pas satisfaisant, il engorge les préfectures, et les diplômés de l'an prochain risquent de se heurter aux mêmes difficultés », regrette Nabil Sebti. Une demande qui n'a aucune chance d'aboutir tant la question migratoire, diplômés étrangers ou non, cristallise les tensions à quelques mois de la présidentielle.
Chiffres clefs

La France a accueilli 65.218 étudiants étrangers hors Union européenne en 2010, soit 28,82% de plus qu'en 2009. Les nationalités les plus représentées sont: la Chine (15,9% des entrées d'étudiants), le Maroc (8,8%), les Etats-Unis (8,6%) et l'Algérie (6%). Selon une étude du ministère de l'Intérieur réalisée entre 2002 et 2009, sept ans après leur arrivée en France, 60% des étudiants étrangers ont quitté le territoire national. Les 40% restants sont toujours présents, 10% toujours comme étudiants, 10 % ont changé de statut pour devenir salarié et 20% ont un titre de séjour pour raisons familiales. Au total, 285.000 étudiants étrangers (y compris européens) suivent un cursus en France.
Voir aussi Diplômés étrangers: Fillon s'engage, Menace sur les diplômés étrangers en entreprise.

Les EchosIsabelle Ficek i Marie Bellan. Ponieważ okólnik 31 maja zatrudniania spoza UE na wysokim szczeblu twarze administracyjnego odmowy. Academia i firm strachu lot młodych absolwentów do innych krajów bardziej przyjazna. Więcej...

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